La momie qui trichait au jeu. (Chapitre 2) "Les souris de la momie"

astrov

Résumé du premier chapitre: Un génie de la physique quantique retrouvé tout momifié dans son atelier, des souris disparues, une aide ménagère, le flic va déjeuner (et enquêter) au bistro en face...
                                                                                                   Texte protégé

      Chapitre 2/4:  "Les souris de la momie".


Le bistro-loto fournira certainement au flic affamé ce qu'il souhaite: son casse-croûte favori, quasi- fantasmatique. Un sandwich, mais... Pas n'importe quel sandwich: baguette bien craquante, rillettes en abondance avec cornichons judicieusement placés. Et pour arroser ça, un demi de bière blonde dans un verre tout embué. Le rituel, hein !

Landrain s'installe à une table qui lui donne vue sur toute la salle. Habitude policière: être en mesure de voir  le lieu complet.

Il y a du monde et, près du comptoir de vente du loto, un groupe de consommateurs qui chuchotent, très excités.

La serveuse arrive, il lui explique ce qu'il veut, avec tous les détails: baguette craquante, cornichons, buée sur le verre... L'air concentré, elle note tout dans sa mémoire, sous ses tresses. Elle va partir, il la retient et lui montre sa carte, ce qui ne l'alarme pas.

"Oh ! La Police.  C'est pour le monsieur qui est mort, là, en face ?"

"Exact. Vous le connaissiez ?"

"Juste comme ça, quand il venait. Le patron pourrait vous en parler mieux que moi. Vous voulez que j'aille lui demander ?"

"Oui, merci. Mais discrètement, hein !"

Elle le rassure d'un clin d'oeil et part s'occuper des rillettes et du patron.

Bien. Casse-croûte en préparation. Les souris, maintenant. En tapant le numéro de la dodue, il se sent tout chaud, là, pression sanguine en croissance. "C'est pour l'enquête que je l'appelle. Rien n'empêche déontologie et vie privée de bien s'entendre". Ah, ça sonne, une fois, deux fois. Elle décroche.

"Oui ?"

"Vous...Vous êtes Béatrice ?!"

Elle éclate de rire. "Commandant Stéphane Landrain ! J'ai reconnu votre voix, et votre numéro sur mon petit écran. Je l'ai déjà en tête, votre numéro. On s'est quittés il y a... Dix minutes, Non ? Oui !"

Il se force à respirer à fond, très profondément.  "J'ai des questions à vous poser."

"Questions boulot, ou..."

"Boulot, pour commencer. "

"D'ac ! J'vous écoute."

"Dans l'atelier du professeur Dourieux, il y a une cage à souris, la porte est ouverte."

"Elle restait toujours ouverte. Pour les deux petites souris apprivoisées qu'il aimait beaucoup. Poul et Herbert."

"Pardon ?"

"Il leur avait donné ces noms. Un jour, je lui ai demandé pourquoi. Il m'avait expliqué que c'était les prénoms de deux grands écrivains: Poul Anderson et Herbert G. Wells.  "Des génies qui avaient raison, Béatrice ! Je peux le prouver concrètement."  Après m'avoir dit ça, un peu gêné, le Professeur était retourné à ses calculs et moi à mon ménage. Mais, où sont les deux bestioles maintenant, je n'en sais rien. Elles ne se seraient jamais enfuies de l'atelier, elles étaient super bien traitées. Et elles ne servaient pas à des expériences, je peux vous le jurer."

Landrain laisse un silence de quelques secondes et demande:  "Vous avez vu le téléphone et la montre, dans quel état ils sont. Pourquoi, à votre avis ?"

"Aucune idée. Il avait des machines à ondes, c'est peut-être ce qui a tout bouzillé. Bon... Z'avez d'autres questions boulot ?"  Petit rire doux...

"Non, pour le boulot, c'est fini. Béatrice, si je vous invitais à..."

"Diner ? Faut voir. Pas ce soir, j'ai le repas de deux vieilles dames à préparer. Mais demain ?"

"Demain, huit heures. Vous connaissez un restaurant, un bon ?"

"Plutôt sept heures. Oui, le Cèdre bleu, place Georges Feydeau. C'est drôlement bon, et tranquille. Alors, ça vous va ?"

Oh oui ça lui va. Faudrait pas prendre sa tension maintenant !

