La dernière tentation de France

Arrivé au terme d’une campagne marathon, où les deux principaux prétendants à la fonction suprême se sont montrés autant que possible auprès du peuple de France, en multipliant les visites dans les usines en ruine, ou en réunissant leur troupe dans les lieux hautement populaires et vaguement symboliques, l’observateur se trouve frapper soudain par une interrogation persistante. Le peuple de France existe-t-il ? Dans le discours de Marine Le Pen, candidate du Front national, qui, selon les médias, « mobilise » les classes populaires autour de thèmes porteurs tels que l’immigration ou le protectionnisme, le « peuple » est frustration et peine ; le peuple de Marine Le Pen n’attend qu’un mot, « l’étranger », pour exulter avec tout son cœur et se fondre dans l’intolérance, en accablant de milles et une diatribe islamophobe « le barbare », dont la « civilisation » viendrait concurrencer, voire remplacer, la grande « civilisation » occidentale, que l’on sait capable de milles et une fois plus de tolérance(!). Lorsque le thème du protectionnisme est lancé au visage de cette foule galvanisée, chez Le Pen comme chez Melenchon, c’est l’Europe de Schumann et de Monnet, d’Adenauer et de De Gaulle que l’on enterre dans le cimetière des financiers arrogants et gargantuesques qui répondent à peu près tous à une logique assez enfantine digne d’un jeu vidéo, si tu perds, essaie encore une fois. Dans ce jeu, nous avons tous tout perdu sauf eux, mais si l’Europe s’est élevée sur les ruines d’un continent sinistré, c’était pour que plus jamais on aille se battre à Verdun ou à Stalingrad, pour que plus jamais le mot de génocide ne soit prononcé dans un tribunal pénal international jugeant des criminels de guerre de la vieille Europe, pour qu’un peuple tout entier n’ait plus à supporter la haine des imbéciles et des lâches.

Non, la nation française n’est pas simplicité et égocentrisme. Non, elle ne se limite pas aux effets de la crise économique, et à la peur du nouveau Mohammed Merha.  Il n’est pas toujours assisté par le « meilleur système de protection sociale au monde ». Le peuple français est diversité, c’est ce qui fait sa force, et cette carte sera une pièce maitresse de son jeu dans une mondialisation plus respectueuse de l’environnement et surtout de l’homme. Les mots ont perdu leur sens, dimanche, la République est sortie grandie de cette élection.