Les deux filles

aile68

Tout d'abord il faut que je vous parle de cette fille avec qui j'ai parlé hier. J'étais chargée, elle m'a aimablement proposé de me tenir la porte, c'est drôle, elle parlait d'une voix chevrotante, moi, j'ai refusé en souriant comme j'ai l'habitude de faire. Peut-être que je ne devrais pas sourire comme ça aux inconnus, mais bon j'ai toujours peur d'être désagréable. Bref, je monte, dépose mes affaires chez moi rapidement et décide de redescendre pour acheter du pain et peut-être un soda. J'avais envie de pétillant depuis quelques jours. Je redescends, j'aperçois encore la jeune qui cette fois était assise par terre près de la porte. J'ai pensé qu'elle ne devrait pas s'asseoir par terre comme ça, car ce n'était pas propre, et elle faisait vraiment pauvre fille quoi!

J'achète mon pain, reviens chez moi, aperçois la jeune qui avait les rivés sur son portable. Et là je me suis décidée à lui parler, elle a dû me prendre pour une commère.

"Tu attends quelqu'un?"

- J'attends un ami. Vous connaissez S.?

- Non, je suis désolée, je ne connais personne par son prénom ici, mais tu peux peut-être me le décrire?

- Il est grand avec des cheveux bruns et courts et il a un sac à dos noir aussi.

- Non vraiment je ne vois pas. Je suis désolée.

- S'il vous plaît vous pouvez me rendre un service, s'il vous plaît? La répétition m'a attendrie quelque peu, elle pouvait me demander de monter j'aurais dit oui! Bingo! Elle me demande si elle peut se servir de mes toilettes. Sur le coup je réfléchis un peu en fronçant les sourcils et ajoute que si ça me dérangeait, elle comprendrait. Moi je fais non, non en souriant de mon sourire habituel et lui dit de rentrer. Je la laisse prendre son sac à dos gris, et ses autres sacs, Dieu sait ce que ces derniers contenaient! 

Silence dans l'ascenseur qui monte trop doucement à mon goût, moi et mon habitude de me mettre dans des affaires louches. Elle, regarde son portable comme une malheureuse, elle doit être très amoureuse et aimerait bien voir son petit ami. On arrive,  à part le sac à dos elle veut laisser ses affaires sur le palier, elle n'en aura pas pour longtemps dit-elle, voilà qui me rassure! Je lui montre les toilettes, la porte d'entrée est entrebâillée, c'est assez gênant tout de même, à peine ai-je fini de penser que j'entends des bruits de pas qui courent sur le palier, moi je ferme la porte d'entrée aussitôt, et boum! la porte des toilettes s'ouvre dans mon dos mais pas entièrement pour mon bonheur, j'ai beaucoup de chance je me dis en gardant la fille prisonnière dans les toilettes. Que faire d'elle maintenant? Appeler la police? Sur le palier plus aucun bruit. Je n'ose respirer mais c'est idiot, alors je me mets à respirer, à souffler même. Je pousse la petite table de l'entrée contre la porte des toilettes afin que l'autre n'essaie pas de sortir. Puis je regarde dans le judas, les affaires de la fille sont encore là. Et si elle avait des explosifs dans son sac? Non, tout ça pour moi c'est impossible! Pensant aux films d'action vus la télé, et ce n'était pas mon genre préféré croyez-moi, je me mets à parler. Je ne sais pas pourquoi je n'avais pas envie d'appeler la police tout de suite.

- Ton S. il est parti sans t'attendre pauvre imbécile. Je vais appeler la police et tout sera fini pour toi. Ton S. lui il est libre il trouvera une autre complice pour  faire ses coups foireux. Qu'est-ce que vous croyiez trouver chez moi? Je roule pas sur l'or!

- S'il vous plaît Madame, laissez-moi partir, c'est lui qui m'oblige à faire ses sales coups.

- Pourquoi vous le laissez faire?

