La famille des Gordini. (4)

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Extrait de: "La véritable histoire".

La première fois que mon regard s'est appuyé sur elle, c'était le jour où ses parents rentraient d'Amérique pour passer l'hiver 89 à construire leur maison sur une parcelle familiale au terrain mou, vendue pour un bras par mes grands-parents alors qu'elle ne valait  pas plus que 3 noisettes.

Durant leurs travaux, les Gordini logeaient dans l'ancien moulin que mon grand-père avait aménagé en chambres d'hôtes pour accueillir ses amis de chasse et héberger le petit personnel saisonnier; son 'poulailler' comme disait ma grand-mère.

Mon grand-père cultivait du tabac à Gitanes et des pommes de terre à purée: il participait au déficit de la sécurité sociale tout en nourrissant le nouveau monde. Il aimait les chevaux, non pas par passion puisqu'il n'y connaissait rien, mais parce que cette occupation lui permettait de faire embaucher régulièrement de jolies palefrenières, et d'en profiter pour aller régulièrement faire un tour dans leurs appartements, s'assurer de leur bien-être, et aussi du sien.

- Qu'est-ce que t'es encore aller trainer au moulin ? disait ma grand-mère. Chasser les mouches avec ton aspirateur ? Mettre du petit bois dans la cheminée ?

- Ben, c'est la p'tite Miranda, elle a plus d'eau chaude depuis 2 jours! Alors j'suis allé voir pourquoi !

- Et pourquoi donc ?

- Ben depuis qu'il y a les Gordini, ça tire beaucoup plus sur le ballon en ce moment ! Les Italiens, ils sucent autant de flotte que 8 vaches en chaleurs !

- La pauv' petite Miranda !... en plus qu'elle doit bien sentir des mains après son travail sur les chevaux...

- Oui, c'est ce que je me suis dit aussi... qu'elle devait bien sentir des mains après son travail !

Mon grand-père avait l'art et la manière d'esquiver les situations compromettantes, en répétant systématiquement les fins de phrases de sa femme afin de bien lui faire comprendre qu'il les avait entendues, et ma grand-mère de les lui resservir tout en faignant de ne pas les lui avoir déjà dites, pour les lui faire entendre une deuxième fois:

- En plus qu'elle doit bien sentir des mains après son travail,  !

...


Le jour de la Noël, toute la résidence du 'Poulailler' avait été conviée pour fêter la naissance du petit Jésus dans la crèche taillée à la tronçonneuse par mon grand-père qui aimait couper du bois à la scie thermique, et fabriquer des trucs décoratifs qui servaient en général à rien, si ce n'est de finir à la cave avec son pinard, mais qui lui occupait l'esprit et surtout les mains pour pas les mettre ailleurs.

Betty avait ce soir-là, 4 mois et deux dents. Elle était déjà précoce pour son âge et ne faisait que chougner pour attirer l'attention de tout le monde. De temps en temps sa mère lui donnait le sein pour la taire et la 'désapettir'. Comme un enfant regarde la miette de pain que transporte la fourmi à l'arbre, je regardais avec attention Betty sucer la sève de sa mère. 

- You want to take my baby for her burp ?

- ???

A 8 ans et avec un niveau d'anglais à faire faner les fleurs d'un jardin au début du printemps, je compris par son déplacement jusqu'à mes côtés, que son intention était de vouloir me mettre sa fille dans mes bras. Un Yes modifié et énigmatique sortit de mon corps:

- Yespliseshoure !  

Je me souviens encore de son petit rot sur le col pelle à tarte de ma chemise et du prout un peu pointu qui annonçait un premier petit besoin.

Miranda s'était faite une jolie queue d'équidé pour l'occasion et semblait heureuse de l'acompte que lui avait refilé discrètement mon grand-père dans une enveloppe...

- You want an other peace of little bûche ? susurrait ma grand-mère...

...

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