La disparition

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LA DISPARITION

« Arrêtons-nous sur la prochaine aire ! » Julie avait lancé ça d'un ton badin. Ses pieds nus toujours étendus sur la planche de bord, son siège renversé vers l'arrière, elle pianotait depuis plusieurs heures sur son smartphone. Les tongues gisaient sous la boîte à gants.

Sous le soleil sévère de cette après-midi de juillet, la voiture de la famille Levassaux filait à bonne allure sur la voie de gauche de l'autoroute A666. Sans commettre d'excès (le conducteur était flic), la Peugeot 308 à la conduite dynamique se jouait des pièges du trafic en zigzaguant au besoin de file en file vers les vacances, la grande bleue, au bout de la route.

Au volant, Stéphane, les yeux fatigués d'avoir dû scruter depuis le matin le ruban de bitume, prit son sourire le plus enjôleur.

- Non, non, c'est bon, regarde il y a encore plus d'un tiers d'essence, on va dépasser la prochaine agglomération et on s'arrêtera. Il ne nous restera plus qu'une heure pour finir, ce sera parfait.

- Il faut toujours que tu tires sur la ficelle, prenons le temps, nous sommes en vacances. Il paraît que c'est la meilleure aire de l'autoroute, l'étape IN-CON-TOUR-NABLE.

- Ah bon ? Parce qu'il y a des guides pour ça maintenant ?

- Ce sont des amis qui me l'ont conseillée. » La jeune femme tapota son smartphone.

A 29 ans, cette professeur de lettres à l'université passait une grande partie de son temps libre sur les réseaux sociaux. Constamment à l'affut du prochain buzz, à la pointe des dernières technologies communicantes. Avant même que Stéphane ait pu répliquer, elle s'était connectée au site internet de la société d'autoroute et montrait à Stéphane une photo de l'aire trouvée en ligne.

- Regarde si c'est pas mignon. Ils ont tout refait à neuf. Il faut absolument s'y arrêter. Qu'est-ce que tu en penses Léo ? Ça ne te dirait pas d'aller prendre une glace ?

Encore allongée de tout son long, Julie tourna la tête vers le siège arrière où un garçon de 12 ans jouait en silence sur sa PSP, écouteurs sur les oreilles. Il ne releva même pas la tête. « Mmmmm... moi je suis d'accord avec papa ! »

Julie redressa brutalement son siège et replia les jambes. « Ah non, non, on s'arrête, j'ai besoin d'aller aux toilettes ». Et voilà. Imparable. L'argument féminin indiscutable. Fin du débat. Stéphane enclencha le clignotant et amorça un rapproché vers la sortie. Le smartphone de Julie vibra. « Di-ding », un message venait d'arriver.

- D'ailleurs, puisqu'on est en vacances, tu ne lâcherais pas un peu ton portable ? », proposa Stéphane.

- Oui, oui, je vais essayer de lever un peu le pied, cette semaine. Tu as raison, je n'ai pas besoin d'être connectée en permanence pendant les vacances. Au pire, il y a un ordi avec le wifi à la réception. », sourit la jeune femme, en écartant une mèche de sa chevelure châtain clair et sans pouvoir s'empêcher de lire le message qui venait d'arriver.

Stéphane soupira. Elle se tourna vers lui et lui susurra amoureusement. « Allez, t'en fais pas, c'est juste Léa qui me demande si je vais au squash avec elle ce soir. Je ne peux pas la laisser dans le vent, comme ça. » Et, plongeant son regard dans celui de son mari, elle s'amusa à taper sa réponse sans détourner ses yeux malicieux. Seuls ses doigts agiles courraient sur le clavier virtuel de sa machine. « Tu vois... je peux lui… répondre... Tout en étant toute… à toi... ». Et elle ouvrit la boîte à gants pour y poser son smartphone, à côté de son second portable, un antique iPhone de première génération qu'elle conservait juste pour communiquer avec Stéphane grâce à un vieux forfait 3 numéros illimités. Et puis, elle le disait moins, mais cela lui servait aussi de portable de rechange en cas de panne. Julie supportait mal de se passer de réseau pendant plus d'une demi-journée.

