La Guerre des Mots

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La Guerre des Mots

 

Tome I : Arianne

Bible des personnages

Jack Leroy : il a seize ans, joue au basket et fait de la course à pied. Sa mère est fane de séries américaines, d’où son prénom. Jack passe énormément de temps avec son grand-père, Samuel, qui vit à l’écart de la ville, à la campagne. Le week-end, ils vont à la pêche ou faire du vélo dans les champs, et pendant les vacances ils partent camper dans les montagnes. Jack est un garçon intelligent, mais son grand-père lui reproche souvent de ne pas se poser assez de questions. Avant le début des troubles autour de la nouvelle loi, le seul moment où il lui arrivait de remettre le système en question, c’était quand il traversait le bidonville qui ceinture sa ville pour aller rejoindre Samuel. Dans le tome II, lorsque Jack prendra part de façon plus active à la résistance, devenue clandestine, il prendra le pseudonyme de Cicéron.

Sophie : Elle a seize ans. Née en prison, où sa mère est incarcérée à vie pour une mystérieuse raison, la jeune fille n’a de cesse de la retrouver. Dès qu’elle en a eu l’âge, elle s’est enfuie des foyers et familles d’accueil où elle vivait afin de suivre sa propre voie. Très vite, elle apprend le piratage informatique et commence par s’en servir pour récupérer son dossier sur le serveur des services sociaux. Par la suite, elle se servira de son don pour l’informatique pour négocier des Mots piratés sur des comptes, au hasard, en échange d’informations. À douze ans, elle est recrutée par Cyrano en personne, qui jure de l’aider à retrouver sa mère si, en échange, elle travaille pour la résistance en piratant Arianne afin de surveiller les projets du gouvernement, et de venir en aide aux familles à découvert. Bien qu’elle soupçonne Cyrano de lui en dire moins que ce qu’il sait, elle s’implique de plus en plus dans l’idéologie du mouvement, et c’est là qu’elle prendra le pseudonyme de Sophie. Son véritable nom n’est connu de personne. Son opportunisme favorisera sa trahison.

Cyrano : son véritable nom est Samuel. Il est le grand-père de Jack, mais ni ce dernier ni le reste de sa famille n’en ont la moindre idée. Il est connu de nom comme le leader du mouvement Communiquer Autrement, mais peu de gens l’ont réellement rencontré. Sophie en fait partie. Dans la vraie vie, il se prétend muet depuis des années. Il possède une immense bibliothèque et gave son petit-fils de livres, car il pense que ce sont là les meilleures sources de développement intellectuel du monde. Il joue du violon et a une souris nommée Tchip qu’il promène dans la poche de sa veste. Il est contre la violence gratuite, mais admet qu’elle peut être nécessaire lorsque le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes ou les droits de l’enfant sont bafoués. Il semble toujours en savoir plus qu’il ne prétend. Beaucoup, comme Sophie, supposent que c’est pour avoir toujours un coup d’avance sur ses ennemis. En réalité, c’est parce qu’il veut inciter les gens qui l’entourent à penser par eux-mêmes, à se poser des questions pour en chercher les réponses.

Marco Linch : ses parents ont emménagé dans le même immeuble que les Leroy quand il était tout petit, il est le meilleur ami de Jack depuis lors. Il joue au basket dans la même équipe que lui, et a une petite sœur. Les garçons se verront un peu moins quand la famille Linch commencera à perdre la parole et que Jack se mettra à passer du temps avec la résistance, d’autant qu’il n’aura pas le droit d’en parler à Marco. Le jeune garçon sera toutefois sensibles aux efforts que Jack va déployer pour essayer de l’aider, lui et sa famille. Et quand il lui permettra de s’enfuir de chez lui, le soir du nouvel an, son ami lui prouvera sa reconnaissance en lui avouant où il va et en lui permettant de le suivre. Dans le tome 2, Marco entrera de plein pied dans la résistance, et prendra le pseudonyme de Victor.

Talia : née en Croatie, elle et son frère Jérôme sont des immigrés. Ils vivent dans le bidonville qui ceinture la ville de Jack. Leurs parents devaient les rejoindre, mais Talia leur a dis de renoncer, car après plusieurs mois, elle sait désormais que la vie n’est pas meilleurs en France qu’en Croatie. Talia n’a que quinze ans, mais elle est très mature et responsable. D’une méfiance qui frise parfois la paranoïa, elle n’a accepté de rejoindre la résistance que pour éviter que Jérôme et elle ne finissent par mourir de faim. Elle est dégourdie et vive, et parle très bien le français. Les premiers temps, si elle adhère à l’idéologie de la résistance, elle n’est pas certaine de l’efficacité de Communiquer Autrement. Par la suite, elle s’impliquera de plus en plus dans l’organisation, tout en se rapprochant de Jack et de Sophie. Sa rencontre avec Marco Linch, dans le tome 2, marquera un tournant décisif dans sa vie. Dans la résistance, elle se fera appeler Georges, en référence à Sand.

