La fille aux cheveux rouges

anakronique

***Ce matin, la fille aux cheveux rouges et à la lucky strike aux lèvres pulpeuses, n’est pas passée devant le type qui attend, assis sur sa musette de travail, il n’a pas grande envie d’y aller sans son sourire journalier, sans son œillade de bonne humeur consacrée, bientôt l’heure de la camionnette et rien, même pas son ombre a la lumière des réverbères pour aiguayer un peu cette matinée de février brumeuse, tous paraient bien gris au bord de cette route dans une aube interminable, aujourd’hui, les Valentine sont à la fête, et d’amoureuse le type n’en a pas la moindre miette, alors, il espère le passage vaporeux de la fille aux cheveux rouges pour oser un regard, voire une main tendue vers elle, en cas où, en cas où !!! Comme pour lui rappeler le défi, son parfum aux essences d’agrumes de tabac virginien plane encore à ses narines, et la folie le gagne, « la prochaine se sera elle, ou dans trois minutes, encore deux, tous ces espoirs dans le vide, il désespère, il désespère !!! Lui aussi en bon masochiste, le trottoir se languit des talons aiguille de la gamine, qui dès six heures tapantes martyrisent de délices sa peau de bitume granuleux, dans cette rue personne n’a envie de jouir de la vue des maisons bariolées qui offrent leurs décors de lune à son passage étourdissant, même les arbres retiennent leurs feuilles dans l’espérance de sa venue prochaine pour une ode à la newyorkaise, histoire d’embellir ses rondeurs capiteuses sans limites. Par ce que, ce matin, la fille aux cheveux rouges n’est pas passée, et le type qui attend semble triste et songeur, et elle malade, la Salomé, la Dalila !!! A-t-elle enfin trouvée l’amant idéal, celui en belle voiture l’emmenant sans complexe vers Vegas pour un mariage inoubliable !!! A-t-elle changé d’itinéraire sous la pression constante d’un malotru à la serpette facile !!!, Ou de travail, sous la contrainte d’un petit chef acariâtre à souhait !!!, comment savoir, comment savoir dans ce monde ou tous se sait !!! Ce matin où le bonheur devrait être de mise, pour combler le manque, machinalement, le type qui attend, tire de sa poche de manteau, une petite boîte à musique qui l’accompagne depuis bien longtemps, machinalement il remonte le ressort, et là au rythme des engrenages une musique jaillit au creux de la nuit : « la lettre a Élise » résonne dans la froidure, anodin son mécanique comme un minuscule rayon de d’allégresse, à peine un peu de chaleur métallique au creux d’une main, un orchestre complet au milieu de la pénombre, alors ragaillardie par Ludwig, tout en fredonnant il se dit que demain elle sera surement là, oui elle sera là, peut-être aura-il son bonjour quotidien, un bonjour comme un trèfle à quatre feuilles, la chance pour la journée entière, juste un sourire, il ne veut que cela juste un sourire, et il se lancera, après tout il ne dure pas tout l’année le destin des amoureux !!! Ce matin, comme une gravure de mode, la blonde aux grandes jambes et au carton à dessins, est passée, avec ses airs de belle dame et son portable tonitruant, mais qui s’en soucie, le type qui attend, ne l’a qu’à peine vu du fond de ses pensée !!!
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