La chambre de la Chaize.

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L'on mettait un peu d'eau et de cognac dans nos salades. Quand arrivait le dessert, on enlevait la croûte.

Nous cherchions une maison au bord de l'océan. Durant notre petit voyage à caractère prospectif, Betty s'occupait des réservations.

Thomas tenait son hôtel devant la mer. Il vous accueillait derrière une banque surmontée d'une grande plaque de plexiglas pour si jamais la morve, avec à l'entrée un distributeur de gel pour si jamais les doigts. Un chien en céramique, tourné vers le porte-parapluie, montait la garde. Quelques vélos, garés en quinconce sur le trottoir, semblaient indiquer que son propriétaire pouvait vous en prêter un pour si une nuitée.

« Bonjour ! Il vous reste une chambre pour cette nuit ? »

« Bonjour Madame ! Attendez, je regarde... »

Les hôteliers ont tous cette même attitude, celle de vous faire patienter devant leur registre, comme si la lecture de celui-ci pouvait avoir une quelconque influence sur votre arrivée. En général la réponse est toujours la même :

« Ah ben vous avez de la chance, il m'en reste une avec un grand lit ! »

« Qu'une ? »

« Parce que vous êtes plusieurs ? »

« Non ! Juste mon mari et moi ! Les chats ils sont chez ma mère ! Donc on ne peut pas choisir laquelle ? »

« Ben non ! C'est difficile de choisir une chambre sur une chambre ! »

« Pourtant, vous avez au moins 10 vélos de garés devant votre hôtel ! Je pensais qu'il vous en restait au moins 5, de piaules ! »

« Heu... pardon Madame, mais ici nous ne faisons que des chambres de luxe... pas des piaules ! Et puis les vélos, ils sont pas à l'hôtel, ils sont aux petits Chinois de Xiang Zhu qui sont en stage ! »

« C'est 3 heures de l'après-midi ! Qu'est-ce qu'ils foutent encore dans leurs chambres ! Moi à cette heure j'suis à la plage ou dans les boutiques ! Ils baisent ? »

« Pardon Madame, mais la discrétion de l'hôtel fait que nous ne cherchons pas à savoir ce que nos clients font dans leurs chambres ! Et si je peux me permettre, que vous louiez maintenant, je pourrais penser la même chose de vous avec votre mari ! »

« Louiez ce que vous voulez, mais nous on va juste pour l'instant déposer nos valises ! On viendra baiser que vers 21 heures, après les huîtres ! C'est la combien ? »

Betty n'aime pas faire l'amour en journée. Elle dit que c'est perdre du temps sur le shopping ou la marée basse, perdre une affaire, un coup de soleil. Aujourd'hui avec le confinement, son avis semble se modérer. Lorsque Amazon passe dans la boite à lettres du matin et que la plage semble se faire plus humide, elle entre dans mon bureau en me signifiant :

« C'est 10 heures, t'en penses quoi ? »



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