La carte postale

Christine Bruyere

Pascal est rentré de vacances depuis quelques jours. Sa carte postale qu'il ne manque jamais de m'écrire est arrivée ce matin. Carte postale, oui, si on veut, mais photo qu'il a fait développer sur place et utilisée à cet effet.

Un temple, ou du moins son porche, jaune orangé, légèrement flou. Est-ce au Laos ? Au Cambodge ? L'encadrement de l'ouverture est rouge avec ce que je devine être des décorations dorées. Sortant du temple, un moine bouddhiste, son sari orange – non, ce n'est pas un sari – son bout de tissus, ça doit avoir un nom, mais bon ... savamment enroulé autour de son corps laisse une épaule dénudée. Impression de sérénité et d'harmonie.

Cette carte ne m'étonne pas : c'est tout mon fils. Ah, mais non, ce n'est pas lui qui a commis cette carte, d'ailleurs elle ne m'est même pas destinée ! Quelques mots y figurent au dos :

Alors, c'est pour quand ?

Avec qui ?

Pourquoi ?

Pas de signature, juste « P ».

Ma voisine va être contente de recevoir cette carte ! Elle a 70 dix ans, ma voisine ; c'est certainement son amoureux qui lui a écrit, à moins que ce ne soit simplement son frère. Peut-être qu'elle veut fêter ses 70 ans et qu'elle ne l'a pas invité !

En tous cas, à sa place, je serais contente de ne pas être invitée à son anniversaire, vu la manière dont elle ne sourit jamais, ma voisine ; elle est tellement qu'elle ne sait même pas ce que cela veut dire « fête ». Faire la teuf, je vous dis, Mademoiselle Ernestine.

Et son frère, je ne vois pas pourquoi il en fait toute une histoire. Bien sûr, s'il lui ressemble, je comprends qu'elle ne veuille pas l'inviter.

J'aurais aimé recevoir un texte aussi énigmatique. Il aurait pu venir de Pierre, le mec que je viens juste de quitter. Je lui aurais répondu :

Pour bientôt !

Avec lui !

et

Pourquoi pourquoi ?

Signé « K ».

Mais alors, Pascal, ta carte, elle arrive ?

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