Quand elle referma le vide-poche, le smartphone vibra de nouveau. « Di-ding ». Julie rit. « C'est rien. Sans doute, l'accusé de réception. Je regarderai plus tard. » Et elle claqua la boîte à gants sans remord.

Le trafic était tellement dense en ce samedi de vacances scolaires qu'il fut difficile pour Stéphane de pouvoir rejoindre la voie de droite. Il imagina même un instant rater la sortie par mégarde, mais il savait que – que ce soit volontaire ou pas, Julie lui en voudrait et le ferait savoir, ce qui aurait pour résultat inévitable de gâcher la suite du voyage. Il s'engagea donc, un peu contraint, dans la voie de sortie vers l'aire de service. Il n'imaginait alors pas qu'il eut été préférable pour toute la famille d'affronter une petite dispute.

L'aire de service s'ouvrait à eux. Enfin presque. Il fallut plusieurs minutes à Stéphane avant de comprendre le plan de circulation de cette aire flambant neuve, et deux fois, il failli s'embarquer dans un rond-point à contre-sens. La deuxième fois, il se fit rudement klaxonner par un touriste belge que l'imminence des vacances ne semblait pas forcément rendre plus tolérant. Stéphane regarda, consterné, le bonhomme à la grosse moustache s'énerver au volant de son puissant break noir avant finalement de contourner la voiture des Levassaux, non sans avoir fait moult mouvements de bras et de volant pour bien montrer à quel point il était dérangé dans son début de week-end. Il s'éloigna vers les voies de l'autoroute. Ce genre de personne avait le don d'agacer Stéphane.

Policier de formation et de vocation, Stéphane était à la ville d'un caractère très avenant. Il travaillait à la BAC, la brigade anti-criminalité, et autant, en tenue, il pouvait arborer un visage fermé, dur, aux yeux bleus glacés, autant en civil, il souriait en permanence et ses yeux bleus tendres invitaient à la plaisanterie. Mais son caractère restait explosif, et Julie savait que la moutarde pouvait lui monter assez rapidement au nez pour peu que l'importun insiste ou se montre désagréable avec elle ou Léo. Elle passa doucement sa main sur le poignet crispé de son époux et Stéphane préféra en rire. Après tout, c'étaient les vacances, et puis il était en tort, c'est lui qui arrivait en sens interdit.

Il faut dire que la flopée de véhicules, pleins à craquer, stationnés à peu près partout, n'aidait pas à la lecture des panneaux indicateurs et à la conduite sereine. Attention, au chien qui traverse. Comme chaque journée de fort trafic, toute l'aire ressemblait à un grand parking de supermarché un jour de soldes. Un parking où l'on mange aussi, où l'on sort le chien, fait gambader les enfants, et où certains se risquent même à une petite sieste, vitres ouvertes, jambes au travers.

Des voitures à n'en plus finir. Sur les places de stationnements, aux pompes à essence, sur la station de gonflage, sur les trottoirs, les passages piétons, entre deux bifurcations, même le parking poids lourds avait été envahi...

Stéphane visiblement goûtait peu cette ambiance « grands départs ». Il ronchonnait. Après un tour complet de l'aire de service, au ralenti, en évitant les nombreux piétons, il finit par se ranger à l'avis général et avança sa voiture dans une pelouse que venait tout juste d'abandonner un groupe d'étudiantes en bikinis et paréos qui, ayant fini de pique-niquer, remontaient s'entasser joyeusement à cinq dans une petite Opel Micra.

«  Alors, on va la prendre cette glace ? Ou tu restes là à regarder les minettes ? » Julie souriait de toutes ses dents. Elle avait déjà bondi à l'extérieur de la voiture et à présent se penchait vers son époux à travers la portière restée ouverte. Elle resplendissait. Pour se protéger du soleil, elle avait déposé sur sa tête un large chapeau de toile légère couleur lavande assorti à son pantacourt qui mettait en valeur ses mollets de jeune femme sportive. Le petit haut, col en V, jaune parachevait la tenue de la touriste modèle, décontractée mais classe tout à la fois. La jeune prof était belle à croquer.

Stéphane passa rapidement la main sur son visage, comme pour le dégourdir, et lui sourit à son tour. Il sortit de la voiture, claqua la porte. « Laisse les vitres un peu ouvertes que ce ne soit pas la fournaise quand on revient », lâcha Julie avant de s'éloigner vers le snack. Léo, le fiston avait déjà pris 10 mètres d'avance.

