LA LIGNE (rouge)
peter-oroy
Monsieur le Président,
Je vous fais cette lettre
Que vous lirez peut-être ?
Si vous avez le temps.
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour aller à la guerre…
Mais cette guerre
Je ne veux pas la faire…
Ainsi commençait la lettre de Boris Vian répondant à l'escalade de la folie.
Usurpant le nom de l'homme et au mépris de l'humanité, élitaire et asservissante, l'autorité lorsqu'elle est pratiquée dans un but mégalomane, lorsqu'elle se pare d'un orgueil totalitaire au-dessus des plus élémentaires lois humanistes, bafoue toute valeur humaine, transformant le peuple en accessoire d'accession à la suffisante arrogance menant au dédain.
Victoire hégémonique et victoire économique se confondent en un seul et même but : la finalité ; quelles qu'en soient les conséquences et les dégâts humains ! L'homme alors réduit à l'état d'instrument ne représente plus en terme de masse que l'un des rouages de la réussite et n'a plus une identité mais une fonction. Alors que l'homme devrait fondamentalement être au centre des préoccupations de cette élite et se faire le bras armé de la réussite, on le rend vulnérable en annihilant tout libre arbitre et toute personnalité en le maintenant dans cet état de pression toujours latent dans lequel on l'endigue.
Le refus de servir, la négation de se plier, le désaveu de combattre pour une idéologie qui n'est pas essentielle ou prépondérante à la bonne marche de l'entreprise est un devoir pour chacun de nous. Mais quelles sont alors les conséquences de cette sédition ? Coercition, répression, condamnation, exclusion sont les réponses que l'on nous propose.
Alors dans l'attentisme général de voir un jour meilleur se dessiner, nous nous réfugions dans la résistance. Quelle soit passive ou active, elle n'en demeure pas moins la gangrène qui risque de faire s'écrouler tout l'édifice. La masse n'a rien à y gagner. Seuls les dirigeants fardés de méprisante souveraineté y ont tout à perdre. L'histoire des mondes et l'actualité d'aujourd'hui montre que l'oppression peut conduire à tout débordement holocauste. Les actes des opprimés -ou se considérant comme tels- ont déjà dépassé les barrières de la raison. C'est lorsque l'on écrase les peuples dans l'asservissement et la soumission qu'on les renforce. La puissance alors déchaînée par la haine et la vengeance n'a d'égal que l'abus d'autoritarisme dont ont fait preuve les tortionnaires. Elle se décuple, se multiplie de façon exponentielle, atteint son paroxysme et, si rien ni personne n'y remédie, elle atteint une apogée cataclysmique.
Je n'invoque pas la répression ni l'épreuve de force comme thérapeutique mais bien la compréhension, la tolérance, la loyauté envers le subordonné, non pas traité en obtempérant mais en assesseur, contribuant par son professionnalisme indiscutable, sa détermination, son interdépendance avérée et avouée de la part d'un (supérieur) faisant abnégation de ce carcan élitaire pour créer une société basée sur le respect mutuel à tous les échelons de la hiérarchie.
Seul ce modèle où l'humain est placé à l'épicentre du système conduit sur la voie de la réussite, sachant alors que les honneurs n'en reviennent pas aux plus dominants dans la hiérarchie, selon un immuable et hypocrite principe de castes, mais aux plus méritants aussi humbles soient-ils.
Mais dans l'évident marasme sectaire dans lequel baigne notre société économique, le juge, le bourreau, n'est autre que le dominant qui, se prémunissant contre l'aptitude et l'expérience de l'obtempérant, cherchera toujours à établir une faille, créer une faiblesse appuyant cette thèse de l'inexistence de la performance, reportant ainsi le bénéfice du succès sur lui.
Diriger, commander, contrôler, superviser, imposer ses idées, ordonner l'aboutissement de ses caprices, vassaliser par l'ingérence dans la sphère privée de l'individu, étendre sa domination jusque dans l'éther des latrines : voilà à quoi se réduisent ces êtres avides de pouvoir, de puissance dominatrice, de supériorité faussement tutélaire qu'ils se sont octroyés. Pour parvenir à leur conquête personnelle du Graal, ils sont prêts à toutes les ignominies au nom de leur sacro-sainte autorité. Il y eut Verdun, Varsovie, les Camps de la Mort, Oradour, l'Algérie, Berlin 1961, le Viêt-Nam, la Guerre du Quipour, le 11 Septembre … Longue et interminable est la liste. In extenso, et tout aussi dramatique, mais moins médiatique est la folie de ces capitaines de l'économie, de l'industrie, de la politique, qui agissent dans les coulisses de leurs institutions, de leurs entreprises, de leurs cabinets et, qui poursuivent les mêmes rêves d'infatuation que leurs (illustres)prédécesseurs. Il y eut un certain Jules César, un autre Napoléon, un Hitler, ou bien un … par défaut. Mais oui, vous en connaissez certainement aussi l'un ou l'autre ! Il a hanté votre vie, blanchi vos nuits, obsédé votre vie, pourri vos souvenirs et, jusqu'à votre mort se sera immiscé dans votre vie sans jamais y avoir été convié. Témoignage indélébile de sa suprême puissance à détruire tout ce qui ne le concerne pas, dans le seul but de vous utiliser comme porteur sain pour s'abreuver à la source de votre intégrité – cet absurde sentiment suranné et obsolète dont il saura au mieux tirer partie pour son propre profit – .
