La confiture d'abricot.

alcaline

Elle pense qu'elle va bien, qu'elle est guérie. Elle a juste appuyé sur le bouton pause de sa vie. Mais quelqu'un va récupérer la télécommande.


Marc Darcy n'existe pas, tout comme les pommes d'amour light ou les crèmes anti-cellulites.

Et, en attendant que l'on me prouve le contraire je vais vivre ma vie comme elle se présente sans objectifs précis, sans plans et  sans plus d'interrogations profondes sur le monde qui m'entoure.

J'appartiens  à cette race de la dilettante qui admet et  autorise l'inattendu, le bouleversement et donc aussi très souvent l'ennui.

Je ne cours pas après l'argent, je ne cours pas après l'idée d'un corps parfait et je ne cours pas non plus derrière la passion torride et l'amour ultime qui transpercera toutes mes désillusions.

Tous les jours j'apprends à vivre, à respirer d'autres parfums, à toucher et accueillir d'autres atmosphères.

Solitaire ?  Parfois. Mais une solitude acceptée, recherchée même. Des moments d'absence dans la foule, aux soirées d'amis.  Des instants, seule, entre moi et le monde entre mes peurs et mes souvenirs entre ma médiocrité et ma lumière. 

 Aujourd'hui est un grand jour : je retourne chez le coiffeur. Ça fait des années que je n'ai pas mis les pieds dans un salon. Je suis dans l' excitation de l'attente comme un enfant la veille d' un départ en vacance.

Je suis excitée, car j'adore me faire tripoter la tête et inventer des réponses aux questions de la coiffeuse.

Je suis un peu en avance, je suis toujours un peu en avance. On m'offre un thé, on me refile des magasines,  je tends la main, j'accepte, je feuillette.  Je suis polie.

Enfin on vient me chercher. Ma tête dans le bac, l'eau chaude et les mains douces et puissantes de la shampouineuse…..

Je crois que si je vais si rarement chez le coiffeur c'est  pour à chaque fois redécouvrir entièrement cette sensation ; celle d'abandonner complètement son corps à un inconnu et de lui laisser vous procurer ce sentiment de  tendresse presque trop intime.

 

A la coupe la coiffeuse s'exclame sur mes cheveux, leur couleur, leur volume, leurs boucles…. (Elle fait bien son travail.)

Je sors j'ai perdu deux-cents grammes, ma tête est légère, légère. Je me regarde dans une vitrine d'opticien et j'habille ma bouche avec mon rouge St Laurent, il me rappelle la couleur pleine et gourmande des cerises que ma grand-mère cueillait…

 

Il n'est que dix-sept heures et la nuit est tombée, les illuminations de Noël prennent le relais de la lumière du jour. Mon cerveau crée des odeurs chaudes de pains d'épices justes sortis du four et de cannelle fraîchement râpée du bâton.

Je m'installe à une terrasse à brasero, j'ouvre un livre, juste pour me donner un alibi parce qu'en vérité  je vais regarder et écouter les gens ; les jeunes, les vieux, les serveurs…..

 Une très jolie tasse pleine d'eau chaude se pose doucement sur ma table. Sur la soucoupe je crois bien qu'il s'agit d'un mini macaron à la rose. Je vais prendre mon temps, je vais jouir des vingt-deux degrés offerts pas la torche géante derrière moi ; je vais laisser fondre la sucrerie dans ma bouche et je vais réconforter mon âme dans les discussions des autres.

 

Jamais je n'aurais pu prédire ce qui allait arriver alors.

 Une femme, soixante ans, un carré blond lisse, des lunettes mauves, des gants à pois. Elle voudrait bien se mettre en terrasse aussi mais plus une table alors elle me propose de partager la mienne. J'accepte. N'oublions pas que je sais accueillir l'inattendu.

 

-  Merci c'est vraiment gentil. Je n'en pouvais plus, les courses de Noël ça fait quarante ans que je dis que je devrais m'y mettre en septembre mais faut croire que j'éprouve un plaisir maso à  suer des litres chez Sephora et Maisons du monde.

