La giffle

Christian Boscus

 

A Lachat, capitale du Tiblette envahi par la Chioune, le petit Yongzéting sort du monastère de Tonglou d’un pas décidé et se dirige vers la mairie.

Pendant ce temps, dans le grand bureau en acajou importé de France, le président chiounais Yougouling parle avec ses conseillers. L’un d’eux, Pétoung dit :

-          Cela serait bien si nous détruisons les jardins de Lachat, en parachutant des milliers de sangliers des steppes pour qu’ils labourent et détruisent toutes les terres cultivés.

-          Excellente idée, répond le président, mais je ne comprends pas pourquoi…

-          Pour les faire mourir de faim.

-          Les cochons, s’indignent un conseiller.

-          Non, les tibléttains résistants.

-          Excellente idée, dit le président.

Quelqu’un demande la parole.

-          Oui, Longsteu, dit le président.

-          Comment les cochons feront-ils la différence entre leurs cultures et les nôtres ?

-          Excellente question, dit le président.

-          Nous n’y avons pas pensé, répond Pétoung.

-          Affaire suivante !

Le petit Yongzéting entre dans la mairie sans être inquiété par les deux colosses qui gardent l’entrée. Il monte le grand escalier de marbre rose importé d’Italie en sifflotant et fièrement ouvre la porte du bureau du maire. Un grand conseil à lieu. Douze hommes sont là en train de discuter si oui ou non on autorise les femmes tibléttaines à porter des pyjamas roses la nuit.

A l’autre bout du globe, un autre président, Haubamec, marche dans les jardins de la maison crème. Il s’adresse à son premier conseiller Armagauche :

-          Mon bon ami, avez-vous résolu le problème du cochon qui mange mes tulipes.

-          Nous avons mis un piège majesté, pardon président. A propos, félicitations pour votre lâcheté légendaire. Vous n’êtes pas intervenu pour sauver le Tiblette, vous avez bien fait.

-          Oui, c’est un peu loin de chez nous, soupire Haubamec

-          Effectivement, mais s’il y avait eu du pétrole, nous aurions pu faire un effort pour au moins dissuader ces mécréants.

-          Certainement, mais je vous le rappelle, vous l’oubliez souvent, ils sont plus riches et plus armés que nous.

Le petit Yongzéting entre dans la grande salle. Tout le monde est pétrifié. D’un bond, il monte sur la table et sans renverser les verres et les documents confidentiels, arrive à la hauteur du maire, un dénommé Pingpong. Il lui met une claque magistrale et dit :

-          Pour tout le mal fait à mon peuple !

En Franchousie, le président Lamidepain sort de sa salle de bains tout nu, cherche sa moitié et crie :

-          Chérie, as-tu vu mon pyjama rayé rose que m’a offert le Dalong la dernière fois que je lui ai donné plusieurs millions d’euros pour qu’il aille coloniser l’Indoua.

-          Je ne sais pas mon amour, lui répond sa perle, ne l’aurais-tu pas laissé chez ta maîtresse Kimlou, tu sais celle qui fait des nems immangeables au gingembre.

-          Ils sont bons ses nems ! s’insurge Lamidepain.

-          Non, elle met du cochon dedans, tu sais ceux que veulent parachuter ton copain Yougouling. Ah, au fait mon amour, tu aurais pu choisir le pyjama orange.

-          Je sais, je sais ma douce, la prochaine fois. Un peu de patience.

Pendant ce temps, le petit Yongzéting sort de la mairie en faisant une grimace aux deux gorilles de l’entrée. Pingpong, le maire reste prostré et appelle sa mère. Yongzéting remonte en bombant le torse au monastère de Lachat et s’agenouille devant son maître Lao-Tsi.

En Indoua, le Dalong rentre de voyage après avoir rencontré Haubamec. Il est fatigué et veux aller se coucher.

-          As-tu fait bon voyage, lui demande son ami et conseiller Dalami

-          Oui, répond-t-il, mais pas bon séjour.

-          Pourquoi, s’enquit Dalami

-          Je n’avais plus de pyjama rose à vendre. Le dernier je l’ai fourgué au Franchousien mais il ne m’a rapporté qu’un million d’euros. Il va falloir que j’attende le prochain président pour lui en refiler un autre car celui-ci va bientôt s’apercevoir que mon pyjama ne redonne pas sa virilité à l’homme qui le porte dans le noir.

-          Patience mon ami, c’est bientôt les élections chez eux.

Le maître Lao-Tsi observe le petit bout de chou de Yongzéting. Il vient d’avoir quatre ans et il en sait plus que lui sur la sagesse. Ses petits yeux malicieux révèlent une grande lucidité.

-          J’ai une question fondamentale à te poser mon petit Yongzé.

-          Oui, maître.

-          Dis-moi, un pyjama a-t-il plus de valeur psychologique  s’il est orange ou rose ?

Yongzéting  ne réfléchit pas. Il croise ses deux mains sur son cœur, regarde son bon maître avec bienveillance et dit en imitant l’horrible accent de l’envahisseur :

-          Qui sans soucie ?

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