La malédiction de la bohème

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Il y avait cet étrange garçon sur lequel l'éclairage du chapiteau n'arrivait jamais à se fixer. Au début, one ne se rendait compte de sa présence que grâce à la couronne de fleurs qui drapait royalement son crâne, comme un souverain vagabond. On s'étonnait souvent de voir ces jolies roses flotter entre la poussière atmosphérique comme une douce chimère, et puis lorsque l'on s'en approchait, malheureusement trop tard pour plonger le nez dans ce jardin surréel, c'était une fragrance masculine, ce musc à vous faire perdre l'esprit qui parfumait encore son passage.

Si vous choisissiez de retourner voir les spectacles de la troupe, vos yeux, peut-être auraient-ils cette fois la déroutante chance de croiser le regard qui se cachait sous l'emblématique couronne multicolore - chance n'étant cependant pas le mot adéquat. Dans la pénombre ses prunelles se confondent en deux phares translucides et rassurants, mais doucement le mal de mer arrive alors que les vagues grondantes de ses lourdes cernes envahissent tout votre champs de vision. Il vous semblera même un bref instant que les fleurs ont fané dans cette biomasse inappropriée, mais tout cela n'est qu'un étourdissement impromptu, il vous faut vous en convaincre ! Nul ne sera finalement qu'elle fut la vérité rationnelle de ce garçon.

De nombreux visiteurs, sous le charme de sa mystérieuse couronne, vinrent en masse tenter de se confronter à la légende du beau jeune homme à la coiffe parfumée et aux joues rosées. Cependant la malédiction qui semblait subvenir à chaque fois (ces étranges et effrayants malaises à la vue de son lui tout entier) persista tout autant, lui survécut même. Il fut pour un temps dans les mémoires l'allégorie de la bohème mais resta éternellement la triste vérité de ces inconnus isolés et incompris, cachée derrière ses adorées roses. Parce que ne s'aimant pas pour lui, il appris à s'aimer au printemps. En pleine fleuraison les clowns le virent gambader, danser en contre sens de la brise matinale, son petit cœur battant comme un bourgeon sentant ses pétales le pousser à s'éprendre de la vie. Cependant, quand un hiver de trop lui maquilla la peau de blanc, quand les nuits sombres et pluvieuses lui agressèrent les poumons et lui apportèrent la maladie, son éternelle couronne de roses, délicatement installée contre les branches que formaient ses boucles brunes, s'effondra sur le sol en parsemant le corps immobile du garçon. Une ou deux des pétales se mélangèrent à son sang ; on les conserva longtemps dans un vieux livre de légendes nomades et elles tachèrent une partie de la plus belle des histoires du recueil. "Enfant du printemps, bourgeon de l'amour, l'hiver te gela le cœur avant qu'il n'ait su se mettre à battre" disait quand elle était encore déchiffrable la dernière phrase.

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