Je ris.

-   Je m'appelle Cassandre au fait.

-   Enchantée Cassandre, moi c'est Mirabelle.

-   Mirabelle ? C'est original, vos parents doivent être des rigolos.  

-         …..

-         Et vous êtes seule ?

-         …… ?

-         Je veux dire vous n'attendez personne ?

-         Ah non pas aujourd'hui. (Les autres jours non plus tu m'diras)

-         Mirabelle ?

-         Oui

-         Vous aimez le champagne ?

-         Oui,  peut-être même un peu trop.

Elle sourit, appelle le serveur, commande deux coupes. Les bulles excitent mes narines. Il est bon, il est très bon. Les flûtes se vident doucement mais sûrement et je demande une autre tournée. Cassandre et moi sommes grisées. Les discussions autour de nous s'assourdissent. Nous partageons chacune un moment d'ébriété avec une parfaite inconnue qui par la grâce du contexte et  du champagne devient l'individu le plus proche de nous dans l'instant.

Elle me parle de ses deux maris, de ses quatre fils, de sa faculté à n'avoir jamais de rhume ainsi qu'à son besoin  quotidien et quasi névrotique de parler aux gens. Elle m'interroge beaucoup mais pas de questions anodines ; elle me demande si je crois en Dieu, si je vote, si je mets des sels dans mon bain. Les rares silences que l'on partage ne sont pas pesants, ils sont plaisants. On se regarde, on observe les mêmes passants et ont rit discrètement aux aventures ordinaires des autres.

 

-         Mirabelle tu fais quoi à Noël ?

-         Oh ça ? Ma famille est au Japon cette année alors j'avais prévu du foie gras, une bouteille de Sauternes et quelques films.

-         Ah c'est sympa….

-         Mais … ?

-         Mais un peu triste quand même. C'est vrai c'est dommage de passer cette soirée là seule. Moi ça me donnerait le cafard en tout cas.

-         Je sais pas, j'y ai pas trop réfléchis, je suis habituée à être seule.

-         Ouais d'accord mais si je te proposais de venir à la maison.

-         Pardon ?

-         Mais oui tu viens, tu viens, tu manges, tu bois, tu t'effondres sur le fauteuil près de la cheminée et tu passes une bonne soirée.

-         Mais tu ne me connais presque pas et si j'étais une tueuse psychopathe ??

-         Non je ne crois pas. Je me sentirais mieux à te savoir avec moi que toute seule et puis ça me ferait vraiment plaisir.

-         Je suis très touchée.

-         Ça veut dire « oui Cassandre avec plaisir. » ?

-         Oui Cassandre avec plaisir.

-         Parfait alors.

 

On a échangé les numéros, les adresses, les mails. (     Elle voulait vraiment être sûre de pouvoir me contacter.)

-         A dans trois jours alors.

 

Elle m'a embrassée, vraiment embrassée sur les deux joues, m'a souri et a disparu  entre la foule de passants et le rideau blanc des flocons qui venaient de commencer à tomber.

Je suis restée l'air un peu con sur ma chaise, très émue aussi je crois.

 

 

Le matin du Réveillon mon téléphone sonne, Cassandre est au bout du fil. J'entends derrière elle des bruits de vaisselle et Franck Sinatra qui chante Noël.

-         Mirabelle, on passera te prendre ce soir, tu es sur la route d'un de mes fils. Ça te va ?

-         Oui c'est super merci beaucoup.

-         Ok pour 19 heures en bas de chez toi alors, à ce soir beauté.

-         ………..

Je vais faire des sablés de Noël, ça va me détendre.

Trois heures plus tard, je me rends compte que j'en ai  beaucoup trop fait. Je prends une boîte à Panettone en fer avec un renne au nez rouge et je la remplis à ras bord.

Ils sont beaux mes biscuits, ils sont comme ceux des photos de recettes des magasines féminins.