Jérôme : petit frère de Talia, il a quatre ans au début de l’histoire. Ses parents lui manquent, mais il adore sa sœur et fait tout ce qu’elle lui dit. Il a toujours envie de l’aider et elle l’emmène partout avec elle. Lors de sa rencontre avec Jack, il se liera très facilement d’amitié avec lui et, bavard, lui racontera leur histoire alors que sa sœur se méfie ostensiblement de lui. Il parle un peu français, avec un fort accent croate. De part l’amitié qui se nouera entre lui, sa sœur, Jack et Sophie, il fera beaucoup de progrès en français grâce à ses nouveaux amis. Devenu plus grand, il choisira le pseudonyme de Racine.

Phil T. : créateur d’Arianne et Président de l’Union Européenne. À long terme, son but est de dominer complètement, sinon le monde, du moins l’Europe. Homme extrêmement puissant car tous les mots du langage encore connu sont des marques déposées lui appartenant, la loi qu’il cherche à faire voter dans le tome 1 n’est que la première étape d’un plan plus vaste encore destiné limité les libertés individuelles et collectives et à rendre l’humanité entièrement dépendante d’Arianne. Opportuniste et manipulateur, il n’hésitera pas à se servir de la mère de Sophie pour inciter cette dernière à trahir la résistance. Charismatique, il soigne son image et ne manque aucune occasion d’apparaître en publique et de s’adresser aux citoyens.

Synopsis

Europe, fin du XXIe siècle. Depuis le début du siècle, l’humanité gaspille le don du langage sur les réseaux sociaux, en twits, en sms et en conversations vaines. À force de parler pour ne rien dire, les mots et leurs sens commencent à s’effacer du cerveau des hommes, sans qu’aucune étude scientifique ne parvienne à endiguer, ni même à expliquer le phénomène. C’est ainsi que la période de la Grande Panique commença, tandis que l’humanité perdait progressivement la parole. En 2059, le problème fut mystérieusement résolu avec l’apparition du réseau Arianne, qui regroupait tous les modes de communication, des téléphones aux réseaux sociaux, en passant par les mails et les sms, les forums et les jeux en ligne. Le créateur du programme, un certain Phil. T., avec l’appui du gouvernement européen, réunit tous les mots qui n’avaient pas encore été totalement oubliés et en fit la propriété exclusive d’Arianne, au nom de sa campagne de Préservation des Mots, de la Parole et du Langage. C’est avec ce même slogan qu’il fut élu président de l’Union Européenne. Plusieurs lois furent alors votées par le parlement dans le but de rétablir l’ordre après la période de la Grande Panique. Chaque citoyen européen se vit équiper d’un implant vocal permettant à Arianne d’enregistrer chaque parole prononcée directement, ce qui compléta le contrôle que le système conférait déjà à Phil T. par les moyens de communication indirects qu’il avait regroupés. Mais l’implant avait également une autre utilisation : faire des rappels réguliers aux citoyens. Car même si Arianne assurait désormais la préservation des mots, il n’en demeurait pas moins que les humains continuaient à les oublier régulièrement. L’implant téléchargeait directement dans le cerveau les mots et leurs sens au fur et à mesure qu’ils étaient oubliés. De plus, afin d’éviter que l’épidémie ne se reproduise pour les mêmes raisons qui l’avaient vu naître quarante ans plus tôt, il fut décidé que chaque citoyen, à sa majorité, recevrait un crédit d’utilisation des Mots limité : le Crédit sur la Parole. L’argent ayant perdu toute valeurs au cours de la Panique, les mots devinrent la nouvelle monnaie européenne. Les décisions prises par le nouveau gouvernement, si elles étaient contraignantes, n’en paraissaient pas moins des plus sages, et le peuple s’y soumit.

