La Maîtresse

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Participation au concours de nouvelles érotiques TTSO

 

          La silhouette, à quatre pattes, remontait lentement le lit. Son excitation dictait à sa gorge l'expulsion d'un râle sourd, contenu comme une surprise. Rien d'autre ne bougeait dans la chambre, dont les murs blancs rougissaient. Il faisait chaud. On venait de prendre une douche. La fumée s'était mollement dissipée, se collant aux fenêtres comme un moucheron pris dans une toile. Ce piège à vapeur voilait l'indiscrète lumière vespérale, qui n'était désormais que l'écume du dehors.
Délicatement, d'un geste gracieusement bestial de la mâchoire, les draps furent écartés et l'objet convoité fut découvert : un sexe à demi érigé se dressa devant la silhouette. Il ne paraissait pas avoir cédé entièrement à la pulsion, car il possédait encore une certaine flaccidité qui s'évanouirait sans doute au complet désir. Il était comme un ballon de baudruche insuffisamment gonflé, accroché au portail d'un triste anniversaire.
La mâchoire s'entrouvrit, laissant pendre une langue conquérante. La langue fit l'examen de ce sexe : il était à son goût et elle ne chercha pas à savoir si elle était au goût du sexe.
Cette exploration médicale terminée, ayant approuvé la saveur et le fumet de l'objet, la langue étendit son empire. Elle pénétra ce territoire plus franchement, avançant plus profondément, s'attardant sur certaines aspérités dont le relief dessinait à sa surface de plaisants renfoncements, générant une salive généreuse qui s'écoula promptement comme un marin écopant l'eau qui menace le navire.
Le vit au teint violacé imprimait à cette langue son contour indécis. Cette chose immobile, cet esclave, ce prisonnier imposait sa marque sur les papilles râpeuses.
Bientôt, la langue, peut-être vexée par une emprise si incomplète, soumise aux rugosités de la verge, décrivit des gestes plus amples, une volonté affirmée de dominer, d'imposer. Cependant, cet élan d'allégresse et de rage mêlées fut interrompu brusquement.
         Soudainement, la mâchoire se rétracta. On crut entendre du bruit au rez-de-chaussée. Un bruit très-infime. La silhouette se tint droite, dressée et immobile. La bouche fut fermée durant plusieurs secondes. Cette suspicion donnait à la pièce un air de photographie. Le bruit tenait l'appareil entre ses griffes. Et quand, dans la chambre, le soupçon du bruit fut dissipé, la mandibule s'abaissa à nouveau, plus largement, montrant par là la fin de l'inquiétude.
          La gueule entreprit alors d'enfoncer le sexe plus loin que jamais, découvrant ainsi les joies simples de l'encastrable, comme on monte un meuble Ikéa. Elle le fit jusqu'au bout, au fond du puits, gagnant la gorge, pour la raison naturelle que le phallus s'y laissait glisser.
Alors, il y eut de larges mouvements de va-et-vient, la cavité prenant et rejetant avec la régularité d'un automate l'hôte imposant dont elle extrayait une liqueur invisible.
Pourtant, le vit demeurait mollasson, ne coopérant pas au labeur de la bouche ouvrière. Il se tenait en une placidité bourgeoise, à demi blasé par un stupre de basse extraction. La débauche ne dessinait rien d'autre chez lui qu'un carrefour : s'étirer ou s'étioler ; se durcir ou se rétracter. Il restait un non-choix perpétuel : assez long pour être accueilli ; pas assez rigide pour être reçu.
Après un long moment, cette indolence exaspéra la mâchoire travailleuse, harassée par un ouvrage qui ne recevait aucune reconnaissance. Le sexe était bringuebalé dans cette bouche maladroite et sa langueur, sa flexibilité lui permettaient parfois d'échapper à l'orifice, claquant faiblement les joues de la partenaire de cette luxure apathique. L'ingratitude du manche était totale. Cette stakhanoviste de la pipe, cette locomotive de la fellation se démenait pour une viande à la tendreté décevante, pour un morceau plus gorgé d'égoïsme que de libido.
