La demoiselle au coquelicot

ella

Sur le sentier, entre les arbres,

Elle marche.

La demoiselle au parapluie.

Ses pieds crissent sur les cailloux

Emplissant le chemin de bruissements de feuilles.

Le sentier est désert. Les animaux ont peur

De cette inconnue, cette étrangère.

Elle n'a rien à faire là, la demoiselle au parapluie.

La forêt n'est pas son domaine. Elle vient de la ville.

Il suffit de ses bottines à talon pour le voir.

Des talons. Pour marcher dans les bois.

Mais ça n'a pas l'air de la déranger, la demoiselle au parapluie.

Pourtant, ses chaussures prennent l'eau.

Il pleut des cordes autour d'elle. Elle devrait aller s'abriter, comme les animaux.

Mais elle, elle préfère continuer de marcher.

Brandissant son parapluie rouge, la tête levée vers le ciel

Qui, sombre et tumultueux, éjecte des litres de pluie sur elle.

Ça tombe, tacatacatac, tel un rideau de fer entre les arbres.

Les gouttes rebondissent sur l'ombrelle rubis, giclent dans ses cheveux blonds et sur son long manteau chiné.

Les tons ocre de l'allée virent au marron boueux. Les feuilles courbent l'échine.

Parmi elles, une gerbe de coquelicots. Pliant sous les trombes colériques.

La demoiselle les aperçoit.

S'avance.

Les couvre de son parapluie.

Ils sont beaux, ces coquelicots. Rouges tachetés de noir, graciles et délicats.

Ils frémissent au gré du vent.

L'un est coupé, s'arrache à la terre humide.

Il contraste dans les cheveux blonds, comme le parapluie sur le manteau noir.

Deux corolles rubis ; l'une grande, l'autre petite. Deux fleurs dans le vent.

La demoiselle est contente.

Continue son chemin mouillé.

Mais une bourrasque gonfle et souffle les cheveux blés.

Le parapluie lui est arraché. Il part au loin, trop loin pour qu'elle ne puisse le rattraper.

Le coquelicot, lui, reste sur son oreille.

Une fleur cueillie ne repousse jamais.

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