« Oh, nous n'en avons pas pour des heures non plus ! », s'excusa Stéphane en s'éloignant négligemment du véhicule qui déjà commençait à chauffer au soleil. « Et puis, je ne tiens pas à me faire démonter la portière au premier jour des vacances ». Léo revint alors vers lui en courant, suivi de sa mère qui affichait une moue inquiète.

- Papa, papa ! Y'a une « vraie » place qui vient de se libérer juste devant la station-service. Je peux, dis, je peux aller garer la voiture là-bas. En plus, il y a un peu d'ombre. Allez, dis, je peux le faire, y'a juste 10 mètres à faire.

Depuis que son fils était tout jeune, Stéphane avait pris l'habitude de le laisser prendre le volant pour quelques manœuvres. D'abord, ça avait été sur les genoux pour aller chercher le pain, aller à la déchetterie, se rendre au stade le dimanche matin, de petits trajets durant lesquels il était sûr de ne pas croiser les collègues au bord de la route. Puis, peu à peu, l'âge aidant, Léo avait mis le clignotant, passé les vitesses seul, et maintenant qu'il atteignait les pédales, Stéphane le laissait rentrer seul la voiture dans le garage ou la déplacer de quelques mètres. Ici la situation était un peu différente et Stéphane sourit.

- T'es pas fou non, garçon ? T'as vu le monde qu'il y a ici. Je veux pas aller en prison moi », et il rangea les clés dans sa poche. «  De toute façon, je suis sûr qu'il y a déjà quelqu'un sur ta place miraculeuse. J'y tiens à mon petit bout de gazon. »

Il riait encore quand il passa à côté de Julie que l'idée de voir son fils au milieu de la meute de vacanciers n'avait pas du tout amusée et qui lançait depuis des regards implorants pour que Stéphane n'accède pas à la demande de son fils. Stéphane rigola de plus belle. « Quoi ? Mais non, je ne l'aurais pas laissé conduire, ici. Enfin, tu me connais ? »

L'horaire officiel du repas était dépassé depuis plusieurs heures, et cela n'empêchait pas le coin café de la station-service d'être parfaitement bondé. « En fait, je vais prendre un burger, papa. », expliqua doctement Léo en tirant sur la main de son père, puis en l'abandonnant pour aller s'approcher du flipper et des jeux vidéo. Julie décida également qu'une seule personne suffisait à faire la queue et elle en profita pour se rendre aux toilettes. « Installez-vous, ne m'attendez pas, je suppose que ça doit être complet là-bas aussi ».

Au bout d'un petit quart d'heure, Stéphane arriva au comptoir. Il commanda une glace, un café et un hamburger et partit poser son plateau sur une table haute, auprès de laquelle il approcha trois tabourets. Il s'assit en regardant Léo qui avait sympathisé avec un garçon de quelques années plus grand que lui, il semblait avoir complètement oublié son sandwich.

Stéphane tenta de porter le café à ses lèvres. Trop chaud. Il lança un regard vers les toilettes des dames où la file d’attente semblait s’allonger de minute en minute. Pauvre Julie, obligée d’en passer par là.

Les femmes se succédaient, patientant, entrant, sortant, et Stéphane guettait toujours le retour de Julie. Il espérait partager à deux, ce moment-café pittoresque-des-grands-départs. Première escale sur la route de leurs vacances. Calée sur le rythme scolaire, voilà plusieurs semaines maintenant que Julie était en congés, mais Stéphane, lui, ne savourait le repos que depuis la nuit dernière. La veille encore à la même heure, il patrouillait dans les quartiers de son secteur. Maintenant repos, pendant quinze jours, oublié le stress constant, et ce besoin vital d’être toujours sur ses gardes, en permanence « en prise », chaque seconde de chaque minute, de chaque heure passée en uniforme.
Ils rejoignaient un village-vacances de bord de mer. Ils l'avaient découvert il y a une petite dizaine d'années et y retournaient chaque été. Léo profitait du "club enfants", pendant que Stéphane et Julie passaient leurs journées à ne rien faire côte à côte.