Je regarde l'heure : au bain !

Je mets Duke Ellington et je me plonge dans l'eau brûlante. La chaleur me rend somnolente…

 Bordel je crois bien que je me suis endormie!  Bon mes bas, une robe noire, mes escarpins vernis rouges. Mes cheveux en chignon flou, mes brillants aux lobes et un voile de Jardin d'hiver dans mon cou. Puis l'attente ; une cigarette, deux cigarettes, un rebrossage de dents, une retouche de rouge.

18 h 55 je descends devant mon immeuble. Une voiture se gare à ma hauteur, la portière s'ouvre et le truc qui vient d'en sortir est beau, vraiment très beau. Mais, il se barre. Ok. Deux minutes plus tard mon vrai carrosse se pointe et se pose en double file.

-         C'est vous Mirabelle ?

-         Oui.

-         Ben montez alors !

J'obtempère. Je dois être cinglée.

Ça sent le caramel et le Vétiver dans la voiture.

-         Moi c'est Raoul.

-          Bonsoir Raoul c'est gentil d'être venu me chercher.

-         Pas de prob. Ma mère a de drôles de lubies parfois. Enfin bref.

Il fait vraiment très chaud dans l'habitacle, mais en tant que drôle de lubie je préfère me taire.

Il change le CD, il passe les huit premiers titres très rapidement pour arriver sur un produit musical qui m'est inconnu. Du métal mais pas un truc que je connaisse c'est pas ma came, mais c'est carré.

-         Ça va c'est pas trop violent pour vous ?

-         Violent ? Non c'est pas le mot que j'aurais utilisé.

-         Ah ouais ?

-         J'aurais plutôt dit exutoire.

-         Ah.

-         Quoi vous pensiez me rebuter ?

-         Non enfin peut-être un peu….

 

Nous ne nous sommes plus rien dit jusque chez Cassandre. Une énorme bâtisse avec une grande allée de chênes pour y arriver. Partout des lumières, des guirlandes lumineuses, des sapins. Merveilleux. Féerique.

Quand je suis sortie de la voiture Cassandre attendait sur son perron et elle m'a vite fait entrer dans sa demeure.

 

C'était un très beau dîner, luxueux mais chaleureux, et à part Raoul je pense que le reste de la famille n'était pas vraiment perturbé par ma présence. J'ai bien trop mangé et Cassandre avait vu juste ; je me suis affalée dans son petit salon en face de la cheminée. Le dernier cognac a eu raison de ma fatigue et je sombrais doucement dans le sommeil en écoutant les craquements du bois. C'est sans doute dans ce genre de moment que l'on peut vraiment utiliser le mot « contentée ».

J'ai sentie qu'on me transportait mais je n'ai fait aucun effort pour en savoir plus, j'ai fait comme chez le coiffeur ; je me suis laissée aller.

On a enlevé mes chaussures et on m'a glissée dans un cocon de coton tiède et là je me suis vraiment endormie.

 

C'est une odeur de brioche et de café qui m'a réveillée. Quand je suis descendue Cassandre était en robe de chambre en velours carmin. Ses cheveux blonds étaient électriques. Elle était belle dans la lumière blanche et dorée de l'Hiver qui traversait la fenêtre.

-         Assieds- toi.

Le café s'est coulé devant moi dans un bol en émail. Les brioches dorées, les pains aux céréales, les confitures, les fruits….. Tout était là.

 

-         Cassandre merci pour tout ça, vraiment.

Elle ne répondit pas mais passa sa main derrière ma tête et pendant ce court instant j'ai fermé les yeux. J'ai pensé à ma mère. Cet être que je ne reverrai jamais et auquel j'inventais une existence qui me manquait tant.

-         Tu sais Mirabelle on a une installation Spa du tonnerre au sous-sol si ça te tente…

-         Quoi tu veux dire, sauna, hammam ??

-         Exact, après le petit déjeuner on va y aller. Tout cet alcool qu'on a ingurgité hier il va falloir l'éliminer.

