la Picador( Cécile l'amante religieuse, non la mante...

occhuizzo-marc

Cécile Picador a pour pseudo sur les sites de rencontres : Gafine

Un après-midi d'hiver, le vent avait soufflé de colère injustifiée. Pendant qu'il avait assisté à une réunion de chantier à Port Camargue 2, elle avait passé la matinée seule au chalet à fouiner, se transformant en fox-terrier la truffe reniflant dans les affaires personnelles de Jigui. Elle cherchait une faille pour qu'il s'élance du dernier plongeoir avant d'atterrir dans la piscine vide. Elle restait de marbre. Elle désirait être libre de tout homme, son seul objectif restait le bel appartement du vieux Rostan. Un viager avec un bouquet à deux-cent mille euros et un loyer mensuel pas encore défini. Elle n'allait pas laisser passer l'occase. Elle déshabillait Paul pour habiller Pierre. Ce qui l'excitait au plus haut point. Sans pitié pour personne.

Elle cabotait placide dans le chalet, remarquant une belle œuvre d'ébénisterie. Elle découvrit un trésor dans son bureau de chef d'entreprise du bâtiment. Les volets étaient clos et il n'y avait aucune caméra à l'intérieur. Le bois du parquet craquait sous ses pas légers. En stressant, elle essuyait la sueur dégoulinante sur son visage enfantin, sans tarder elle crochetait délicatement le secrétaire en marqueterie à l'aide d'un petit tournevis. Elle ajusta ses lunettes de vue, lut aussitôt une feuille de papier, une liste, des numéros et des noms d'hommes étrangers dans des colonnes jaunes, et des contacts dans des colonnes bleues, visiblement pour se procurer des petites mains muettes et sourdes (sans papier). Jean Guy les faisait presque tapiner les pieds dans le mortier, pour que dalle ou si peu. En tête de page, il y avait aussi l'un des numéros privés de Katia Bohnoff. C'était pendant la période de la fin des travaux du musée d'art moderne. La rumeur s'était étalée à la petite vitesse d'un nuage de gaz au-dessus de Cap Olympe puis dissoute dans le temps et le vent du nord. Un Soudanais, un Erythréen, un Albanais, auraient péri ensevelis dans une tranchée lors des fortes pluies d'un épisode Cévenol. Depuis les quelques témoins avaient disparu de la circulation. Cécile fit le rapprochement avec la liste qu'elle photographia et archiva dans son iPhone. Yes ! s'exclama-t-elle. Plus tard, à la terrasse d'un café sous les arcades, elle avait enregistré dans le même iPhone une conversation que monsieur Businessman crut innocente. Un mot avait été lâché par orgueil ou imprudence, par Franzoni : pot-de-vin. Depuis ce jour, la perspicace Cécile tenait son homme par les grelots et d'après elle, il en avait des gros. Quelques semaines plus tard, il faisait profil bas. Elle ne s'était pas gênée d'avertir, usant de son charme habituel, un jeune inspecteur du travail, lequel était le fils d'un homme handicapé, une ancienne pointure du fisc, dont elle s'occupait avec beaucoup de bienveillance depuis deux ans entant qu'auxiliaire de vie.


A genoux écorchés, Jean-Guy avait monté les marches une à une, de son chemin de croix. En se forçant, le buste droit, il implorait je ne sais quoi pour qu'elle reste avec lui encore un moment. Peur de l'abandon, il demanda pardon pour aucune faute commise contre elle, en gémissant entre les dents. Vêtue de blanc immaculé, Gafine le fit relever. La maîtresse pointa dans la direction de Franzoni son index, l'ongle affuté rouge sang. Elle haussa le ton par un langage châtié, qu'il ne lui connaissait pas auparavant. Par honte, par lâcheté, il baissa ses yeux embrumés. Elle le domina, aussi haut que le mont Olympe domine la mer et le monde. Elle cracha bave et venin à la face de la carpette qui se prenait hier pour le mâle conquérant. Le mauvais œil fusillait Franzoni, inexorablement transformer en vilaine bestiole indésirable. Mais lui s'était allégé de sa dignité, de sa fierté, de sa virilité, en espérant une autre chance tombée du ciel. Qu'il était loin maintenant le temps des escapades amoureuses à Londres, en Andalousie, à Venise... Le film repassait dans sa tête, quant à la tombée de la nuit il s'abreuvait à la fontaine, le visage enfoui entre les douces cuisses de la déesse. Lui, qu'il la soulevait encore hier dans ses bras de titan, pour enfin déposer son faire-valoir délicatement sur les draps en soie d'un lit à baldaquin d'une suite payée à prix d'or d'un palace parisien. Et d'une envie sans précédent il la sabrait jusqu'à l'extase. Aujourd'hui il ne restait que quelques cendres pour témoigner qu'un feu sacré a bien existé entre eux, à Cap Olympe. Depuis la énième rupture entre Cécile et Franzoni, ses affaires périclitaient de jour en jour. Les freins lâchaient sur la route en pente. Elle se targuait de posséder des dons de voyance et d'autres conneries de charlatanisme, transmis par la vieille sorcièrace… Comme si elle était de parole d'or, Cécile affirmait que tout irait beaucoup mieux demain à condition de s'alléger de tout ce surplus matériel qui encombre les âmes perdues… Pour une belle vie éternelle. Sans réflexion, il s'exécutait pour trouver de nouveau paix et bonheur auprès de sa dulcinée. Mais rien de tout ça ne venait de l'horizon. Pour embrouiller les hommes elle était vraiment la plus forte. Elle les faisait battre entre eux jusqu'au sang pour des regards furtifs, des rumeurs de villageois arriérés, des jalousies de collégiennes facebookiennes. Bref elle soufflait le chaud et le froid, c'était à croire qu'elle atteignait le point G de la sorte.

Un matin de mars, le mois des « fous », Jean-Guy, méconnaissable, visage émacié, hirsute, puant sueur et pisse, croulait tout seul sous les dettes. La mante religieuse l'avait sucé jusqu'au sang. Les huissiers, un inspecteur de la PJ, les inspecteurs du travail, les ordonnances du médecin, et le fisc perfide, étaient accrochés comme des morpions au caleçon. Son dernier rempart qu'il lui restait. Il fallait une grue pour le lever du lit, car c'était bien une petite grue chantante qu'il l'avait bétonnée sous les draps. Franzoni était parti violemment de son plein gré, pousser dans son dos courbé, par de fines menottes tactiles, aux ongles longs, pointus, rouge éclatant… Cécile Picador effaça à la gomme, de sa mémoire, l'épisode Jean-Guy Franzoni, qui lui aura rapporté en gros une belle Allemande rutilante, un jeune ami inspecteur du travail, qu'elle trouvait beau gosse, quelques diam's que Tahar incognito avait refourgué à Anvers à un « ami » Ashkénaze, au prix fort du marché, et des quelques milliers d'euros pour soigner sa fille invisible cachée dans un placard de sa tête. La mante religieuse n'avait pas frappé si fort que ça, se disait-elle en pensant à l'autre numéro, le restaurateur de la Nautique. Elle rejetait les fautes sur les autres. Maligne, elle se cachait derrière sa silhouette de Madone abandonnée. Parfois face à la réalité, son comportement l'épuisait complètement à la rendre malade pour de bon. Maux de tête, vomissements, pleurs à la chaîne…

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