La maison de là-bas

aile68

On avait fermé les volets à cause du soleil, dans la cuisine, la radio grésillait. C'était une de ces heures pleine de silence et de chuchotements arrosés d'une dernière tasse de café. Le matin on était allé au marché pour m'acheter des chaussures mais on a rien trouvé. Comme j'en étais un peu contrariée, ma tante d'Allemagne m'a promis qu'on irait à la ville pour en chercher d'autres. Elle était gentille ma tante, c'était ma marraine en fait. Elle était un peu trop curieuse mais je l'aimais bien car là où elle passait, elle apportait une joie rassurante, y a des personnes comme ça qui font du bien malgré leurs défauts mais qui n'en a pas.

Pendant que la chaleur tapait silencieusement aux volets, les transformant en lames de braise, on essayait de ne pas faire de bruit. Ma soeur, elle, avait trouvé son bonheur au marché, une jolie robe à fleurs et des chaussures d'intérieur, moi juste un tee-shirt à rayures blanches et noires que j'aurais voulu mettre tout de suite. Heureusement que je n'étais pas très jalouse, ça aurait été la guerre à la maison. Je m'en fichais un peu en fait, ma soeur était comme ça, féminine, gracieuse, délicate, un peu fragile même. Elle avait peur de moi en fait (elle était plus âgée que moi) mais je n'en profitais pas, je n'étais pas comme ça. Ce n'était pas de ma faute, j'aurais aimé être autrement, moins sauvage, moins garçon manqué. J'aimais les tempêtes et les orages, elle le beau temps et les arc-en-ciel, une douce harmonie l'animait dans tout ce qu'elle faisait, moi c'était branle-bas de combat tout le temps, comme si un bataillon de soldats sévissait en moi. C'était assez difficile à vivre, mes parents, par une drôle d'intuition l'avaient compris. Ils me laissaient une certaine marge de liberté comme aller faire du vélo le soir après le repas quand il fait encore jour, ils étaient sûr que rien ne m'arriverait. Mes parents avaient l'intelligence de ceux qui en avait bavé dans la vie de tous les jours...

Dans la chambre protégée du soleil, je n'arrivais pas à me poser. Je m'agitais dans mon lit défait, dérangeait ma soeur en lui parlant, en lui contant toutes sortes d'élucubrations qui passaient dans ma tête, elle était patiente mais jusqu'à un certain point. Si bien qu'à un moment, excédée, elle a dit fort:

"Tu me casses les pieds, tais-toi!"

Ses paroles ont glissé sur moi comme la pluie sur les ailes d'un colvert (en effet l'eau ne pénètre pas dans les plumes). Vexée, je suis sortie de la grande chambre pour décider de monter au deuxième étage, le plus "attrayant" pour moi, avec une grande pièce plus ombragée.

(à suivre)


  • J'adore ces récits d'enfance, oui c'est une période où l'on pouvait dire ou penser des choses farfelues ou extravagantes. On déployait notre imagination pour des jeux de rôles qu'on prenait au sérieux.

    · Il y a environ un an ·
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    Christophe Hulé

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