Que c'était bon de cuire à feu doux dans le sauna de Cassandre. Ça sentait le pin et la lavande. Cassandre n'a pas ouvert la bouche une seule fois, je crois qu'elle aussi avait besoin d'un moment seule avec elle-même.

Quitter cette maison a été une des choses les plus pénibles à faire.

Arrivée chez moi, ma solitude habituelle retrouvée  avait un sale goût, une amertume, cette sensation de larmes  coincées dans la gorge.

Je me suis fait une soupe chinoise en sachet et j'ai filé au lit.

 

Cette nuit j'ai rêvé de ma mère et de sa confiture d'abricot. Elle en faisait rituellement tous les ans et elle me laissait écrire  et coller les étiquettes sur les bocaux encore tièdes.

 Je n'ai plus manger de confiture d'abricot depuis…..

 

 

Le soir du 31 j'ai rejoins quelques amis sur une péniche. Les toasts au saumon et la débauche de champagne sur le pont avaient un goût d'irréel. J'ai beaucoup dansé, j'ai parlé fort, j'ai embrassé un homme…..

Le lendemain : dur. 

Mon Dieu, je deviens trop vieille pour ce genre de soirée.

Pour me remettre d'aplomb, je décide d'aller au parc en bas de chez moi. Les arbres centenaires nus recouverts de givre blanc. Les enfants emmitouflés dans leurs doudounes multicolores  sur les balançoires et les toboggans. Et les parents aux cernes presque mauves sur les bancs qui semblent attendre que quelqu'un viennent les achever.

Puis au fur et à mesure, ce parc qui se vide et mes fesses congelées qui  m'ordonnent de me lever moi aussi et de rentrer.

En arrivant, mon téléphone que j'avais oublié me notifie cinq appels en absence. Cassandre. Je la rappelle dans un geste quasi automatique.

-         Allô Mirabelle ?

-         Oui. Ça va ?

-      Oui,  épuisée. Je me demandais ce que tu faisais aujourd'hui.

-         Oh pas grand-chose.

-         Alors retrouve- moi à la gare.

-         A la gare ?

-         Oui prends quelques culottes propres, tes affaires de toilettes et rejoins-moi  devant pour 18h00.

-         Mais ?

-         T'es en vacance non ?

(Oui je suis tout le temps en vacance.)

 

Mon petit sac de voyage, quelques culottes, un pyjama.

 

18h00, je suis devant la gare, Cassandre est là, elle me sourit, me serre dans ses bras.

 

-         J'ai déjà pris les billets. Ils me rendaient folle à la maison.

-         Mais on va où ?

-         Surprise, enfin pas pour longtemps. Je peux juste te dire qu'on part trois jours et que ça va être bien.

 

 Une heure trente plus tard nous étions à Paris. Agathe une amie à elle est venue nous chercher et nous avons partagé notre temps entre les musées, les restaurants et les soirées mondaines organisées par Agathe.

Le dernier soir fut époustouflant, l'appartement de notre hôtesse était rempli d'artistes, de professeurs et même d'un astro- physicien. Il y avait longtemps que je n'avais pas parlé à autant de personnes inconnues sans être soule au préalable.

Dans le train du retour, je n'ai plus réussi à contenir tout l'enthousiasme que j'avais en moi, j'ai remercié Cassandre peut-être bien quarante fois.

Elle a sourit, a prit ma main et l'a serrée très fort. Et à cet instant, sans que je les sente arriver, des larmes ont coulé sur mes joues. Je me suis réfugiée dans le cou de Cassandre juste entre la douceur de son châle en soie et de son parfum poudré.

 

Peut-être  qu'avant Cassandre je n'étais pas si bien  que ça. 

 

-          Mirabelle avec tout ça tu ne m'as pas raconté ton nouvel an.

J'ai essuyé mes yeux. 

-         Ah, un ami a une péniche sur la Moselle. C'était charmant mais j'ai trop bu,  j'ai embrassé un homme.

