La part de Dieu

Thibaut Kuttler

 Été humide au dessous des bras, la peau se brûle peu à peu sous l'astre feu.

La gare est pleine, comme une salle de concert de corps gargouillant; grouillant; dégageant la moiteur. Et des paroles atroces se font retentir sous le pendule à deux aiguilles en métal vieilli.

Une arme de masse serait plausiblement présente, plausiblement là pour scarifier la peau de l'humanité. J'ai vu des vieilles femmes oubliés leurs claudication. Des hommes obèses suer toute leur graisses accumulés pour fuir au plus vite, retrouver les muscles athlètes du dessous de leur silhouette dôme. Des femmes extensibles apprendre la course malgré leurs piques bakélites au dessous de leurs pieds escarpins.

Et mes tempes battent comme le cœur. Et la sueur se développe chaude contre les aisselles et froide dans le dos. L'abandon de tout, pour sortir au plus vite. Glisser son corps dans la bouche du métro. S'engloutir dans la gueule de l'oubli, espérant traverser le dédale de tripes et de boyaux urbains pour se faire chier loin de tout ça. Je veux être colique au plus vite, exploser le records de vitesse des jeux olympiques. Mes chevilles frêles parviennent à supporter le dénivelé sauté d'une dizaine de marche. J'entends encore la salve de toute ses munitions imaginaires qui ne sont en réalité que le martèlement des chaussures espérant devenir bottes de sept lieux. Et la course ne s'arrête pas, elle concours avec la course de ma vie au creux de mes yeux. Je vois des visages d'amour, des événements importants à ma mémoire, des odeurs que je ne veux pas oublier, des contacts de peau que je m'efforce à plaquer dans mon souvenir contre-plaqué d'ego. Des envies de salives étrangères dans ma bouche, des envies de sexe, de courbes à explorer, de chute de silhouette, de poids de corps à soulever ou à sentir sur ou sous. Moi. A présent j'oublie tout. Il n'y a plus que moi. Moi et moi seul traversant le carrelage puant des couloirs souterrains. Moi ayant poussé dans un souvenir flou des congénères bipèdes pour gagner quelques secondes sur le compteur de la vie.

Moi dévalant la pente de sang qui se glace.



Si je m'étais tue, Si « Je » devenais « Tu » dans un miroir nouveau: You were wolf, werewolf anglophonie de loup garou, j'étais un loup dans la gare. Gare à ton ressentis, l'espérance ne l'homologue pas. Mais la survie de l'être seul surprend parfois la notion d'espoir et de communauté. J'étais prêt à l'escalade d'un Mont/charnier.


La bombe, présent dans le bagage suspect composé de grenailles utilitaire à la découpe d'objet et de corps, Shrapnel de nom par son créateur, n'a pas explosé. Elle n'existait pas. Sa charge n'étais composé que de terreur médiatique et d'un mouvement de foule.

Mais j'y ai vu dans cette explosion neuronale, mon corps fin se déchiqueter, muant ma peau roussâtre contre de la fourrure angoissante.


Premier ressentis animal. Lieu – Gare de la Pardieu/Lyon – Heure 15 heures 24 à 15 heures 27 / Le samedi 4 juillet 2015 

  • Troublante expérience de l'animalité....Sauver sa peau....Courir...Fuir...Pousser les autres enfin !
    C'est cela l'indignité de l' Homme qui a peur. C'est sans doute aussi ce qu' attendent de nous nos bourreaux.

    Primo Levi l' a raconté au retour des camps, dans Si c'est un Homme :.
    http://www.ac-nice.fr/lettres/gassin/articles.php?lng=fr&pg=310

    Vous venez de l'exprimer avec effroi. C'est l'envers de notre peau, mise à nue. Un cauchemar.

    Merci pour ce partage terrifiant.

    · Il y a plus de 6 ans ·
    Image de femme baroque

    anna-c

    • Merci Anna-C pour ce très beau commentaire.

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      Thibaut Kuttler

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