La marche

Carine Valette Ayala

Poème prochainement publié dans un recueil franco-espagnol au Mexique.

Je marche. Chaque jour mes pas

S'additionnent les choix bruts

Naturels me conduisent.

Je pénètre chaque jour plus

La matière. J'enfonce mes

Empreintes ont beau s'effacer

Toujours, je marche.

 

Je vois lentement défiler tous leurs yeux

Ceux qui restent. Fixes établis

Ils broutent leur quotidien.

Tels ses bêtes le peuple rumine ses actes.

Parfois j'en croise comme moi.

Sans domicile fixe. Inflexibles.

Certains errent, d'autres passent.

Comme moi ils fixent leur horizon

S'en rapprochent.

Qui se rappelle de moi? Ai-je marqué

Les âmes dont je me souviens?

Ces bitumes que j'empreinte et me heurtent,

Gravent à leur tour mes cornées.

Ils ont beau défiler je peux dompter leurs stigmates

Qui s'enfoncent en ma chair.

Mes plantes se voûtent.

Mon poids chaque jour plus léger est plus dur à porter.

C'est mon âme. Mon esprit n'a pas à se préoccuper.

Les choix cardinaux sont les seuls que je laisse filtrer.

Mes empreintes courent.

Elles s'effilent en ombres majestueuses

Vers cette ligne lointaine.

La nature m'offre son rythme

Libéré. Dominatrice j' écoute

Son sang dans mes pas. Il flotte

En moi. Le tempo flegmatique.

De la marche, cette danse fourmilière

Remonte chaque jour, elle stimule la sève vitale.

Inévitable galop.

Parfois une musique, le plus souvent

Déconstruite, gigote ou gémit.

Elle gratte au sens de la marche, au ras des pâquerettes

T'as beau la couper. Comme un chiendent...

La marche ne s'arrête pas.

Conduite par une transe sociopathe elle grince

Aux portes. Pas de répit.

Je suis partie.

Pour fuir la marche insensée.

Chaque pas m'en éloigne.

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