« Elléouma'an ? » Stéphane sortit de ses rêveries et se retrouva immédiatement plongé dans la mêlée effervescente qui bruissait autour de lui. Léo avait le don de la phrase monosyllabique, éternuée d'un seul trait. Le jeune adolescent s’était jeté sur son casse-croûte et l’avalait exactement de la même manière qu’il avait lancé sa question : sans resserrer les dents.

Stéphane haussa les épaules. Elle est partie au petit coin, mais tu as vu le monde. Surtout chez les filles. « Bon, je retourne aux jeux vidéo, vous m’appelez quand on part ». Bien sûr. C’est vrai que cela commence à faire un moment qu’elle y est dans ces wc. Dehors, la cohue se poursuivait. L'aire de service semblait avaler les véhicules de touristes qui arrivaient en un flot incessant. Personne ne semblait jamais repartir de l'aire.

Bon. Qu’est-ce qu’elle fait ? Stéphane avait bu tout son café. La glace de Julie était complètement fondue. Beurk, une soupe immangeable. Il se leva pour aller jeter le contenu de son plateau dans la poubelle, puis rejoint les toilettes pour femmes. La file d’attente débouchait presque sur les machines à café. Jeunes, vieilles, moches ou canons, toutes attendaient là, adossées ou non contre le mur, certaines au téléphone, prenant l'air de ne pas y aller, d'autres sans doute plus pressées d'en finir. Toutes visiblement rompues à ce genre d’exercice. Stéphane se demanda pourquoi les toilettes pour femmes n'étaient jamais plus grandes. Pour quelle raison obscure, on s'en était tenu à la simple parité, l'exacte symétrie qui engendrait cette attente. C'était idiot.

Des jeunes, des vieilles, des boudins, et des belles, oui, mais pas de Julie. Stéphane avait fini de remonter la file d'attente et parvint enfin au cœur des choses, sous l’œil inquiet d’une quinquagénaire qui piétinait sur le seuil en attendant de voir s'ouvrir l'une des quatre portes face à elle. Stéphane la dépassa. Grognement. « Julie, tu es là ? », lança-t-il, plus d'ailleurs pour se donner une contenance qu'avec l'espoir de réellement obtenir une réponse. Seuls des regards gênés lui répondirent. Deux cabines s’ouvrirent et deux jeunes femmes quittèrent les lieux, immédiatement remplacées, les portes se refermèrent. Ne restaient plus que deux possibilités. « Julie tu es là ? », fit-il un peu plus fort. Un petit peu plus inquiet aussi. La troisième porte s’ouvrit. Une grosse dame aux cheveux rouges sortit aussitôt. « Dites, on pourrait pas chier tranquille, non ? » Stéphane ne releva même pas le trop-plein de distinction et se concentra sur la dernière cabine, personne n’en sortait. Il regarda sa montre. Deux minutes passèrent encore. Il finit par s'accroupir pour vérifier, le plus chastement du monde s'il y avait quelqu'un. « Oooooh » murmura la salle. La maigre assistance avait à présent repéré qu'il se passait quelque chose. En se baissant, Stéphane découvrit simplement une feuille de papier au sol. Comme un message abandonné à son attention. Mais le code employé laissait peu de place au doute : « Toilettes hors-service ». L'affichette avait glissé. Stéphane en retrouva les marques de scotch sur le poteau droit de la porte. Il jeta la feuille dans la poubelle toute proche. Mais alors, où était passée Julie ?

Au moment ressortir, il se rendit compte que son sens de policier s'était mis en éveil, il constata immédiatement que le couloir qui donnait sur les toilettes était à double entrée. On pouvait y accéder depuis l'extérieur. Et donc quitter le snack par là. Mais pourquoi Julie l'aurait-elle fait ? Il retourna devant les machines à café, fit un rapide tour d’horizon de la salle, toujours aussi pleine de monde. Pas de chapeau mauve, pas de Julie. Léo, lui, était toujours absorbé par les consoles de jeux vidéo. Il n’avait remarqué ni son absence, ni celle de sa mère. Stéphane décida de le laisser ici quelques instants et quitta les lieux par le couloir des toilettes, afin de retrouver Julie qui, pour une raison ou une autre, avait sans doute choisi d’aller s’aérer un peu. Mais cette partie de cache-cache ne lui plaisait guère.