"T'as tout fait"... Pardon, je veux dire "tout à fait", Béatrice.  Moi, c'est Stéphane"

"Elle dit, doucement: "Commandant. Stéphane, c'est demain."

"A demain soir, Béatrice."  Clic, clic. Landrain se sent très à l'étroit dans son pantalon. Il prend le temps de retrouver un état d'esprit lucide. Voilà, c'est bon et ça tombe bien: le patron arrive, portant lui-même le magnifique sandwich et le verre de bière. Bien embué.

"Il parait que vous êtes là pour le Professeur ?" Coup d'oeil admiratif à la carte professionnelle que le policier lui montre:  "Commandant Stéphane Landrain, rien que ça ! Bon, j'vous écoute."

"C'est moi qui vous écoute, Patron. D'abord, dites, c'est qui ce groupe d'excités qui fait des messes basses à votre comptoir ?"

"Vous êtes pas au courant ? C'est ici qu'on a validé le ticket gagnant du Loto, tirage de lundi dernier. Six millions deux cent mille euros. Et on ne sait pas qui est le gagnant !"

Le pantalon du Commandant le serre  moins, d'un seul coup. Il prend le temps de boire une gorgée. Bien fraîche, la bière.

"Le Professeur jouait au loto ?"

"Oui, depuis un mois seulement. Il venait à la même heure, vers midi, il remplissait sa grille, mais..."

"Mais ? Dites tout, Patron, le moindre détail, ça peut servir."

Le Patron est perplexe: "Voyez, j'ai l'impression que le jeu, c'était pas important. Il cochait, distraitement. Non, en fait, il regardait les autres personnes qui faisaient la queue pour remplir leur grille. Et là, il était attentif et sérieux."

"Il regardait quelqu'un en particulier ?" Landrain est surexcité dans ses neurones professionnels.

"Peut-être, mais alors il le cachait bien. Vous savez, plein de gens viennent jouer ici, tout plein. Souvent, au comptoir, on est deux, parfois trois, à enregistrer les grilles. On peut pas tout voir !"

"Tant de monde ?"  Tristesse policière, témoignage éventuel noyé dans la foule.

"Eh oui... En plus, à midi, c'est la grosse pointe. Mais quand il est venu jouer, lundi dernier, le Professeur, il m'a fait peine !"

Le flic se penche, tendu. "Peine ? pourquoi ?"

"Il avait une mine, mais une mine ! Pâle, tout maigre, la peau collée aux os, le visage creux, comme si il avait mal rien qu'en bougeant. Il soufflait, il m'a demandé un stylo pour cocher, une voix faible, le pauvre gars..."

C'est quoi ce Dourieux tout patraque ?

Le Patron continue: "Mais sa grille, il l'a remplie d'un coup, super vite, sans hésiter, il a payé, je lui ai rendu la monnaie et le coupon validé. Voilà !"

Voilà ?  Et après ?

"Eh ben après, il est parti, tout tremblant sur ses jambes. Je l'ai vu sortir, aller à la boite aux lettres juste au coin de la rue. Il s'est arrêté, je le voyais de dos, je crois qu'il postait une enveloppe, de loin on distingue mal. Et puis, avec la file de joueurs, ça faisait du boulot, j'ai plus fait attention à lui. Ah oui, je me souviens, il portait des gants. En mai !"

Landrain laisse toutes ces informations flotter, virevolter dans son esprit. Toujours, il prend un temps avant de rapprocher les morceaux. Là, il imagine un triangle, trois points: L'immeuble de Dourieux, le bistro-loto, la boite aux lettres. Allant d'un point à l'autre, un mec malade, la peau sur les os.

Le patron se lève pour partir, il se retourne: "Il était mal en point ! C'est pour ça que j'étais heureux quand il est venu le lendemain.  Là, Commandant, il était en super forme. Tout vif, costaud sur ses jambes, frais et rose, dynamique... Dis donc, content, j'étais."

Landrain allait croquer une grosse bouchée bien craquante, il bloque d'un coup, pose le casse-croûte.
C'est quoi, ce Dourieux tout guéri ?

"Le lendemain ?"

"Ben oui, mardi. Mais il a pas fait attention à moi, juste un signe de la main. Il est allé direct noter les résultats du tirage de la veille, vous savez, les six millions..."