Alors que l’influence d’Arianne s’étendait aux autres pays du monde, qui n’avaient pas été épargnés par le phénomène, les dépassements de crédit ne tardèrent pas à apparaître. Certains pays à l’économie fragile virent leurs citoyens dépasser leurs crédits très rapidement après l’instauration du système. Pour empêcher les abus, il fut donc décidé que, passé un certain point, si les découverts n’étaient pas remboursés, l’implant vocal de la personne concernée cessait de lui rappeler les mots qu’elle oubliait. Un mutisme partiel, voir total, refit donc peu à peu son apparition. Des populations entières voulurent quitter leurs pays pour émigrer vers des zones où la situation économique était meilleure et d’où il leur serait possible de rembourser. C’est ainsi que, bientôt, les grandes villes des pays les plus développés furent ceinturées de bidonvilles quasi silencieux…

Alors que l’humanité se prépare à changer de siècle, Jack Leroy est un garçon de seize ans comme les autres. Il ne remet pas le système en question et profite allégrement du Droit Illimité d’accès à la Parole que lui confère son âge pour encore deux années.

Un matin, il trouve tout son lycée en ébulition. C’est son voisin et ami d’enfance, Marco Linch, qui lui apprend que Phil T. vient d’annoncer le vote prochain d’une loi imposant le Crédit sur la Parole aux mineur dès l’âge de six ans, car les mots continueraient à disparaître malgré les efforts du gouvernement. Marco et Jack, qui, jusqu’ici, ne s’étaient jamais posés de question, se mêlent à leurs camarades qui parlent déjà de protestation et de manifestations. Certains professeurs les soutiennent tandis que d’autres sont favorables au projet. Le même débat ne va pas tarder à opposer tous les citoyens européens concernés de près ou de loin par cette nouvelle loi. L’organisation Communiquer Autrement, qui cherchait déjà de nouveaux modes de communication pendant la Grande Panique, et qui s’oppose au gouvernement de Phil T. et à Arianne depuis le début, coordonnent l’opposition au projet par des communiqués, des tracts, l’organisation d’Assemblées Générales et de manifestations auxquelles lycéens et collégiens se mêlent rapidement.

C’est dans une de ces manifestations que Jack rencontre Sophie, une adolescente du même âge que lui. Alors que le rassemblement tourne à l’émeute, elle lui permet d’échapper à la police, et finit par lui raconter qu’elle fait partie de l’annexe clandestine de Communiquer Autrement, un début de résistance qui surveille l’activité d’Arianne de près tout en essayant de venir en aide aux personnes à découvert qui ne peuvent pas rembourser leurs crédits. La jeune fille incite Jack à rejoindre le mouvement. Les hésitations du garçon sont rapidement balayées lorsque la famille de Marco commence à perdre la parole suite à un découvert. Son ami est désormais condamné au même sort si la loi passe. Il retrouve donc Sophie a une réunion secrète de la résistance. C’est là qu’il rencontre Talia et son petit frère Jérôme, tous deux recueillis dans un bidonville par l’organisation. Talia se méfie de Jack, mais Jérôme n’hésite pas à lui raconter qu’ils sont arrivés de Croatie sans leurs parents. Ces derniers devaient les rejoindre, mais Talia leur a enjoins de n’en rien faire, car la situation n’est pas plus favorable aux immigrés en France que là d’où ils viennent.

Jack, qui commence à mesurer les défauts du gouvernement de Phil T., va s’impliquer de plus en plus dans les activités de Communiquer Autrement tout en se rapprochant de Sophie, et en essayant d’aider Marco et sa famille. Malgré tout, la loi semble bien partie pour être votée, le parlement devant se réunir le soir du passage à l’an 2100. Sophie apprend alors à Jack que la résistance envisage d’intervenir directement au parlement, car le vote doit avoir lieu en direct à la télévision. Cyrano, le chef du mouvement, souhaiterait profiter de l’occasion pour s’adresser aux citoyens européens tout en empêchant le vote du projet. Jack souhaite participer mais, bien qu’il ne l’ait jamais rencontré, Cyrano refuse à cause de son jeune âge. Sophie, de son côté, en tant que pirate informatique de l’organisation, devra coordonner l’opération depuis la France, afin d’éviter que la diffusion ne soit coupée par Arianne lorsque Cyrano prendra la parole. Elle propose à Jack de la rejoindre le soir du nouvel an, pour le consoler de sa déception de ne pas pouvoir participer plus activement. Il accepte. Mais, rentré chez lui, il doit affronter ses parents, qui l’accusent de sécher les cours et de se compromettre dans des manifestations. Malgré leurs avertissements, le jeune homme continue à fréquenter la résistance, si bien qu’ils finissent par l’enfermer. Jack commence à craindre de ne pas pouvoir rejoindre Sophie le soir de l’opération.