Pas de Julie non plus près de la voiture. Stéphane ne comprenait plus. Instinctivement, il se hissa sur la pointe des pieds pour balayer d’un coup d’œil la station-service et l’aire de repos qui l’entourait. Il se sentit brutalement submergé par la marée humaine.

Jusqu'à perte de vue des visages inconnus, souriant ou maugréant, occupés à leurs petites activités de pause autoroutière, sans se douter le moins du monde du drame qui se nouait peut-être à leurs côtés. Stéphane avait envie de hurler. Après une seconde d'hésitation, il ne résista plus. « Julie ! ». Mais son cri se perdit immédiatement dans la foule, il n'y eut même personne pour se retourner. Seule une petite mamie au chandail et caniche gris souleva un sourcil interrogateur. « Allez viens Gibus, on rentre à la maison. »

Stéphane se retourna vers la voiture. Il remarqua que les fenêtres avaient été ouvertes. Donc Julie est revenue ici. Elle ne doit pas êtr... Stéphane s'interrompit. Il tourna de nouveau les yeux vers les fenêtres. Pas de doute, elles étaient ouvertes... Elles avaient été ouvertes. Par Julie, forcément. Oui, mais Julie n'était pas censée avoir la clé de la voiture. C'est lui qui conduisait. Inconsciemment, il tâta son pantalon. Oui, les clés étaient bien là. Certes, sa femme avait un double, mais ils avaient pris pour règle de n'emporter qu'une seule clé lorsqu'ils partaient en voyage. Bon, elle avait pu se tromper.

Par acquis de conscience, Stéphane entreprit tout de même d'ouvrir et d'inspecter la voiture. Les téléphones avaient disparu. « Elle ne peut pas s'en passer deux secondes… » Il eut alors l'idée de l'appeler… et tomba tout de suite sur la messagerie. Etonnant, Julie n'est pas du genre à éteindre son portable… Il eut confirmation que quelque chose clochait en ouvrant le coffre. Lui qui avait pris tant de temps la veille pour faire rentrer au millimètre l'ensemble des bagages dans le coffre, connaissait la place de chaque chose, et là, sur la droite du coffre, le cageot de fruits qui était très étroitement calé au départ de la maison, avait maintenant 15 à 20 centimètres de battement. Quelqu'un avait fouillé la voiture. Non, pas exactement, sinon ce serait davantage dérangé, et tout cet imbroglio de sacs, de cartons et de valises n'aurait pas si précisément retrouvé sa place. Non, quelqu'un avait retiré un objet précis du coffre, et Julie n'aurait pas fait ça, les fruits, les biscuits, la bouteille d'eau, tout était à portée de main sans avoir à déplacer un bagage. Stéphane fit un effort de concentration pour tenter de se souvenir. Rien. Le trou noir. Il essaya mentalement de défaire une à une les pièces de ce Rubik's cube géant pour visualiser l'objet manquant, mais une zone d'ombre s'imposait à lui. Si. Peut-être. Une sacoche qu'avait ajoutée Julie. Une sorte de grosse trousse de toilette mauve. Il fouilla nerveusement le coffre à sa recherche, renversa la poche des jeux de plage. Deux bouteilles d'eau tombèrent au sol et partirent rouler sous la voiture. C'était ça. Il manquait cette sorte de sac à main que Julie lui avait demandé de ranger précautionneusement. « Évite de l'écraser s'il te plait », avait-elle ajouté. Il l'avait donc rangé en surface. Ça lui revenait à présent. De sorte qu'il était facilement disponible...

Stéphane sentit ses jambes vaciller sous ses pieds. Une idée venait de lui vriller l'esprit. Lui, le policier pourtant rompu aux opérations musclées, se retrouvait tout dépourvu devant la disparition de sa tendre épouse. A croire que l'habitude n'endurcit pas face à l'irruption de l'irréel dans votre existence. Et si Julie avait préparé sa fuite ? S'arrêter absolument sur cette aire. Partir aux toilettes. Retrouver la voiture. Avoir la clé. Prendre le sac disponible. Récupérer ses portables. Disparaître.

L'enchainement lui paraissait limpide en fin de compte. Comment n'avait-il rien vu venir ? Dire qu'il y a quelques minutes encore, ils étaient souriants, tous ensemble, filant à vive allure sur l'autoroute A666... Et maintenant Julie n'était plus là.