Il me donne ma dose après. J'suis accro, j'en ai besoin. Vous avez pas vu ma tête? J'ai une tête de droguée, ça se voit tout de suite! Je reprends mes esprits, son air malheureux c'est peut-être ça, la drogue. Bon ce qui lui faut c'est un médecin, ou le SAMU, non elle n'est pas à l'article de la mort, mais moi si peut-être! Elle a peut-être une arme sur elle. Oh la la qu'est-ce que je fais? Inutile d'appeler mon frère il va me dire d'appeler la police. Soudain je vois écrit dans mon esprit en gros: POLICE SECOURS! Je n'aurai pas le courage de la croire, de la faire sortir des toilettes et puis qu'est-ce qui se passerait après? Je me résous finalement à appeler la police. Je ne sais pas pourquoi mais je ne me sens pas glorieuse de faire cela. C'est pourtant moi qui suis en danger, non? Euh... Finalement je ne suis pas si en danger que cela. C'est elle qui a ces problèmes de drogues et elle son S. si S. il s'appelle mais qu'importe! C'est bon je vais la laisser partir! Est-ce l'association avec tous ces films d'action encore, on dirait que je ne regarde que ça, je pense à prendre mon gros couteau de cuisine pour la tenir en respect si besoin est. L'idée n'est pas mauvaise mais quelque peu risible en y pensant, moi et mon gros attirail! Non je vais la jouer plus fine, style psychologique.

"Bon je vais te laisser partir! Mais avant je vais rentrer tes affaires et vais les garder. Pareil pour ton sac à dos. Si tu tentes quelque chose contre moi (mais j'y croyais moins!)c'est à la police que tu iras les chercher. Je leur raconterai tout.

- Non faites pas ça! C'est bon, je sors."

Tiens y aurait peut-être de la drogue dans ces sacs, mais je ne veux pas le savoir. Qu'elle s'en aille et basta! J'en avais ma claque.

Je repousse la petite table, et je vois sortir une fille au visage décomposé. J'ai presque pitié d'elle mais vite dans un instinct de survie je regarde le judas pour m'assurer qu'il n'y a personne sur le palier. Zut! la lumière est éteinte.

- Appelle ton copain dépêche-toi! je me mets à hurler.

- D'accord, d'accord! Je l'appelle, criez pas.

- Je crie si je veux! En fait j'ai peur qu'il y ait quelqu'un sur le palier qui attende que j'ouvre.

Je la laisse faire le numéro et lui arrache le portable des mains. Pas de sonnerie sur le palier mais il l'a peut-être éteint ou mis sur silencieux je sais pas.

- On va attendre que la lumière s'allume. Mais je n'avais toujours pas confiance. Il faut absolument que quelqu'un sorte sur ce foutu palier.

Pendant ce temps la pauvre fille attendait complètement terrifiée, elle en tremblait. Quant à moi je n'en menais pas large non plus car il n'y avait aucun numéro de mes voisins sur mon portable. Il fallait tenter le tout pour le tout. J'ai pris le sac à dos de la fille, j'ai ouvert la porte en criant au secours comme une furie et j'ai refermé la porte. Ouf! personne apparemment! Si mes voisins sont intelligents ils devraient se manifester par la voix ou physiquement. J'entends leur porte qui s'ouvre, le palier s'éclaire comme par enchantement et je leur crie s'il n'y a personne. Ils me répondent que non d'un ton étonné et fait sortir la fille en disant aux voisins de rentrer chez eux. Mais horreur! le portable de la fille c'est moi encore qui l'ai. Il va sonner je ne veux pas de ça chez moi. Qu'en faire? Je vais voir à la fenêtre en espérant que j'apercevrai la fille. Je lui balancerai je m'en fous! J'étais prise de panique à l'idée qu'il sonne, je l'éteins aussitôt. Celui-là elle ira le chercher à la police!  

Le lendemain je ne sais toujours pas si j'aurais dû avertir la police ou pas car la pauvre fille n'est pas sortie de l'auberge de sitôt. Peut-être que son S. l'a frappée, c'était peut-être son souteneur. Mes voisins ont été sympas, ils m'ont dit que j'avais été courageuse. J'avais été surtout imprudente de laisser monter cette fille chez moi. Trêve de remords, une telle aventure ne m'arrivera plus! A la police j'ai dit que j'avais trouvé le téléphone à un arrêt de tram. J'ai parlé d'une voix chevrotante, comme la pauvre fille à l' air si malheureux. Du coup je ne sais plus qui est la pauvre fille, peut-être toutes les deux, je ne sais pas, je ne sais même pas comment elle s'appelle, je n'ai cessé de l'appeler la fille ou pire la pauvre fille.
















  • Etant "bonne poire" j'aurais peut-être fait la même bêtise, merci pour ce témoignage qui, dorénavant, me mettra à l'abri. (fiction ou pas)

    · Il y a plus de 5 ans ·
    Louve blanche

    Louve

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