Pendant ce temps, la jeune fille est contactée par le gouvernement qui lui propose de lui donner les informations qu’elle cherche depuis longtemps sur la prison où sa mère est détenue et sur les raisons de son emprisonnement, à condition qu’elle espionne pour eux la résistance et leur donne des informations utiles. Sophie, qui avait rejoins Communiquer Autrement à la suite du même marché, est partagée entre son implication dans le mouvement et son désir de retrouver sa mère. Devant son indécision, elle est arrêtée par des agents du gouvernement et rencontre Phil T. en personne, qui lui promet de libérer sa mère et de les réunir si elle lui dit ce que prépare la résistance. À bout de forces psychologiquement, la jeune fille finit par dévoiler l’opération qui est sur le point d’avoir lieue.

Le soir du nouvel an, Jack parvient à s’enfuir de chez lui avec l’aide de Marco. Ils rejoignent le quartier général de Communiquer Autrement, où ils retrouvent une Sophie qui s’efforce de masquer son trouble. Jack ne tarde pas à comprendre que quelque chose ne va pas, et la jeune fille finit par lui avouer ce qu’elle a fait. Jack essaye aussitôt de contacter Cyrano, mais il n’arrive pas à le joindre car Arianne surveille et brouille les communications. Sophie pourrait leur ouvrir une ligne pirate, mais elle est complètement désemparée. Jack lui dit alors qu’il ne lui en veut pas, qu’il comprend ce qu’elle a fait, et l’embrasse dans le feu de l’action. Ils parviennent enfin à parler à Cyrano, mais il est trop tard, et ils assistent, impuissants et en direct, à un combat rapide entre les forces de l’ordre et les résistants. Cyrano est arrêté devant des millions de téléspectateurs, tandis que Phil T. apparaît à la tribune pour le vote du projet. La loi est votée à la majorité au moment du changement de siècle.

Incipit

« Non ! Non ! Non ! … Non ! Non ! Non ! »

À chaque « non », les manifestants lançaient leurs poings vers le ciel. Quelque part, à l’avant du rassemblement, les membres de Communiquer Autrement scandaient des slogans dans des mégaphones. Jack, Sophie et les autres jeunes, présents en majorité, portaient des stickers de protestation collés à leurs vêtements, et certains étaient allés jusqu’à écrire « Non ! » au marqueur rouge, sur leurs visages. Depuis l’annonce de Phil T., le 1er novembre, c’était la plus grosse manifestation organisée par les opposants à la loi qui devait être votée fin décembre –la date exacte n’était pas encore décidée.

Soudain, Jack faillit être séparé de Sophie par la foule. La jeune fille le rattrapa juste à temps par les épaules et, arrimant ses doigts à sa veste, laissa son bras autour de lui en lui criant dans l’oreille :

- Accroche-toi à moi, sinon on ne va pas aller loin !

Il y avait trop de bruit pour qu’il envisage de répondre, alors il se contenta de s’exécuter. Étrange situation : il était cramponné à une fille inconnue au milieu d’une foule en délire. Jack, comme beaucoup de jeunes de son âge, avait vu sa première manifestation près d’un mois plus tôt, quand le projet de loi du gouvernement européen avait été rendu publique, faisant exploser un concert de protestation parmi la population mineure. Tandis que les adultes débattaient houleusement sur des plateaux de télévision, la jeunesse, menée par Communiquer Autrement, avait décidé de descendre dans la rue manifester son mécontentement et son refus catégorique de se plier au Crédit sur la Parole. Des instituteurs et les personnes travaillant dans le milieu de la petite enfance s’étaient mis en grève par solidarité, et certains se mêlaient même aux rassemblements, même si la plupart d’entre eux se contentaient d’alimenter la polémique sur internet.

Soudain, à l’avant de la rivière humaine qui envahissait les rues, il y eut une grande agitation. Les voix des membres de l’organisation se turent. On criait toujours « Non ! Non ! Non ! » à l’arrière de la foule, mais la manifestation ralentissait progressivement, certains cessaient d’avancer.

- Qu’est-ce qui se passe ?, hurla Jack, à l’oreille de Sophie, qui semblait plus expérimentée que lui en matière de rassemblements de ce genre.

- J’en sais rien ! Y a un truc qui cloche ! Mets-moi sur tes épaules !

- Quoi ?

