La place du mort

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concours "roulez vers l'imprévu"

                                                  La place du mort

E1 : Sam part en vacances avec sa mère Louise et le copain de celle-ci, Robin, à la campagne, chez  sa grand-mère qu’il ne connait pas. Dans la voiture, l’ambiance est tendue. Ils s’arrêtent pour déjeuner dans un relais routier assez spécial, et  au moment de repartir, ils ne sont plus que deux! Mais qui a disparu ?

E2 : Sur la route Robin repense à sa rencontre avec Louise dont il est immédiatement tombé amoureux, à sa vie, à son boulot de manager pour elle et Louisiane. Il se sent responsable de la disparition de Louise et prévoit de confier Sam, qui s’est endormi et ignore encore que sa mère n’est plus là,  à sa grand-mère.

E3 : La grand-mère, pendant qu’elle les attend, nous raconte louise enfant, son concours de  miss confiture, puis sa rencontre avec Antoine le cycliste. Elle parle avec sa fille disparue et se réconcilie avec elle en éclaircissant le mal entendu qui était à l’origine du départ de Louise !

E4 : Sam se réveille au deuxième arrêt et découvre que sa mère n’est plus là. Il pique une crise. Des camions au loin lui font croire que sa mère a été enlevée par un des routiers qui se trouvait au relais. Robin a du mal à le calmer et des témoins de la scène pensant à un kidnapping appellent la police.

E5 : Alors qu’au même moment une histoire d’enlèvement d’enfants fait trembler la France à la radio, Sam fini par comprendre que Robin n’est pas innocent et qu’il est même dangereux. Il imagine comment il va réussir à prendre la fuite et sauver sa mère quand la police fait son apparition.

E6 : Alors que Sam espère être sauvé par la police, celle-ci arrête Robin. Après s’être expliqué sur la situation et avoir expliqué le quiproquo en montrant un document aux policiers, ceux-ci le laisse tranquille. Sam n’en revient  pas et en conclu  que la police est complice de la disparition de sa mère !

E7 : Pendant qu’une femme policière essaye de faire comprendre à Sam la situation, la police découvre un nouvel élément qui va les faire changer d’avis quant à l’innocence de Robin. Un heureux concours de circonstances va faire qu’ils vont également résoudre le mystère de l’affaire du kidnappeur d’enfants.

E8 : Sam retrouve Louise qui le rassure et lui promet d’être toujours là pour lui. Louise donne son point de vue sur sa vie avec Sam et Robin, son histoire avec Antoine et l’on apprend que Louise n’est pas montée à Paris pour devenir actrice mais parce qu’elle avait découvert le secret de sa mère et son lien avec Louisiane.

E9 : C’est au tour de Louisiane de raconter son histoire, sa rencontre avec Louise, ses espoirs déçus. Mais surtout c’est grâce à elle que l’on comprend ce qui s’est passé quelques jours avant le départ en vacances, pourquoi et comment Louise a disparu et qui va payer pour ça !

E10 : Arrivée chez la grand-mère,  Robin lui confie Louise et Sam et fait ces adieux à Sam avec qui il n’a jamais réussi à établir de liens, ce qu’il regrette en voyant la complicité évidente qu’il y a entre les deux. Sam s’habitue déjà à sa nouvelle vie avec une grand-mère formidable ! Et Louise est heureuse pour toujours !

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Episode 1 : SAM

Sam c’est moi, le garçon assis à l’arrière de la voiture. Et comme c’est l’auteure qui décide de tout dans cette histoire,  je ne sais pas si je suis grand ou petit, si je suis blond ou brun. Ah si maintenant je sais. Elle vient de décider que je serai un petit garçon métis avec les cheveux clairs et crépus, un peu longs mais pas trop (ben oui, faudrait pas qu’on me confonde avec une fille parce que les filles c’est agaçant, faut les coiffer tout le temps, leur faire des tresses, leur mettre des perles ou des élastiques qu’il faut assortir à la couleur des petites robes et des petites chaussures et franchement là, l’auteure elle a pas que ça à faire, elle a une histoire à raconter là, la mienne en l’occurrence !)