Fourbu, il se laissa tomber sur le rebord du coffre. Dans sa poche son téléphone vibra. Un nouveau message. Un nouveau message de Julie. Stéphane déplaçait nerveusement son pouce sur l'écran. Il dut s'y reprendre par trois fois. Lui n'avait pas autant l'habitude de ces engins-là. Soudain, il se momifia. Il avait lu le SMS. « J'ai été enlevée. Surtout, ne préviens pas la police ».

Synopsis des épisodes :

Chapitre 1.

La famille Levassaux part en vacances sur l'autoroute A666. Stéphane, au volant, Julie, sa femme à ses côtés, toujours sur son smartphone, et Léo à l'arrière, leur fils de 12 ans. Soudain, Julie demande à s'arrêter sur la prochaine aire. Là, au milieu de la pause-café, elle s'absente… pour ne plus jamais revenir. Stéphane s'affole, découvre des détails troublants, impossible de retrouver son épouse, lorsqu'il reçoit un SMS angoissant : "J’ai été enlevée. Surtout, ne préviens pas la police".

Chapitre 2.

Deux hommes enferment Julie dans le coffre d'une voiture noire. Les mains attachées dans le dos, la jeune femme réussit à saisir son téléphone portable, et à tâtons parviens à envoyer des SMS pour que Stéphane la retrouve. Mais impossible pour elle de lire les réponses. Elle lui envoie une photo.

Chapitre 3.

Stéphane ne sait que penser, pourquoi ne pas prévenir la police ? Quand il reçoit la photo, il devient fou et part à la poursuite d'un automobiliste suspect, jusqu'à l'intercepter au milieu du trafic. Mais il n'y a rien à bord.

Chapitre 4.

Julie essaye de transmettre par SMS le maximum d'informations sur son parcours : un virage, un ralentissement, le télépéage qui sonne. Stéphane essaye de retrouver sa trace grâce à ces bribes d'information. Il semble sur une piste puis tout à coup, plus rien ne correspond. Il a perdu sa trace. "Nous sommes dans un bouchon", Stéphane se branche sur la radio autoroutière. Il n'y qu'un seul bouchon dans le secteur, direction l'A777 !

Chapitre 5.

Stéphane a rejoint le bouchon. Julie se trouve dans le coffre d'une des voitures devant lui… Dans une Audi, d'après l'image reçue par MMS. L'autoroute est coupée à cause d'un accident. Julie entends un hélicoptère se poser. De loin, Stéphane identifie une Audi noire, il court la rejoindre, mais le trafic reprend et l'Audi s'éloigne. Stéphane reçoit un appel de la gendarmerie : il a oublié Léo sur l'aire !

Chapitre 6.

Dans son coffre, Julie désespère. Elle raconte à Stéphane, comment elle a été convaincue par des anarchistes de voler pour eux des explosifs, comment elle a été kidnappée ensuite. Mais quiproquo, elle croit que Stéphane n'est plus à l'écoute. Elle se met à pleurer. Le coffre s'ouvre.

Chapitre 7.

Stéphane fait route vers la gendarmerie, gros cas de conscience, doit-il tout raconter aux forces de l'ordre ? Pendant ce temps, les SMS de Julie continuent. Il est désespéré de ne pouvoir agir. Chez les gendarmes, il choisit finalement de récupérer son fils sans parler de la situation de sa femme.

Chapitre 8.

Les deux terroristes découvrent que Julie communique avec son homme. Ils épluchent l'historique des SMS et tentent une dernière fois de rallier la jeune femme à leur cause. En vain. "Dans ce cas, nous n'avons pas le choix…"

Chapitre 9.

La nuit tombe, Stéphane est dépité, il a perdu sa femme, a failli oublier son fils. Les SMS ont cessé. Après avoir longuement hésité, il finit par prendre la route de la gendarmerie quand les SMS reprennent avec des informations plus précises.

Chapitre 10.

Les deux terroristes ont tendu un piège à Stéphane et l'attendent de pied ferme dans un hameau reculé. Quand sa voiture se présente, ils se font surprendre par Stéphane, arrivé à pied par derrière, et qui parvient à les maitriser. La voiture était conduite par Léo. Le couple se retrouve.

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