La Nocturne.

Nathan Noirh

Il attend un signe comme tous les autres, il attend quelque chose d'extraordinaire. C'est un spectateur, bien trop intelligent pour agir. Il déteste son intelligence, il déteste sa façon de voir les autres, de voir l'autre évoluer. De l'utilisation du manque de savoir des hommes, à l'obéissance collective basée sur ses envies, ses aspirations, créées par les envies des autres, comme un transfert empathique orienté, contrôlé. La projection n'est pas exprimée, elle est souhaitée, elle est dirigée. Lorsque l'émotion pure a laissée place à l'évasion de l'attente, la projection des pensées sur les autres, la vérité naturelle qui nous caractérisait s'est éteinte. L'homme n'évolue pas en tant qu'homme, mais en tant qu'homme de société, et ce faisant il se tue lui-même jour après jour.

Il y a une terrible vérité cachée dans celui qui peut tout voir, tout entendre du monde froid et métallique qui recouvre la poussière et le sable. Constater l'évolution du capitalisme et se rendre compte que l'homme existe car il travaille, remet en question toute la vision que l'on peut se faire de la vie, ce concept flou invoqué dans les situations les plus incertaines. Le travail est un caractère fondamental de l'espèce humaine, car sans travail, l'homme n'est pas. Il n'est qu'une créature qui a beaucoup trop de neurones et de pensées pour vivre seul, il est une créature qui ne sait pas vivre seul. Sans l'éveil intellectuel et l'appétence produite par le contact culturel (j'entends par contact culturel un fourre-tout saugrenue de toute la production artistique et chimérique de l'homme, par la découverte des arts, de l'âme, de l'expression de tout ce dont nous sommes capable de penser ou de faire, que nous partageons) nous ne sommes qu'un tableau vide, dénué de toute caractéristique colorée, de forme logique ou illogique. Les méthodes de production et d'échange n'appartiennent pas à ceux qui les mettent en œuvre par leur propre travail. C'est cette vérité qui s'est inscrite dans nos âmes, nos âmes et nos âmes. Les coalitions se forment et se déforment sous les règnes ponctuels de l'avidité, de l'envie, de l'héroïsme sur commande. Quelques étincelles vont et viennent au gré des aspirations utopiques, aux croyances populaires et chimériques. Nous croyons, nous voulons croire, nous espérons. Nos aspirations psychiques sont étouffées par la nécessité de la matière, par la ressource et le besoin collectif, d'être collectif. La communauté est une drogue en soi, qui ne laisse plus place au trip de l'âme, la découverte profonde de ce qui pourrait nous caractériser. Les esprits lumineux tentent de donner une conviction au destin des hommes, au pourquoi de leur avancée, au pourquoi de leur recherche. Les brillants exècrent la machine et la dynamique de notre mode de vie. Notre mode de vie n'en est pas un, il n'est qu'une résultante de choix et d'erreurs commis par les hommes du passé.

Nous vivons tournés vers le passé, incapable d'évoluer dans le présent. Il n'existe pas de présent. Il est difficile d'exprimer une description précise du présent. Le passé, représente toutes les choses qui se sont déroulés. Le futur, toutes celles qui vont arriver. Mais le présent ? Lorsque je vous montre un objet, mes lunettes par exemple, l'image au travers de la lumière va mettre un certain temps à atteindre votre œil, puis encore du temps pour que l'information soit traitée, puis envoyée vers le cerveau. Là encore le cerveau analyse l'information et renvoi les données collectées pour que l'individu puisse se dire « il me montre des lunettes ». Cela représente des milliers de fractions de seconde, mais tout de même. Il s'est écoulé du temps pendant ce processus au premier abord simple et rapide. En partant de ce principe, chaque action et chaque idée met un temps défini à se former et à se mettre en mouvement, il n'y a donc pas à proprement parlé de « présent ». Si l'on part de ce principe, le présent représente le moment où nous pensons à l'action, avant de la réaliser. Le présent serait alors juste la création elle-même d'une idée, d'une pensée, d'une réflexion. D'un point de vue physique, nous évoluons dans le futur grâce à nos pensées. Nous nous déplaçons tous dans la même direction, celle du temps, celle de la quatrième dimension, qui ne se caractérise pas par un espace euclidien (permettant de modéliser en physique classique le plan ainsi que l'espace qui nous entoure) mais plutôt par un espace de Minkowski (géométrisation de la relativité restreinte). C'est le principe même du référentiel espace-temps, la quatrième dimension est celle du futur, la dimension dans laquelle nous évoluons tous, sans pouvoir faire marche arrière. C'est pourquoi l'homme a une tendance inconsciente à regarder le passé pour résoudre un problème dans le futur, il en a besoin pour comparer ses expériences, définir des solutions aux problèmes déjà rencontrés, pour spéculer sur l'avenir.

Notre Histoire est une boucle temporelle des pensées de l'homme, qui continue les uns après les autres à ressentir pour la première fois des émotions et des expériences qui, faute de partage universel et instantané, en vient à penser qu'il est le premier à voir eu cette idée, cette ébauche, cette vision. La religion s'est réinventée au fil des années en reprenant des concepts polythéistes ou de l'antiquité pour les recycler et les ajuster à un modèle de religion monothéiste plus moderne (Moïse est par exemple un personnage directement inspiré de Sargon 1er qui a fondé l'empire D'akkad et dominé l'empire Mesopotamien au XXIV siècle av. J.-C.), l'évolution a laissé les hommes écrire l'Histoire, laissant dans l'oubli et l'incertitude la culture des peuples de la protohistoire (Ce que nous connaissons des gaulois ne vient que des écrits romain et latin, ils ne savaient pas écrire), les actions des hommes se sont laisser définir par leurs pensées, entre réel et imaginaire, incapable de distinguer ce qui est né de leur esprit et ce qui est né de l'évolution naturelle. Le monde évolue en terme d'art, de croyance, de courant de pensée, de modernisation technologique, d'énergie, de connaissances et c'est très bien car nous arrivons à en garder une trace, mais la découverte des émotions et de l'intimité de l'âme, est toujours une perpétuelle découverte pour chaque homme. Voilà pourquoi l'homme n'évolue pas en tant qu'homme, mais en tant qu'homme de société.

 

 

Trop longtemps méprisé sans pouvoir s'en défaire, les armes imaginaires contre la folie réelle, l'homme se battra toujours contre lui-même.

 

 

 

Les Nocturne de Chopin sont pour moi une représentation symphonique et mélancolique de l'évolution, de l'expression inéluctable des sentiments et des émotions humaines. Tour à tour la joie, la frustration, la peur, la colère, l'envie, la lassitude, l'incertitude, l'espoir, et tout cela dans un éternel recommencement. La nuit peut être belle, elle peut être inspirante et effrayante. Elle l'est pour certains, elle ne l'est pas pour d'autres. Mais elle existe malgré toutes vos visions divergentes ou malheureusement convergentes. Voici pourquoi mon texte se nomme La Nocturne.

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