Elle ne répondit pas et passa dans son dos. Perplexe, il se baissa pour l’aider à monter. Elle n’était pas très lourde, mais il eut tout même un peu de mal à se remettre droit.

- Eh ! Tu vois quelque chose ?, hurla un gamin à l’adresse de la jeune fille.

Les sirènes répondirent à la question juste au moment ou Sophie criait par dessus les têtes, les mains en porte-voix :

- Tirez-vous ! Les flics nous attaquent !

La foule commença aussitôt à refluer, mais comme l’information ne circulait pas aussi vite que les fuyards, ceux de l’arrière, qui manifestaient toujours, bloquaient le passage. Sophie se laissa tomber des épaules de Jack, l’agrippa par le poignet et le tira avec elle, se frayant un chemin à coups de coudes.

- Il faut fiche le camp d’ici tout de suite, ça va barder !

- Je croyais que la manifestation était autorisée par le gouvernement ?

- Plus maintenant, on dirait…

- Attends !

Plantant ses talons dans le sol, il s’arrêta et l’obligea à se retourner pour lui faire face.

- Tu as vu quoi, exactement ?

Elle leva les yeux au ciel et, désignant du doigt quelque chose dans le dos du garçon, répondit :

- Des casques et des boucliers, ça te parle ?

Jack se retourna d’un bond. Il ne vit d’abord rien. Puis, la foule s’écarta et soudain, ils apparurent, matraque au poing, masque sur le visage, casque se la tête, un bouclier presque aussi grand qu’eux à la main.

- Putain, mais ils sont combien ?

- Je ne sais pas, tu veux qu’on se pose pour les compter, peut-être ?

Un garçon guère plus âgé qu’eux jaillit alors de la foule des fuyards, une brique à la main, et la jeta de toutes ses forces sur la police en criant :

- Vive la liberté !

À ces mots, un premier groupe de manifestants, qui refluait en sens inverse, s’arrêta à ses côtés, hésitant, puis finit par faire face aux CRS. D’autres les imitèrent, puis d’autres encore. Des pierres et des insultes commencèrent à fuser. La foule se faisait compact, les manifestants serraient les rangs, coude contre coude, épaule contre épaule.

- Il faut qu’on dégage d’ici tout de suite, dit gravement Sophie. On est très mal placés, s’ils se battent on va se faire piétiner !

Jack hocha la tête et voulut s’emparer de sa main. D’un coup, une autre vague de fuyards les envahit. La police devait arriver de plusieurs rues en même temps. La foule emporta Jack sur plusieurs mètres avant qu’il ne parvienne à se dégager, mais il était désormais trop tard : il se trouvait au milieu des manifestants décidés à se battre. Des bras l’agrippèrent par les épaules tandis qu’un grondement de colère montait par dessus les têtes. Devant eux, l’espace se dégageait. La police se rangeait en ligne, se préparant à charger. Dans un moment de panique, Jack se débattit pour échapper à ses compagnons, mais la foule autour de lui était si compacte que, même si on l’avait lâché, il n’aurait pu aller nul part à moins de marcher sur les têtes de ses voisins. Affolé, il regarda autour de lui, mais Sophie n’était pas en vue. À présent, même ceux qui voulaient fuir étaient bloqués par le mur humain que formait la foule en colère. Quelqu’un fourra un pavé dans les mains de Jack. Le sol se mit à trembler tandis que les bottes des CRS le frappaient en cadence, et qu’ils chargeaient. L’air se chargea d’électricité, les tasers grésillèrent, les premiers fumigènes volèrent, les cris de guerre montèrent. Jack ferma les yeux, se préparant au choc qui allait inévitablement survenir.

- Vite !

Une main qu’il commençait à connaître lui agrippa le poignet. Son arme de fortune lui fut ôtée des mains, s’envola vers la police, mais il n’eut jamais l’occasion de savoir où elle avait atterrit. Déjà, Sophie le tirait vers le bas, et c’est en position accroupie qu’ils rampèrent entre les jambes des manifestants. Le jeune garçon n’avait pas la moindre idée de la direction dans laquelle ils allaient et priait pour que Sophie sache ce qu’elle faisait. Si seulement il avait eu assez de place pour courir, il serait déjà loin, à cet instant… Dans leurs dos, il y eut des cris et des bruits de lutte : la police et les manifestants venaient de faire connaissance. Leur fuite devint aussitôt plus difficile, car les combattants entre les jambes desquels ils se faufilaient commencèrent à se déplacer, certains reculant vers l’arrière tandis que d’autres poussaient vers l’avant.

