LA NUIT

amisdesmots

réflexion autour de la liberté de penser


La nuit je pars dans un monde secret, le miens. Je suis un tueur, un garçon boucher aux mains remplies du sang d'animaux innocents, je suis le vengeur celui qui s'immisce chez les gens pour faire justice. Un voisin trop bruyant, j'arrive et je le descend sur le champs sans autre forme de procès . Une contravention sur le pare-brise de l'auto , je cours au commissariat pour le faire sauter. La nuit je mens ! Je viole des femmes dans la rue, je respire leur odeur surtout celle des jolies rondes et ingénues. La nuit je dévie, je dévisse, j'ai le nez collé à leur fente et je hume à plein poumon leur secrètes saletés refusant obstinément d'en être dégoûté. Puis quand j'en ai assez je pense à autre chose, je me réfugie dans une église où s'élève un parfum d'encens sacré, je prie pour ma rédemption car je sais que je suis bon pour l'enfer avec toutes ces mauvaises pensées. Et quelques fois il arrive que Dieu me parle, à travers une musique, dans le chant d'un oiseau, dans un arc en ciel, il arrive que je le vois. Il me pardonne il me dit que c'est normal, que je suis libre et que je ne fais de mal à personne, que ce que je fais le soir dans mon lit, dans ma tête est uniquement une forme d'art pour initié, de l'art ou du cochon ! Oui Dieu prononce ce mot. Il sous-entend que je fais de l'art avec mes pensées, de l'art ou du cochon ! De la cochonnaille lorsque j'ai pour projet la nuit de mitrailler tout les extrémistes de la terre ceux la mêmes qui se recommandent sans discernement de lui, le grand, le majestueux, lorsque j'envisage de lancer à moi tout seul une révolution politique qui fera tomber les profiteurs, tout les gros richards qui se goinfrent ici et là sur le dos des pauvres, il me pardonne il dit que je suis libre mais faible et que je me laisse aller, qu'il avait prévu cela depuis mon premier souffle et qu'il connait bien les faiblesses des hommes. La nuit je mens, je m'autorise tout les abus, je blasphème, j'injurie, je tue, je saccage, je profane.

Je sais c'est mal d'avoir de telles pensées, enfin il paraît que c'est mal, oh oui c'est mal je le sais, puisque tout le monde le dit. Et je ne suis pas le seul, c'est comme ces types et même ces femmes qui forniquent comme des bêtes, sans amour, sans tendresse, cela ne rime à rien et ceux la se protègent en se disant qu'il s'agit au mieux d' un réflexe archaïque d'animal. Pour ma part je pencherais plus sûrement vers le signe d'une déviance mentale. Pourtant la nuit je vais bien, je ne me sens pas stupide ou coupable même si c'est mal d'avoir certaines pensées assez nauséabondes ! Derrière le grand rideau qui m'isole du monde, derrière les pans de velours de mon cerveau, de toutes façons rien de tout cela ne sortira de moi, c'est promis, toutes ces vilaines pensées resteront lettres mortes bien calfeutrées et quand j'en aurais assez lorsqu'elles me dérangeront je les chasserais un point c'est tout.

Car je ne trouve pas excitantes ces idées, ces images récurrentes, ces délires de vengeance, je ne trouve pas cela exutoire, non elles me traversent comme des trains fous et elles finissent dans le mur, une fois sur deux.

La nuit je mens, oui je mens à moi même. Je tourne dans le lit, j'ai du mal à trouver le sommeil, je suis tourmenté, j'ai mal partout, mais peut être est-ce le mal qui me ronge le cerveau qui m'empêche avant tout de dormir, sans doute que mes désordres musculaires, arthrosiques, rhumatismaux ne sont que le résultat d'une trop importante cogitation malsaine.

Le matin je repense à tout ça, j'ai la nausée souvent et je mets bien une journée pour m'en défaire. Je prends le train, je regarde les femmes bien habillées, surtout les jeunes et les jolies, j'imagine ... oui et là j'arrête tout et m'oblige à revenir à de saines pensées, parce que ce n'est ni le lieu ni le moment. Je pense oui je pense parce que je suis un être qui pense, je pense... je panse devrais je dire! Alors, oui je panse mes plaies en imaginant leur vie d'étudiante, de femme au foyer, à leurs petits bonheurs a leur intelligence a leur désespoir à leur amour, à leurs amies et leurs ennemies oui j'imagine tout cela et cela me fait du bien. Le jour je vais mieux j'arrive à ne plus penser à la turpitude, à la saleté du monde et des gens, je m'émerveille d'un enfant qui joue, d'un petit homme innocent qui va un jour ou l'autre lui aussi connaître tout ces bouleversements qui le feront chavirer, les premiers amours, les premières crises. Je regarde les barbus musulmans, en tenue s'il vous plaît, et je me dis que par ailleurs ils sont sans doute de bons pères de famille, des hommes tout à fait respectables qu'ils faut respecter et que ce n'est pas parce qu'ils ont la barbe et un coran à la main qu'ils sont des tueurs écervelés. Je me dis tout ça, je m'excuse lorsque je les bouscule par inadvertance, je laisse ma place à un vieux juif dans le métro ou à une jeune fille avec des sacs, je ne pense pas à ... Non pas à ce moment là, je ne suis pas là pour ça. Elle s'assoit elle est contente sûrement en transit par Paris, ou elle vient de visiter la capitale, elle ne sais rien de ce qui se trame dans tout les cerveaux masculins au mien semblable, elle ne veut pas le savoir elle s'en fout. D ailleurs peut être que de son côté, sous ses airs de jeune fille bien sous tout rapport... oui évidement. La journée passe, je ne pense plus je travaille c'est ça le truc, jouir d'une situation suffisamment préoccupante pour occuper l'esprit et je comprends pourquoi l'inactivité est mère de bien des vices .

La nuit le cheval fou qui galope dans ma tête se réveille et voilà tout repars, je redeviens un animal, la nuit je mens à l'homme qui est en moi je lui dis que tout est normal, qu'il ne doit pas s'inquiéter, que tout ce qu'il imagine n'est que le produit d'une trop grande sensibilité, qu'il n'est pas de ces êtres simples qui se contentent de jouir du présent et de leur compte en banque, qu'il lui faut de l'épice, du vice, de la vengeance, du sang, du sexe cru et que la nuit il n'est en définitive qu'un homme bien ordinaire, un animal-homme ou un homme-animal, la frontière en lui n'est pas bien définie.

La nuit je ne dors pas, je veille jusqu'à l'extinction de mes noirs pensées.


AMISDESMOTS

  • Quand je ne trouve pas le sommeil, je prends vite un livre avant que l'angoisse ne m'étreigne parce qu'alors l'absurdité de la vie me poursuit !
    Votre texte est magnifique !

    · Il y a environ 8 ans ·
    Louve blanche

    Louve

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