La jeune fille à la plume qui gifle

Cathy Galliègue

Je ne sais pas qui elle est, et c’est très bien comme ça.

Elle doit avoir seize ans, à peine.

Quand on a mal à l'amour, ça torpille comme une rage de dents généralisée, on pourrait se fracasser le crâne contre les murs, courir nue dans la rue en insultant ceux qui croient que ça passera, ce qui ne savent pas que l'amour, quand il fait mal, il nous colle des métastases dégoulinantes de douleur, il se mue en haine, et les mots ne sont alors pas roses ni doux, ils ne font pas dans la dentelle, ils coupent et giflent, ils raclent les murs avec les ongles et y inscrivent avec le sang des mots purs et violents. Voilà ce que le jus de crâne de cette petite produit:

“Te regarder c'est comme m'prendre cinq cuites d'affilée, sans oublier d'vomir. D'vomir des papillons. On n'en a jamais assez. À la fin ça explose, ça s'envole et tu t'reprendrais bien une nouvelle tournée. Le double s'il vous plaît, colle ta bouche à la mienne.”

J'aurais aimé, à seize ans, avoir ces mots-là. Je veux dire, avoir le courage de les cracher comme elle le fait, en nous faisant dresser le duvet des bras. J'étais à moitié endormie quand j'ai découvert ce texte, et puis d'autres…

Je me suis redressée, j'ai lu et j'ai entendu une petite voix me dire qu'il y a une petite nana derrière un clavier qui a un bel avenir devant elle et que nous aurons le plaisir de la lire, un jour, quand elle sera plus grande et qu'elle aura dompté son style. Je lui ai envoyé un petit commentaire. Il était brut de décoffrage, à la mesure de la gifle que je venais de recevoir, ça a dû lui faire écarquiller les yeux, elle a dû se demander qui est cette folle… C'est juste un coup de coeur au cul, t'inquiète. C'est juste beau et il fallait que je te le dise.

Bravo Maud's, continue!