La Lavandière

Julie Vautier

Poème autour de la légende de la lavandière.

Sa sombre mélopée s'élève dans la brune

Et l'on n'entend plus que son chant fantomatique.

Le réséda se fane au plus clair de la lune

Lorsque la lavandière entonne ses cantiques.

 

J'entends monter, ce soir, vers l'astre sélénien,

Les obscures rengaines et les notes funèbres

Qui, chaque nuit, ponctuent sa complainte sans fin,

Messagère de mort, douce amie des ténèbres.

 

Silhouette effroyable, elle chante au lavoir

Les enfants innocents que l'on mettra en terre,

Les petits corps inertes étendus dans le noir

Et les larmes versées par des parents amers.

 

Mais, bientôt, elle ira fredonner ses refrains

Dans les rues désertées d'un village endormi.

Elle ira, femme blanche, écouter les chagrins

Des âmes endeuillées qu'elle-même a meurtries.

 

Des hommes et des femmes auront l'œil au judas

En craignant que ses pas la conduisent à leur seuil,

Les couteaux bien en main, les enfants dans les bras

Et les cœurs refusant de porter quelque deuil.

 

Si les trois coups fatals résonnent quelque part,

Si l'écho de sa voix se fait bientôt entendre,

Mieux vaut ouvrir sa porte et baisser le regard.

Il serait dangereux de la laisser attendre.

 

Un trop long requiem, froide et noire rémige,

Escorte la madone en sa triste odyssée.

Ses yeux cherchent l'enfant que son âme de stryge

Pourra précipiter dans un tombeau scellé.

 

Son linceul la dérobe aux regards lapidaires.

Le perfide tocsin accompagne ses pas

Et piétine à son tour le pavé. Sous l'éther

Se prépare en silence un sinistre sabbat.

 

Un obscène désir se répand dans son corps.

Le parfum de l'enfance a atteint ses narines

Et, déjà, la conduit sous un porche. La mort

Dilate ses pupilles et parcourt son échine.

 

Sous les tuiles abîmées, un poupon rêve. Il rêve

De l'amour de sa mère. Il rêve qu'il grandit

Dans un foyer parfait. Mais le funeste glaive

S'abat sur sa blondeur et l'emporte avec lui.

 

Une sombre comptine s'élève dans la brune

Et l'on n'entend plus que les pleurs d'un nouveau-né.

Le réséda renaît quand se voile la lune

Et lorsque disparaît la meurtrière fée.

  • https://www.youtube.com/watch?v=JJm8fZ6WS5Y

    · Il y a plus de 7 ans ·
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    enzogrimaldi7

    • Il est vrai que cette chanson (notamment l'introduction !) colle plutôt bien avec l'ambiance du poème. Merci du partage !

      · Il y a plus de 7 ans ·
      Julie vautier profil

      Julie Vautier

    • Effectivement la suite du morceau est plus violente, pour illustrer peut être les moments où la lavandière passe à l'action. C'est toujours un plaisir d'echanger avec vous.

      · Il y a plus de 7 ans ·
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      enzogrimaldi7

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