- On va se faire marcher dessus !, hurla Jack.

- Viens !

Soudain, ils se retrouvèrent à l’air libre, dans une petite rue déserte qui en reliait deux autres, beaucoup plus grandes, pleines d’émeutiers et de CRS occupés à échanger les politesses d’usage à coups de poings et de matraques. Mais leur répit fut de courte durée : d’autres manifestants avaient eu la même idée qu’eux, et déjà la ruelle se remplissait. Les CRS n’allaient pas tarder à les poursuivre jusque là, et cette fois Jack ne voyait vraiment pas par où ils pourraient leur échapper…

- Grimpe, allez !

Levant les yeux, il avisa Sophie qui escaladait une gouttière avec l’agilité d’un écureuil.

- Qu’est-ce que tu fais ?

- Je sauve mes fesses, et je te conseil de prendre exemple !

Jack n’eut pas le temps d’hésiter : une brique lui frôla les cheveux, un coup de feu retentit et, à dis mètres de lui, un CRS assomma un manifestant d’un coup de taser, avant de lever les yeux sur lui. Le garçon agrippa aussitôt la gouttière. Il avait fait ça, enfant, dans la cour de l’école primaire, ça ne devrait pas être beaucoup plus compliqué sous prétexte qu’il avait des centimètres en plus, n’est-ce pas ? Il suffisait qu’il ne regarde pas en bas. Qu’il ne glisse pas. Que la gouttière ne cède pas. Qu’il ne pense pas à ce qui se passerait si jamais ça arrivait. Que Sophie ait une petite idée de l’endroit où elle les emmenait. Que la police ne les suive pas. Qu’il n’y ait pas trop d’émeutiers qui aient la même idée qu’eux, parce qu’il ne savait pas à combien il pouvait grimper après ce truc sans le décrocher du mur…

Oh bon sang, mais comment en était-il arrivé là ?

  • reçu et répondu. ;)

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Coteface nouvelle couvertureavatar

    reveanne

  • J'ai répondu à ton mp, mais je ne vois pas où je peux vérifier qu'il a bien été envoyé, peux-tu me faire signe quand tu l'auras reçu ?

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Bougie 465

    rosa020

  • Ça refuse de poster mon messages (trop long sans doute), je te l'envoie en mp.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Coteface nouvelle couvertureavatar

    reveanne

  • Qu'est-ce que tu ne comprends pas, exactement ? Je l'ai fait un peu lire autour de moi avant de le poster, et personne n'a relevé de confusion... Peut-être que je devrais mettre le synopsis en premier, ça serait peut-être plus clair...

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Bougie 465

    rosa020

  • Je ne comprends pas la logique de l'univers. :/

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Coteface nouvelle couvertureavatar

    reveanne

  • Oui, ça c'est un truc qui m'arrive souvent, de croiser des infos venues d'un peu partout pour finir par pondre une idée ^^

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Bougie 465

    rosa020

  • D'un ensemble d'inspirations hétéroclites ^^
    Quelques connaissances en neurosciences, un article sur un scientifique qui parlait de transférer nos esprits dans des machines, une nouvelle de Greg Egan qui parlait de ça, deux de mes précédentes nouvelles ainsi que mon premier roman dont les thèmes se rejoignaient :)

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Artificial intelligence by robertadelman d3k1t3h 92

    asrahal

  • Oui, ça peut aider. À vrai dire, j'ai pondu ce truc uniquement pour le concours, aucun des textes que j'écrivais ne correspondait au sujet, sinon. J'avais juste une phrase, "Il reste peu de mots...", que je placerais quelque part. Toi, ça t'est venu d'où ?

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Bougie 465

    rosa020

  • Merci :)
    J'avoue que je n'ai pas adoré le film, même s'il n'est pas mauvais du tout. Mais il est toujours bon de se plonger dans des univers similaires :)

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Artificial intelligence by robertadelman d3k1t3h 92

    asrahal

  • Merci ^^ Ton idée dans Erydice endormie est très bien aussi. Bravo ! Je jetterais un coup d'oeil au film.

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Bougie 465

    rosa020

  • Une très chouette idée, cette histoire d'oubli des mots. Ça m'a un peu rappelé le film "Pontypool" ; n'hésite pas à y jeter un coup d'oeil si tu ne l'as jamais vu ;)

    · Il y a plus de 11 ans ·
    Artificial intelligence by robertadelman d3k1t3h 92

    asrahal

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