Donc je suis un garçon et j’ai les yeux verts céladon (je ne sais pas ce que ça veut dire mais c’est sûrement très beau si c’est la couleur de mes yeux, je lui fais confiance, c’est l’auteure tout de même !!). Pour les fringues, c’est facile avec un garçon, bermuda en jean et tee-shirt blanc feront l’affaire. A moins que je doive porter un bermuda turquoise et un tee-shirt jaune soleil, ça fait été et l’auteure adore le turquoise en ce moment. Alors va pour le jaune et le turquoise. Et puis ça va très bien avec mes tennis en toile sable. De toutes les manières, les autres fringues seront dans ma valise et je mettrai bien ce que je veux quand elle sera occupée à d’autres détails de l’histoire.

Le seul vrai détail qui compte pour l’instant et que je trouve ridicule, c’est le brin de persil qu’elle m’oblige à mettre autour du cou, pendu à l’aide d’un bout de ficelle de cuisine. Il paraît que c’est le meilleur remède pour éviter le mal des transports, mieux que la Cocculine. Ça va lui éviter l’épisode où je vomis dans la voiture. Vu que l’on va faire le trajet ensemble, c’est finalement une bonne idée, si ça marche ! Et puis on ne va pas commencer à se prendre la tête pour si peu, ce n’est que le début de mon histoire !! Mais bon quand même, pour un peu j’avais un brin de persil dans chaque narine et me voilà transformé en tête de veau sauce gribiche ! Quoi ? Il y des gens qui mange de la tête de veau avec une sauce english ! Beurk ! Beurk ! Beurk ! L’auteure me dit de vous dire qu’elle non plus elle n’aime pas la tête de veau mais que pour les amateurs, elle vous laisse la recette trouvée sur internet !  Bon ben beurk quand même !

Recette de la tête de veau sauce gribiche pour 6 personnes :

- 1kg 200 à 1kg 500 de tête de veau environ préparée par le boucher, 10 cl de vin blanc sec ,2 cs de vinaigre d'alcool, 2 ou 3 carottes, 1 gousse d'ail, 1 gros oignon, 1 branche de céleri, 1 cs de farine, 1 jus de citron, sel, poivre, 1 ou 2 clou de girofle, 1 bouquet garni.

Sauce 1 ou 2 cs de moutarde, 2 œufs durs, 3 ou 4 cornichons, 2 cs de câpres,  un bouquet de persil et quelques brins de ciboulette, 1 échalote ou 1 oignon blanc, huile, vinaigre, sel, poivre.

Citronner la tête et la mettre dans une marmite.  Délayer la farine dans un peu d'eau et verser dans la  marmite, puis ajouter le vin, le vinaigre d'alcool, l'oignon piqué de clou de girofle, l'ail, les carottes et le céleri. Recouvrir d'eau froide. Saler avec du gros sel et ajouter quelques grains de poivre. Porter à ébullition et laisser à frémissement environ 1h 15 à 1h30 en couvrant à moitié. Faire cuire les œufs durs. Les écaler et les hacher.

Sauce : dans un bol émulsionner la moutarde, le vinaigre et ajouter l'huile en fouettant. Saler et poivrer. Ajouter les herbes ciselées et l'échalote ou l'oignon haché, puis les œufs, les cornichons hachés et les câpres égouttées. Saler et poivrer.

Couper la tête (en général roulée) en tranches et servir bien chaud avec la sauce. Accompagner de pommes de terre cuites à l'anglaise et pourquoi pas de quelques carottes.

Et ben si je ne suis pas malade avec ça c’est que vraiment le persil ça fonctionne ! Donc là c’est le grand départ pour mes premières vacances. On part à la campagne. Je ne sais pas trop où exactement car j’y suis jamais allé et l’auteure non plus visiblement, mais je sais que c’est un peu loin de Paris. Bon c’est vrai que dès qu’on dépasse le périf c’est la campagne, mais là je pars pour la vrai campagne, celle de  l’amour est dans le pré. Je me demande si je vais supporter l’air pur, le silence, si je vais me faire des copains et des copines. Ben oui, quand comme moi, on ne connait que la campagne à la télé, qu’on vit sous un ciel voilé en permanence par la pollution avec en bruit de fond les sirènes des ambulances, celles des pompiers, celles des policiers, les klaxons des voitures, les vrombissements les scooters, les conversations animées des voisins, les travaux des voisins, les soirées foot (ou karaoké ou poker) des voisins, les disputes des voisins, les chiens qui aboient des voisins, ce n’est pas gagné. J’ai l’impression que je pars pour Koh-lanta ! J’aurais peut-être dû prendre mon couteau suisse!

