La haine et le pognon. P1
irae
Ils avaient des briquets et de l'essence, un certain sens du spectacle et lançaient des cris comme des éclaires. Je ne crierai jamais aussi fort qu'eux, ils ont le sang bouillant, moi mon sang est tiède et ma gorge sourde. Pour autant je n'ai pas peur, du moins je le pense, je suis figé, une anesthésie totale. Du col de ma chemise à mes chaussettes en passant par mon caleçon, tout était trempé de sueur épaisse. Pourquoi ces gens, ce vacarme, venait-il de faire son entrée dans notre résidence ? Moi qui avais toujours entendu que la violence était l'arme des faibles, je me sentais plus proche d'une brebis coupée d'elle-même que du loup. Pourquoi personne ne venait les arrêter, canaliser toute cette haine illégale ? Illégale car destructrice. Notre maison, nos souvenirs, nos vies, nos avenirs brulants comme un combustible. Leur combustible, celui qui donne du sens à leurs gestes, notre fin. Une balle de revolver explosa la tête d'un des bouddhas de l'espace yoga et une main m'attrapa le poignet pour me tirer et me forcer à courir. Mon père à seulement quelques mètres de la foule venait m'extirper de la, mais un vinyle d'ambiance zen heurta de son tranchant son visage lui fendant la lèvre et brutalement s'en suivit un coup de queue de billard dans ses côtes. Il s'écroula et me fit trébucher dans sa chute. Cette queue était la sienne, une Buffalo cuetec Chinook Pool cue qui pour une fois réussissait son coup. Une femme me prit par le buste et me tira vers la foule. Elle avait l'air d'avoir une quarantaine d'années, mais pas la quarantaine que je connaissais, non, une quarantaine vieillie et abimée, quelques taches brunes sur la peau recouvertes de plis et de grands cernes bleus. Le regard dur de la détermination. D'autres me prirent m'arrachèrent ma chemise et mes espadrilles qu'ils lancèrent au feu qui s'étendait et me firent rouler dans la petite cour.
« Vous allez me tuer ? Bande de bêtes, des monstres, j'ai honte d'être de la même espèce, à moins que non, je ne le suis pas, moi, je ne suis pas un monstre.» Tout ça raisonnait dans ma tête comme un mantra et je me mis à pleurer, enfin, au milieu de cette catastrophe. La douleur, je commençais à la sentir en moi comme à mes plais et encore cette vieille peau usée poussant les autres, les forçant à cesser leur humiliation me releva et m'extirpa de ces mains et pied sales.
- Il a déjà plus rien, c'est bon, c'est juste un gamin, foutez lui la paix !
C'était évident, mon père lui n'était pas un gamin et ne s'en sortirait pas et aucune justice ne pourrait atténuer cette peine. De toute manière, la justice était devenue caduc Mon père était un exemple de réussite, il ne lâchait rien et s'enorgueillissait. Maintenant il mourait cerné par les injures. Ils l'accusaient de tant de maux, je les entendais, comme si mon père, nous, se que nous représentions les avait dépossédé de tout. Il faut se battre dans la vie, cela se mérite une vie riche, moi je n'avais jamais lésiné sur le travail, l'apprentissage, la découverte. Tout ça finissait dans les flammes, de quel droit me volaient-ils ma vie, me laissaient-ils brisé, comme ça, comme une chose vulgaire, mais jamais aussi vulgaire qu'eux. Ils n'étaient que haine sous la chair. Je vomis et cette dame vieillit me dit « arrête de gerber ! ». De rage je lui mis un coup de pied dans les hanches et m'enfui.
La ville était sale, des ordures étalées sur les devantures, vitres brisées et la carcasse d'un bus incendié. Des passants fugaces se moquaient de moi, j'en étais certain. Ils me scrutaient, je le savais. Je me perdais et de toute ma fébrilité je tentais de trouver une raison à cette non-raison. Le soleil brûlait mon torse nu, ma tête en désordre m'exhortait à m'arracher le cœur, me finir.
C'est un premier épisode d'un récit? Dans ce genre de récit de révolte des pauvres , souvent le point de vue est celui des opprimés, vous avez choisi le point de vue inverse, c'est avec l'intention de faire évoluer le narrateur?
· Il y a plus de 4 ans ·arzel
J'imagine que c'est un premier épisode, ça dépendra de ma fainéantise, de mon envie etc... Pour ce qui est du reste, je ne sais pas, j'imagine que oui. En tout cas je me fiche pas mal de partager la même pensée que mes personnages. J'ai passé ma vie dans es 20 m carrés, pas dans des châteaux, je sais de qui je suis proche..
· Il y a plus de 4 ans ·irae