LA DOULEUR D'ETRE FEMME

GENRE : MONOLOLOGUE DE THEATRE (POETICO-"TRASH")

THEME : LA FEMME EST VIOLENTEE, DOMINEE. MAIS LA FEMME AIME-T-ELLE INTRINSEQUEMENT LA DOMINATION? NE COMBLE-T-ELLE PAS CE VIDE, CE MANQUE EN ELLE?

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Pourquoi ?

Pourquoi personne m’a rien dit ?

Un quart de la population féminine est signalée manquante à Bombay.

On ne m’avait pas prévenue.

En Chine, on dénombre 117 naissances de filles

pour 100 naissances de garçons.

Qu’est-ce que j’ai de moins ?

Lorsqu’une femme, ayant conçu, enfantera un mâle,

33 jours durant, elle restera dans le sang de purification.

Si c’est une fille, 66.

Ce vide en moi.

Au recensement de 2001, l’Inde comptait /

Cette tension honteuse vers la douleur, j’essaye de l’occulter

et pourtant mmmh / pourtant mmhh

/ comptait plus de 36 millions de jeunes filles manquantes.

Est-ce une part de moi, que d’aimer tout profondément la souffrance ?

Une part de moi, d'occultement désirer la domination ?

En 2007 au Pakistan, 636 femmes sont mortes /

Est-ce que le manque est le propre de la femme ? 

/ sont mortes victimes de crimes d'honneur.

Cette béance que j’ai en moi.

Plus de 388 femmes ont péri /

Cet appel d’air ? /

/ ont péri en Turquie entre 2001 et 2008

victimes de crimes d’honneur /

/ Cet appel d'air sanguinolent, puant, décrié, vilipendé, bousculé, différent

Ce gouffre qui ne se remplit pas, éternellement pas.

Ce trou que j’aime frapper.

Ce trou-ci que je t’interdis de frapper, Toi

Ce gouffre-là,

Je le sens, je le sens comme un tunnel d’autoroute,

Oui, je la sens, cette tranchée verticale, parallèle à l’œsophage,

je le sens, là.

Souffle dedans, Toi.

Souffle, Toi qui ne sens pas

Souffle, Toi qui ne comprends pas

Souffle, Toi que je ne connais pas

Souffle, Toi qui n’es pas comme ça

Bourre-le, bouchonne-le, remplis-le, comble-le, colmate ma brèche,

colmate-la, et puis là, et puis là, et puis là et puis là.

Tu vois bien ça craque de partout.

J’ai des fentes à tous vents

J’ai des entailles à tout va

J’ai des balafres à tout venant

Des interstices à tout bout de champ

J’ai des déchirures à la volée

Des éclaircies à tout jamais

J’ai des plaies au diable vauvert

J’ai des trous grand ouverts.

Je n’étais pas préparée, moi.

Personne ne m’avait expliqué.

Souffle dedans moi,

ô Toi.

Gonfle-moi, blinde-moi, silicone-moi, fais-moi les joints, fous-moi de l’enduit, ponce mon passé jusqu’à l’os, papierdeverrise l’inconscient collectif, repeins par-dessus les modèles inculqués, septième couche, vernis, polis, onzième couche, cire, rabote, quinzième couche, marie-couche-toi-là, couche, couche, couche, astique, astique, astique-moi le bout.

Le bout

De l’âme

Le bout

Du manque

Du gouffre

Du cratère

Du trou

Des brèches.

On ne m’avait pas prévenue

On ne m’avait pas expliqué

Egalité ?

On ne m’avait pas prévenue

On ne m’avait pas expliqué /

LA DOULEUR D’ÊTRE FEMME

On n'a jamais prévenu

On n’a jamais expliqué