"Je sais. Il avait l'air comment ? Excité, ravi, triste, nerveux ?"

"Rien de tout ça. Il a juste écrit les numéros gagnants sur un bout de papier. Et il est retourné dans son immeuble, vite, un vrai coureur olympique ! Bon, je peux vous laisser ?"

Il peut. Il part et laisse un policier à la dérive, qui décide de déguster son sandwiche-rillettes-bière avant de faire le point sur le pré-rapport à sa hiérarchie. Eh ! Un truc à vérifier sur les souris. Herbert, il connait. C'est Wells, écrivain de science-fiction: "La machine à remonter le Temps", entre autres.

Mais Poul ? Bizarre, le flic a la trouille de chercher sur son smartphone. La trouille, mais il tape quand même le nom que lui a donné Béatrice: "Poul Anderson". Quelques secondes d'attente tendue, et il a la réponse sur son bel écran: "Ecrivain de science-fiction, deuxième moitié du XXe siècle, créateur de la série de nouvelles "La Patrouille du Temps", des policiers qui protègent le fil du Temps."

Bon Dieu, comment je le rédige, mon rapport ?

"Supposons que j'écrive: "des considérations d'ordre paranormal et surnaturel mériteraient d'être prises en compte et..."

Il cesse net son raisonnement mental car, d'un coup, il ressent une tension très forte entre ses tempes et une pensée surgit, sonne clairement dans sa tête, comme un ordre silencieux:    "Protéger le Destin."

Il est en sueur, ce n'est pas lui qui a "pensé" ça. Bon, on va essayer de nouveau.

"Supposons que je fasse part d'une possibilité paranormale..."

La tension revient, brutale, les tempes douloureuses cette fois. Avant que l'ordre "Protéger le Destin" envahisse encore son cerveau, il chuchote: "Non, non ! Ce rapport n'est ni possible, ni acceptable." Oui, le crâne s'apaise, délivré.

" Voilà ce que je vais mettre: forte probabilité d'accident causé par les nombreux appareils de physique dans l'atelier. Il serait bon de les faire examiner par les ingénieurs du Centre Européen de Physique Quantique""

Repos, ce coup-là. Aucun ordre ne vient troubler Stéphane Landrain. Tout va bien.

Epuisé, tremblant, il s'accorde un bon moment de détente pour retrouver son équilibre nerveux avant de retourner chez la momie. Puis il va régler son addition au comptoir.

En sortant, très perturbé, il ne remarque pas, à la table près de la sienne, la jeune femme qui l'a observé et écouté depuis qu'il est arrivé au bistro. Elle le regarde partir et pense: "Tiens ! Ils portent tous les deux le même prénom."


Elle ? Qui est-ce ? On la rencontrera au chapitre 3/4:

                   "La jeune femme et la momie"

            Sur vos écrans d'ordi, mercredi 27 avril !








  • Allez, je continue

    · Il y a presque 8 ans ·
    Sorci%c3%a8re

    sortilege

  • C'est passionnant Edouard !

    · Il y a presque 8 ans ·
    Version 4

    nilo

    • Merci ! Il y a encore le chapitre 3, déjà publié, et le 4 (dernier) qui sera publié vendredi 29 avril !
      Je me suis rendu compte que cette nouvelle pourrait faire un scénario-dialogue de BD. J' ADORERAIS travailler ça. Me manque un ou une dessinateur/trice !

      · Il y a presque 8 ans ·
      Oiseau... 300

      astrov

    • Je sais, je lis, mais je suis fort occupée ces jours ci...
      A bientôt Edouard.

      · Il y a presque 8 ans ·
      Version 4

      nilo

    • Y a pas de souci M'Dame ! Et mes respects au chat Mirô !

      · Il y a presque 8 ans ·
      Oiseau... 300

      astrov

    • Ok, Edouard. Mirô est très câlin, cela lui fera grandement plaisir !

      · Il y a presque 8 ans ·
      Version 4

      nilo

  • Et l'enquête s'arrête au bistro... ;-))

    · Il y a environ 8 ans ·
    Version 4

    nilo

    • Ben non ! Elle continue, chapitre après chapitre ! 4 au total !

      · Il y a presque 8 ans ·
      Oiseau... 300

      astrov

    • Je suis l'intrigue...

      · Il y a presque 8 ans ·
      Version 4

      nilo

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