La louve...

plume-aiguisee

Aujourd'hui, je suis devenue ta maman. Pas seulement ta mère, comme depuis ta naissance, génitrice, nourricière, bienveillante, soigneuse,...

A ta naissance, comme à celle de ta sœur, je suis devenue mère. J'ai pris soin de tes besoins, y ai répondu de tout mon savoir, t'ai fait pousser dans ce monde si particulier. Et je savais exactement quoi faire et comment le faire. C'est écrit dans les livres. Il suffit de lire, de comprendre et d'appliquer. On fait ce qu'on nous enseigne et j'ai toujours été parmi les premiers de la classe. Bravo. Puis un jour, on ne trouve pas la réponse. On repense à toutes ces connaissances mais rien n'y fait. Mes réponses ne résolvent plus ton équation.

Alors a surgit ta maman. Celle qui refuse d'être (bête et) disciplinée. Celle qui déchire les pages, celle qui instinctivement sait. Tes larmes sont autant de coups affligés à mon cœur qui saigne à chaque sanglot. La détresse qui se lit sur ton visage éclairé par la lune me coupe souffle et anéantit le dernier rempart de la mère courage et parfaite qui lutte à coup de sérum physiologique qui n'a jamais rien soigné.

Je suis devenue ta maman cette nuit, instinctive, louve, guerrière, reptilienne. Celle qui a lu dans tes yeux ce que tu ne pouvais exprimer. Celle qui a vu dans tes gestes la lutte que tu menais, celle qui a compris avec effroi les efforts que tu endurais pour soulever ton torse qui se creusait.

A l'arrivée à l'hôpital la mère parfaite a tenté de ressurgir. De s'excuser du dérangement inutile sûrement. D'avouer un moment de faiblesse qui nous avaient conduits jusqu'à eux. De mettre sur le compte de la fatigue cet acte insensé d'une mère qui débarque aux urgences à 5h du mat avec un bébé tout calme et tout sourire un matin de Noël.

Ne jamais sous-estimer le calme au creux de la tempête. Ne jamais oublier qu'être dans l'œil du cyclone c'est être entouré de mélasse à 360 degrés. Ne jamais douter de cet instinct maternel.

Je n'ai pas fait attention à ma tenue, ni à ton pyjama trop grand à force de changer chacune de tes régurgitations et ne plus avoir dans l'armoire que ceux de ta sœur. Je t'ai gardé au creux de moi, là où tu mûris, pour tromper ma crainte en les entendant me dire ta difficulté à respirer. J'ai puisé ma force de ton corps blotti en mon sein pour ne pas m'effondrer quand ils ont évoqué le fait de te garder. J'ai compté tes respirations pour ne pas lâcher les chevaux de mon cœur et empêcher leur courses jusqu'à mes yeux embués. J'ai écouté tes sifflements pour faire taire la parfaite qui montrait maintenant un doigt accusateur vers cette maman délabrée qui avait tant attendue pour te montrer au corps médical.

Ta gueule connasse ! Non. Pardon. La mère parfaite n'est pas une connasse. La mère parfaite n'a pas d'enfant ! Nuance.

Les minutes se sont égrainées. Tes soins ont commencé. Mes pensées ont divagué vers ta sœur qui n'allait pas tarder à te chercher à son réveil. Vers ton père inquiet qui allait devoir lui expliquer sans y paraître pour ne pas la brusquer. Sa maman à elle s'est réveillée. Posée, aguerrie, elle m'a accompagnée au front. Elle a parlé de l'importance pour ta si petite sœur de nous retrouver à son réveil. De la peine qu'une lenteur administrative de changement de service ne pouvait infliger à une petite fille. De la nécessité de prendre une décision pour que tu puisses te reposer et que ta sœur puisse entamer sa journée. Et ils l'ont écouté.

Trois pédiatres et un diagnostic plus tard, 6 doses de Ventoline et 90 gouttes de cortisone dans ton si petit corps et tu dormais enfin dans mes bras, apaisé, la respiration silencieuse, esquissant presque un sourire comme pour me rassurer, et nous avons enfin pu rentrer dans notre foyer...

  • L'angoisse qui nous poursuit toute leur vie car même adultes, nous nous inquiétons toujours pour eux. Bon courage !

    · Il y a plus de 4 ans ·
    Louve blanche

    Louve

    • Mille mercis ! Nous nous sommes habitués à ces situations, l'asthme étant une maladie insidieuse, j'essaie quand je me réveille la nuit, de ne pas me dire qu'un de mes enfants est en situation de détresse respiratoire et qu'ils dorment tous les deux paisiblement. Qu'aller les voir pour vérifier ne ferait que les réveiller. Selon les nuits, j'arrive à calmer mes angoisses, d'autres.... me permettent d'écrire ce flot de sentiments contraires qui m'envahit.

      · Il y a plus de 4 ans ·
      Envol tribal

      plume-aiguisee

  • Texte émouvant, d'autant plus quand on a soi-même vécu cela, très bien relaté ces deux caractères qui se fondent en un. :o))

    · Il y a plus de 4 ans ·
    Photo rv livre

    Hervé Lénervé

    • Merci Hervé, à chaque naissance, petit coeur se greffe au coeur des parents, les reliant à jamais à leur enfant. C'est l'instinct maternel/paternel. Et il donne des ailes insoupçonnées. Il m'en aura fallu du temps pour décrire cette dualité, savoir que j'y suis arrivée, rend hommage à toutes ces femmes qui habitent en moi :)

      · Il y a plus de 4 ans ·
      Envol tribal

      plume-aiguisee

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