Là où la route s'arrête (2017)

C'est la ville encore, d'après la carte et selon l'administration. Urbanité, à ce qu'il parait. Pourtant il n'y a plus qu'une impraticable chaussée défoncée, qui serpente et qui va mourir là. Et la ville continue de finir lentement, pour se dissoudre dans ce dont elle avait émergé.

La dernière maison : fière, surplombante, stylée. Le dernier terrain vague : rouillé vestige d'une industrie passée. Ne subsiste qu'un contraste doux et ciselé. Sécheresse blanche, aride et nue du relief brut. Bleu-vert translucide, hypnotique et cristallin de cette mer qui tire tout à elle, tellement sûre d'elle. Dépouillement. Justesse de l'essentiel.

Restent quelques gracieux oiseaux libres de faire la loi, sur ce territoire où ils ont tous les droits. Reste un ferry qui prend le large, aiguillé par les lumières du phare sur le dernier rivage. Reste un plongeur sur l'ultime plage. Une cantine de pêcheurs, des salades de poulpes et des poissons grillés, un café du bout monde où l'on peut encore fumer, bercés par l'envoutante musique de Lana Del Rey.

Seul dans le vent et le silence, face à l'horizon et à l'immensité. Délivré de la quête angoissée d'un toujours-ailleurs, d'un encore-autre-chose, guéri d'une errance insensée. Peut-être enfin prêt à ce que la vie cesse tranquillement, naturellement, comme il se doit, mais animé d'une puissante énergie de goûter d'abord là où l'on est, là où nos chemins se sont croisés, là où la route s'est arrêtée. Rhizome d'érotiques potentialités, creuset d'indociles créativités. 

Et toi qui enveloppe ce paysage de vérité. Qui le parfume, le nourrit, le climatise, le colore, le sonorise, dans la multitude de tes modalités de présence. Jamais une obsession-prison qui viendrait écraser, castrer, presser, juger. Toujours un ingrédient pour libérer, intensifier, aimer, abandonner.