Combien de meurtres, d'assassinats, de viols sont, chaque jour, perpétrés sous le couvert d'une obscure raison d'état, quand ce n'est pas pour motif religieux, voire même politico-économique, avec la bénédiction d'une certaine opinion publique outrageusement bernée par de fallacieux mensonges, avec l'accord veule des lâches qui ne savent pas dire non, ou qui, par intérêt, ne s'opposent pas? Rapportées dans les médias, colportées sous une vérité tronquée, où la réalité est elliptique sinon radicalement intoxiquée, engluée dans le mensonge, ces exactions-là sont considérées comme nécessaires à la bonne marche de l'humanité. Elles sont le corollaire d'un monde en guerre contre une idéologie, une religion ou simplement un droit de vivre revendiqué par des minorités. Acceptées comme conséquences inévitables d'une lutte à armes inégales contre les démunis et les faibles, elles ne représentent qu'un fait divers dans l'holocauste endémique. Elles sont, pour le diktat politique ou économique mondial, le ciment du népotisme latent et de la bonne conscience ostentatoire teintée de nihilisme en écho aux aspirations libertaires des humbles.
« Auschwitz, Treblinka, Buchenwald, Sabra et Schatila, Sarajevo, le Liban, l'Algérie, l'Afrique, le Moyen-Orient, Les Twin-Towers…»: fatalité? Rudolf Hess: fatalité ? »
Il est, pour certains, dans l'esprit du pouvoir, non pas l'ambition de conduire, mais la volonté d'assouvir un égo démesuré et surtout d'asservir à ses propres idéologies les peuples qui devront se soumettre. Imposer sa pensée, ses idées, ses conditions véhiculées par un orgueil et une arrogance immature et déraisonnée ; voilà le but poursuivi par ces despotes de la pensée, qui, propulsés aux plus hauts sommets hiérarchiques incarnent l'avenir apocalyptique des peuples.
Alimentés par un carburant d'ambition sans borne, ce sont souvent ceux-là qui nous dirigent.
Sans ouverture d'esprit, fermés à la controverse, imbus d'eux-mêmes, ils se goudronnent de plus en plus dans leur obstination. Ils sont l'alpha, les autres l'oméga.
L'accès au bien-être et à l'instruction représente une menace pour la société élitaire hiérarchisée et politisée. Maintenir le peuple dans l'ignorance ou l'abreuver de fausses assertions est un gage de dépendance et de précarité destiné à faire respecter l'esprit de castes émanant d'une monarchie présidentielle.
Entre monarchisme et despotisme Montesquieu se trouverait aujourd'hui face à un dilemme, car la nuance devient évanescente et vaporeuse.
Selon Montesquieu l'Esprit des Lois, la Démocratie a deux excès à éviter : l'esprit d'inégalité qui la mène à la monocratie -ou gouvernement d'un seul- et l'esprit d'égalité extrême, qui la conduit au despotisme d'un seul, comme le despotisme d'un seul peut finir par la conquête de son propre Graal.
Un peuple qui oublie son histoire est destiné à la revivre. (Sir Winston Churchill)
À suivre…
© Peter Roy Jan. 2020
« Le déserteur » de B. Vian écrit en 1954 traitait de la guerre d’Indochine, colonie française. Cette guerre était donc purement économique et impérialiste. Mais l’universalité des propos se généralise à tous les conflits où l’homme tue des hommes. Ton texte est remarquable. :o))
· Il y a presque 5 ans ·Hervé Lénervé
Merci Hervé. Ce fut un coup de gueule libérateur. Mon regard sur le monde est acerbe et ulcéré. D'autres analyses feront suite à tous mes textes gentillets.
· Il y a presque 5 ans ·peter-oroy
Vous avez tout dit, beaucoup mieux que je n'aurais su le faire !! Politicards, religieux, tous dans le même sac !
· Il y a presque 5 ans ·Louve
Merci Louve pour ce commentaire qui est la conclusion de ma pensée. Je suis la glace et le feu!
· Il y a presque 5 ans ·peter-oroy