La maison Bellevue.(3)

Au 7, il y avait le vieux couple de Canadiens, les Paquette de Québec. Accusés d'avoir durant les jeux olympiques de Calgary, coupé leur sirop d'érable avec du sucre de maïs pour diluer les doses et encaisser de gros bénéfices sur les pancakes du bas des pistes, ils avaient trouvé refuge au fond de notre impasse, depuis un Web dépanneur, en consultant une petite annonce sur www.ma-cabane-dans-le-midi.fr, pour une petite maison clés en main, à l'abri du gel et des regards.

Par peur de poursuites judiciaires et fiscales, comme de la trouille à se retrouver d'un jour à l'autre nus comme la misère, les Paquette passaient leurs journées à se laver. La misère était selon eux, quelque chose de sale, une situation sociale qu'on pouvait difficilement éradiquer, sauf en frottant bien de partout et en laissant aux autres le soin de réfléchir pour compléter la fiche clinique. Leur nouvelle hygiène de vie ressemblait plus à celle d'un chat, et leur philosophie à un cabinet de sophrologie, là où le ressenti est végétal et les pierres forcément chaudes.

- Avec toutes ces embrouilles et tout ce fil à retordre, crois-moi, va y'avoir un d'ces jours, un paquet d'nœuds  ! Vont pas s'laisser conter fleurette !

- Qui ça ?

- Les Pâquerette !

- Je t'ai déjà dit mille fois qu'ils s'appellent pas Pâquerette mais Paquette ! C'est un nom de famille courant chez eux ! Comme chez nous, t'as les Durand ou les Martin, ben là-bas t'as les Paquette !

- Pâquerette ou pas, ça empêche pas de compter les nœuds !

Les Paquette étaient un sujet de conversation qui alimentait bien des langues. Chacun l'ayant plus grande que son voisin, les volets se tiraient tôt et les parties de cartes n'en finissaient pas. Plus les histoires s'affichaient de vraisemblances, et plus les points comptaient double, le tapis revenant à celle ou celui qui ne l'avait que très peu dans la poche.

Aux dernières nouvelles, les Paquette fabriquaient des otites à répétitions. 

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