La ligne d'arrivée

Clémentine Guerber

Un corps et un esprit distinct. J'avais le sentiment de n'appartenir qu'à moi même. Ces baisers légers et nouveaux ne m'intriguaient pas. Tu faisais partie de l'instant, comme détaché, à ce moment précis je n'étais utile qu'à l'accomplissement de tes gestes. Sans passion ni curiosité, de manière neutre. Tes lèvres inconnues et douces ne laissaient aucune emprunte sur mon humeur, ni sur ma vision de l'espace. Tout semblait comme écrit, joué d'avance, mais non pas inintéressant. Es-tu le symbole d'un passe temps ? Représentes tu seulement un remplacement ? Et si je retournai en CM2 ? A attendre impatiemment ce jour ou tu oseras prendre ma main de manière assurée... Les corps s'attirent ainsi que les esprits, seulement les deux sont dissociables. Une enfant de 10 ans dans un corps de femme. Je le répète, je me répète, je n'appartiens qu'à moi et moi seule. J'ouvre ma vision d'enfant sur ce monde de brute, en contradiction totale avec mon passé et je commence à réinventer cet univers, qui m'était tant familier il y a moins d'une seconde.

Et si nous pouvions enfin prendre notre temps ? Et si chacun de nos gestes étaient dirigés par l'envie ? Peut on écrire notre propre histoire ? Oui j'en suis certaine. L'histoire est-elle écrite pour nous ? J'en suis persuadée. Mais la vraie question est : est-elle écrite d'avance ? Bien sur que non. Laissons le temps prendre place et les corps se rapprocher, cette fois-ci de manière plus lente et contrôlé que les esprits. Et pour une fois, arrêtons d'essayer de trouver un gagnant. Laissons ces rencontres s'attendre patiemment. Laissons-les franchir la ligne d'arrivée au même instant, à leurs rythmes.

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