        C'est pourquoi la mandibule se rétracta. La mâchoire s'affermit. La langue passa sur les dents afin de jauger l'acuité de leur tranchant. Les canines étaient biseautées comme la mine d'un crayon. Elles se plantèrent implacablement dans le pénis avec tout l'esprit revanchard que sa flaccidité leur inspirait. Sans pitié, elles piquaient comme des abeilles pour un miel qu'on refusait de leur donner. La morsure s'enfonça comme un couteau, accompagnée d'un grognement étouffé. La blessure dessinait un U de chaque côté de la verge, la transperçant d'outre en outre à la manière d'un lion plantant ses crocs dans la jugulaire de sa proie.
Pourtant, le vit demeurait toujours impassible. Sa veulerie refusa même la douleur. Puisque la morsure seule ne suffisait pas, le sexe fut balloté de gauche à droite, secoué à la manière d'un balai d'essuie-glace. Il était malléable comme un dormeur au lourd sommeil, comme un fantoche de chiffon.
          Puis, le phallus eut droit à une courte trêve, profitant d'un moment de fatigue de sa partenaire. Il pendait de toute son équanimité. Le désir rageur de l'autre devait être trop pesant. Il penchait tel une fleur fanée dont les pétales n'avaient jamais chanté : "un peu", "beaucoup", "à la folie"...
- Pas du tout... Pas du tout... Voilà ce que semblait dire ce désintérêt pour l'érection majeure, pour le garde-à-vous d'un officier prêt à accomplir son devoir.
          La bouche reprit son souffle. Elle marqua une moue étrange. Peut-être était-ce le sentiment d'une punition inique ? Le regret du crime passionnel ?
Toujours est-il que sa langue sortit à nouveau, sifflante comme celle d'un serpent. Elle entreprit de nouvelles caresses, demandant par là à être absolument pardonnée. Néanmoins, le phallus, plus violet à l'endroit de la blessure, ne daignait toujours pas rétribuer l'effort d'une silhouette qui s'agitait sans relâche pour le satisfaire. Alors, la bouche, blessée profondément à l'orgueil par l'amant insensible, agita à nouveau ses canines comme des grelots remplis de haine. Elles s'abattirent sur le pénis, dévorant légèrement sa chair. Cette chair était épaisse comme de la semelle, une épaisseur morne et inconfortable. Mais ce qui excitait la mâchoire, c'était l'odeur surtout. Le parfum d'une chose connue et lointaine qui rendait cet être fébrile, et qui lui faisait lécher ce morceau de virilité molle comme on lèche une glace en été.
          Dans la pièce, on entendait le vent frapper par à-coups sur le carreau. La lumière du crépuscule avait bientôt répandu tout son sang dans le ciel doré et le firmament allait revêtir son costume de deuil, parsemé çà et là de quelques poussières de timide lumière.
C'est alors que, dans ce plein silence où l'on percevait simplement les acharnements de cette joute sexuelle, un craquement vint à stopper à nouveau le combat.
Au rez-de-chaussée, le grincement d'une marche d'escalier avait retenti. La silhouette se tint droite, comme précédemment, pour jauger l'opiniâtreté de ce bruit. Un deuxième craquement, plus distinct cette fois, vint à indiquer que quelqu'un approchait.
Dans un élan de panique, le vit se jeta dans les plis du drap, à moitié dissimulé, tandis que sa partenaire, sûrement figée par l'effroi d'être découverte, resta immobile sur le lit.
Les sons lourds d'un pas décidé approchaient. La poignée de la porte tourna et son embrasure révéla d'un coup une grande femme brune d'une trentaine d'années.
- Roxy ! Qu'est-ce que tu as fait à mon sextoy ?!!! se récria-t-elle, pleine de colère.
La femme avança jusqu'au lit, saisissant le vibromasseur martyr. Inspectant l'objet de plaisir, une ire complète la saisit, en même temps qu'un gigantesque dégoût. Brusquement, elle envoya une puissante claque sur le derrière de Roxy. La petite chienne détala, les oreilles basses et la queue entre les jambes.

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