-         Vraiment ?  Il a un prénom ?

-         Émilien... je crois.

-         Tu vas le revoir ?

-         Non je ne pense pas…. Pourquoi ?

-         Ben je sais pas, tu embrasses un inconnu toute une soirée et tu ne veux pas en savoir plus ?

-         C'était rien d'important j'étais soûle.

-         Moi je crois que toi, même soûle tu sais très bien ce que tu fais. On va se renseigner sur cet Émilien.

 

 

Je n'y avais pas vraiment repensé, mais je dois avouer que j'avais tout de suite repéré le bonhomme dans la foule. Et je sais très bien qu'avant de nous embrasser à pleine bouche on avait parlé et il a du me plaire sinon jamais je ne serais pas passée à un échange salivaire aussi appuyé.

Quand je suis rentrée chez moi avec Cassandre, elle s'est exclamée sur la joliesse de mon intérieur. Je lui ai servi un verre de vin rouge et elle s'est avachie dans le canapé. On a mangé des blinis et du tarama et puis elle a appelé son mari pour lui dire qu'elle ne rentrerait que le lendemain matin. Ils se sont dits beaucoup de je t'aime et elle a fini par raccrocher.

 

-         Bon cet Émilien il doit bien avoir un Facebook, un numéro, une boite aux lettres ?

J'ai ri.

-         Cassandre je vais appeler mon ami à la péniche ça sera plus simple.

-         Oui mais du coup beaucoup moins marrant aussi.

J'ai appelé Vincent.

-         Salut Mira ! Je me demandais quand tu appellerais.

-         Ah bon pourquoi ?

-         Toi et Émilien avez fait des envieux à ma soirée.

-         Oh à ce point là.

-         C'est bon Mira détends-toi, il va être ravi, il est à côté d'ailleurs tu veux que je te le passe ?

Cassandre qui écoutait fit un geste insistant et des mouvements tellement appuyés avec sa tête que j'ai répondu oui sans vraiment trop y réfléchir.

-         Émilien ! Émilien ! Téléphone pour toi !

J'entends des pas, j'entends Vincent rire et puis chuchoter et puis….

-         Allô Mirabelle ?

-          …… heu oui.

-         Je suis très content que tu aies voulu me contacter.

-         Ah …. Ben de rien.

-         J'ai passé un très bon nouvel an grâce à toi.

-         ……

-         Tu veux que l'on se voit ? Je ne suis pas un  adepte du téléphone.

-         ……

-         Mirabelle ?

-         Oui, oui nous voir très bien.

-         Demain soir ?

-         Oui demain soir très bien.

-         Je passerai te prendre pour 19 heures.

-         Oui mon adresse c'est…

-         Je la connais Mirabelle, je me suis un peu renseigné.

-         Oh ok.

-         A demain alors.

-         Oui, oui. Bonne soirée.

-         A toi aussi Mirabelle.

J'ai eu du mal à raccrocher.

J'ai vu Cassandre servir deux verres de vin, m'en apporter un, me mettre assise et me demander si c'était bien d'avoir encore seize ans. J'ai souri.

-         Oui  c'est merveilleux.

J'ai très bien dormi et c'est le chant de Cassandre sous la douche qui m'a fait émerger en douceur. Avant midi elle avait sélectionné des tenues et puis m'avait laissée seule dans une attente terrible.

A dix-neuf heures piles on a sonné. J'ai ouvert, j'ai entendu Émilien monter les deux volées de marches. Il a frappé à ma porte entrebâillée.

Je vois sa tête passer puis le reste de son corps pénétrer timidement dans mon entrée.

-         Bonsoir Émilien.

-         Bonsoir Mirabelle.

-         Est-ce qu'on a un peu de temps pour prendre un verre ici ?

-         Oui je crois qu'on a le temps.

-         Donne-moi ton manteau alors et  assieds toi, j'arrive tout de suite.

Je passe son manteau sur un cintre et je ne peux pas m'empêcher de passer mes deux mains  le long des manches.

