La feuille buvard.

realmppn

"De tes cheveux gorgés de soleil, tes boucles scintillent.

D'une élégance sans pareil, toujours tu t'habilles. 

J'aime t'imaginer en reine, déesse au Palatin.

Et le vert de ta veste draine ma vue le matin.

Loin d'être timide et freiné, j'affiche ceci,

Pour que l'on puisse s'imaginer ta mine jolie."

Placardés sur les murs de la faculté, les quelques vers font mouche et la personne ciblée l'arrache d'un trait. En trombe elle dévale les escaliers, entre dans une salle et plaque la feuille froissée avec fracas sur une table. D'un gobelet du café se renverse sur la page. « T'as quel âge pour faire des trucs pareils ? » lance-t-elle, en reprenant son souffle. Lui, inspecte la feuille mouillée où l'encre et le café ont fusionné.  « C'est quoi ça ? C'est illisible. » Rétorque-t-il, l'air innocent. « Te fous pas de moi, y en a sur tous les murs ! » insiste-t-elle. Sa voix raisonne dans la pièce vide et dans le crâne du type. Pour lui c'est une cantate amère clamant la fin de ce qui n'a jamais commencé. « Ok, c'est de moi. » Fait-il d'une voix blasée. « Comment t'as deviné ? » poursuit-il, sur le même ton. « Va retirer toutes les autres, ne me parle plus. » répond-elle, calmée. Il souffle et sort de la salle, la feuille buvard à la main. « Pour qui elle se prend ? » marmonne-t-il en sortant du bâtiment une fois la besogne terminée. Il allume sa cigarette, et tente de déchiffrer son exemplaire imbibé de café. Entre les lignes l'encre coule, se pose sur les mots et forme de nouvelles lettres. La cigarette lui tombe des lèvres à la relecture.

"De tes cheveux noirs couleurs de jais, me parvient la nuit.

Je m'imagine dans son vent frais, les muscles transis 

Face à ton sourire de harpie, qui soudain m'effraie.

Je me noie dans mon vin pour l'oubli. Va hideuse orfraie !

A jamais, quitte mes souvenirs !  Tombes dans le vide,

Car je ne peux plus soutenir ton air morbide." 

  • J'aime bien cette façon de planter le décor. Je le formule ainsi car cela me fait penser a un scenario, et tout de suite j'ai pensé a Claude Lelouch...

    · Il y a presque 10 ans ·
    Default user

    nasssera

  • Merci hel, ta comparaison à la brume du café est juste nickel ! Oui, cette inversion finale je voulais en faire une chute. C'est vrai que je n'ai pas beaucoup développer le récit, pensant que ce n'était pas nécessaire.

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Memel

    realmppn

  • J'aime bien la touche de romanesque pour accompagner le café du matin, ce texte est comme une petite brume qui s'évapore au-dessus de la tasse. Finalement on ne sait pas, ou presque rien, mais le début est fluide et chanteur, et j'aime cette idée des lignes qui bavent pour inverser le sens.

    · Il y a plus de 10 ans ·
    Avat

    hel

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