La Ferme qui ferme
Martine Périat
La Ferme qui Ferme
Nous y sommes, la Ferme est vendu,
Les caisses s’entassent dans toutes les pièces.
Chacun notre Caverne d’Ali Baba,
Scotché de rouge pour Papa
Le Vert est pour moi
Jaune et Vert pour mon petit frérot
Bleu pour le frère aîné.
Il nous manque celui la
Toujours ailleurs
Dans le malheur de ses dames de couches.
Je suis dans mon lit,
Une toute dernière fois
Depuis mes quinze ans
J’ai vu se transformer ce havre de tant de paix.
Les murmures dans les chambres voisines
Le trou dans le mur
De la salle de bain
La, juste dans l’œil du bois
L’œil du cousin
Qui épie la cousine.
Les jeux de table sont rangés
On ne sait où caché,
Avec nos éclats de voix
Tout contre nos éclats de rire.
Ils ne sont plus sur la grande table
Allez hop, on va se réveiller
Le passé n’a pas doublé nos vies
Nous sommes en double file
Plus envie d’avancer
Dans les calendriers des plus tard.
Je suis dans mon lit
C’est la dernière nuit
Je hais ce moment
Il est l’ultime.
Le compte à rebours…
Le conte du grand sac qui s’ouvre :
L’armoire, les poutres, les tuiles du toit s’y engouffrent,
L’eau que nous allions quérir au puit
Dans le champ d’à côté
La pompe suivie du tuyau d’arrosage
Un évier
Une salle de bain
Une salle d’eau
Encore une salle de bain
Un ruisseau
La pluie jolie
La route est sinueuse pour parvenir
Au bout du chemin
Tout en haut d’une colline,
Les Pyrénées
L’univers est parfait et cloue la bouche.
que reste-t-il de ferme si on ferme cette ferme de la genèse et de la vie dense ? merci (ainsi que pour les autres textes) de nous faire toucher ce vécu ouvert...
· Il y a presque 14 ans ·gun-giant