-         Bon alors il me reste du vin rouge, du Pineau, du Ricard et même un fond de Martini.

-         Un vin rouge .

Je reviens avec les verres et nous trinquons.

 

Je sais maintenant que mon moi alcoolisé avait eu raison, il est évident qu'il m'attire,  j'ai envie de lui, sa mâchoire carrée, ses avant-bras, ses lèvres charnues….. Il va falloir penser à autre chose ma grande !

On a beaucoup parlé, jusqu'à ce qu'on s'aperçoive qu'il était bien trop tard pour sortir. J'ai vidé un paquet d'olives dans une coupelle et on a improvisé une dînette avec du fromage et des œufs à la coque.

Il a proposé de mettre de la musique et sans même chercher à voir ce que j'avais il a appuyé sur Play et le Duke était avec nous. J'ai sentit mon corps vibrer quand il s'est approché de moi pour m'attraper par la taille et nous faire danser, nous faire faire de l'électricité….

 

Il y avait longtemps que je n'avais pas posé ma tête sur le torse d'un homme dans une confiance somme toute parfaite.

La nuit était déjà avancée mais nous avons continué à parler allongés l'un contre l'autre jusqu'à ce que le sommeil nous saisisse doucement  au milieu d'un rire.

Quand je me suis réveillée, il était toujours là, il n'avait pas disparu. J'ai essayé de faire le moins de bruit possible et je suis allée faire du thé. C'est pendant que je cherchais les bols que ses deux grandes mains chaudes se sont posées sur ma taille. Le thé allait devoir attendre….

Après deux jours enfermés dans mon appartement il a fallu qu'il reparte, qu'il me quitte pour quelques heures.

Je me suis fait deux tartines au miel et j'ai appelé Cassandre. Rendez-vous au marché couvert. Elle parlait au crémier quand je suis arrivée. Elle riait. Elle était belle. Quand elle s'est tournée vers moi son regard m'a inspiré une multitude de jolies choses. J'avais une envie soudaine de citron confit.

 

-         Alors Mirabelle il était canon à ce point là ?!

Le restaurant était plein à craquer et les gens des tables voisines ont regardé Cassandre comme si elle venait d'hurler sexe, fellation et anal dans une école maternelle.

-         Oui  il est très bien, très très bien.

-         Deux jours sans nouvelles je veux bien le croire. Vous vous revoyez quand ?

-         Ce soir…

-         Et c'est tout ?

-         Quoi ? Qu'est-ce que tu veux que je te dise, qu'il est magique , tendre, animal, chaud, cultivé, sexy, drôle, têtu…… Tu veux que je dise que je crois bien que je suis en train de perdre la tête et qu'à l'heure qu'il est j'ai physiquement mal de l'absence de sa peau contre la mienne.

Cassandre me sourit

-         Oui par exemple.

-         Je crève de trouille.

-         Pourquoi ?

-         C'est trop.

-         Profite. Arrête de te poser des questions inutiles . Tu viens avec moi dehors, tes histoires de fesses m'ont donné envie d'en griller une.

Dehors la neige s'est mise à retomber, les flocons voltigent très lentement comme s'ils essayaient de freiner au maximum leur arrivée au sol.

-         Cassandre ?

-         Oui.

Elle tentait tant bien que mal d'allumer sa cigarette.

-         Je t'ai menti, ma famille n'est pas au Japon, en fait je n'ai plus de famille. Ma mère est morte quand j'avais seize ans et….. mon père…. l'a très mal vécu ……Je suis désolée.

-         Non Mirabelle, je suis désolée.

Elle jette sa cigarette encore éteinte et me serre très fort dans ses bras. Très fort et très longtemps. Je n'entends plus que le silence de la neige qui tombe.

 

Quand je rentre chez moi, Émilien est déjà là, son sourire aussi.

 

 

 


 

C'est le mois de juillet. J'ai acheté des abricots, je vais faire une confiture.

 

 

 

 

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