La cuisine au miel (4)

A l'époque j'écoutais beaucoup Supertramp, Le super vagabond. J'avais dix-huit ans, je gardais des enfants et faisais quelques heures à l'épicerie du coin, je me débrouillais quoi. Avec mes horaires, je ne l'ai plus croisé du tout, j'ai eu l'idée un jour de lui mettre un mot dans sa boîte aux lettres, mais j'ai laissé tomber. Je l'ai vu une fois sortir d'une deux chevaux conduite par une jeune fille, alors il avait changé de copine? J'espérais que non en me mordant en les lèvres, trop envie de pleurer. Je trouvais qu'il avait du succès, et moi où en était-je toujours à penser au même garçon? Je végétais, ma meilleure amie me disait de l'oublier, de passer à autre chose. Et elle avait raison. Mes cheveux avaient poussé, envie de les teindre en noir corbeau mais je n'osais pas. Je n'osais rien de toute façon depuis la fois où je m'étais coupé les cheveux en pétard. J'allais mon train, quelques mois sont passés j'écoutais toujours les Supertramp, puis les Bee-Gees. Ma mère faisait toujours sa cuisine au miel, surtout l'hiver, ça nous réchauffait l'âme et le coeur, me donnait un semblant de joie, je survivais quoi. Enfin je crois que j'exagérais. Et puis un jour je me suis réveillée après une nuit agitée, ce n'était plus possible de vivre comme ça. J'ai pris ma valise, je l'ai remplie d'effets divers et j'ai pris la poudre d'escampette, je serais renvoyée de mes deux boulots mais tant pis. Je n'en pouvais plus de cette vie d'amoureuse malheureuse, je suis allée à la gare, ai pris le premier train Paris, rien que ça!

(à suivre)