Ces vacances c’est une idée de Robin le petit copain de ma mère. Enfin, c’est une idée de l’auteure comme tout le reste mais elle a refilé l’idée à Robin. Et tenez-vous le pour dit, tout le reste est comme ça. Donc maintenant que vous avez compris le principe, je peux continuer ? Donc, hier, quand il est venu me chercher chez Louisiane, il m’a demandé si ça me plairait d’aller passer l’été chez ma grand-mère, parce que lui, il a du boulot et qu’il n’aura pas le temps de s’occuper de moi ! De toutes manières, ce n’est pas souvent qu’il s’occupe de moi. Ce n’est pas parce que je ne suis pas son fils mais ma maman m’a dit qu’il ne sait pas s’y prendre avec les enfants vu qu’il n’en a jamais eu. Mais moi je pense qu’il ne sait pas s’y prendre avec maman non plus sinon ils ne se feraient pas la gueule comme ça depuis 4 jours ! Donc j’ai dit oui, après tout, les copains sont partis aussi et comme ça j’aurai des trucs à raconter à la rentrée !

 Louisiane c’est la meilleure amie de maman et ça lui arrive de me garder quand maman a un truc à faire. En fait, Louisiane ce n’est pas son vrai nom, c’est son nom d’artiste. Son vrai nom c’est Louise  comme maman, du coup, quand elles ont un petit coup dans le nez elles chantent à tue-tête « nous sommes des sœurs jumelles, nées sous le signe  des gémeaux…». Une chanson de vieux qu’est vachement connue, y parait ! Elle pensait que ça l’aiderait pour faire carrière aux States de changer de nom, mais pour l’instant elle fait mannequin pour les pieds à Paris ! Ben si ça existe ! Elle a des jolies pieds et elle se les fait prendre en photos pour vendre du vernis, des pansements, des tongs, pour marcher pieds nus sur le sable, pieds nus sur une moquette, pieds nus sur un tapis, pieds nus sur du parquet, pieds nus même sur du carrelage alors que c’est froid ! Pour lui faire plaisir je lui dis qu’un jour les gens auront surement envie de savoir à qui ils appartiennent ses pieds-là et là, elle sera une super star des pieds et de là il n’y a qu’un pas pour être une super star tout court !

Donc hier soir j’ai laissé Louisiane et ces pieds et je suis rentré chez nous. J’ai fait mes bagages tout seul comme un grand et maman était super fier de moi ! J’ai pris mes lunettes de soleil et mon maillot de bain, mon appareil photo pour me faire des souvenirs. Et j’ai pris toute l’étagère des fringues d’été pour être sûr de ne rien oublier. Elle m’a même laissé prendre mon vieux pyjama superman troué qui m’arrive aux mollets mais comme il est tout doux et qu’à la campagne les nuits sont fraîches je n’ai pas hésité ! J’ai aussi fait un petit sac pour le voyage avec deux trois bricoles dedans pour m’occuper pendant le trajet. Faut pas croire que je vais vous faire la conversation tout le temps quand même !

Là, je me suis installé dans la voiture et je vérifie une dernière fois que je n’ai rien oublié. Comme les héros dans les films d’actions qui vérifient leurs paquetages, afin d’être toujours prêt à toutes éventualités. Donc j’ai tout ce qu’il me faut, mon lecteur DVD, avec mes DVD préférés. En fait j’ai pris tous les Ages de glace, les Shreks  et des tas d’autres films d’animation et comme maman elle adore les regarder aussi, alors si elle s’ennuie pendant le voyage, elle passera derrière et on se fera une projection rien que nous deux ! J’ai aussi mes écouteurs pour ne pas avoir à supporter la radio en bruit de fond, car pour ce qui est de les entendre jacasser tout le trajet, ça risque pas vu qu’ils ne se parlent plus beaucoup depuis un moment même pour s’engueuler. Et là vraiment au secours, c’est mes premières vacances alors on fait la paix !! J’ai ma gourde de compote, une bouteille d’eau, parce que l’eau c’est bon pour la santé et que vacances ou pas le coca c’est juste le dimanche ! J’ai même pris un bouquin pour faire plaisir à ma maman et moi j’aime bien faire plaisir à ma maman ! Parce qu’elle est super belle ma maman quand elle a les yeux qui pétillent et ses belles dents blanches qui  font comme dans la pub pour un dentifrice avec la petite étoile qui brille sur le côté. Bon là, ma maman, elle s’est installée côté passager et elle branche le GPS !

Et moi je trouve ça un peu bizarre, parce qu’on va chez sa mère et que la route elle la connait normalement vu que c’est là qu’elle a été élevée! Mais Robin non et peut-être qu’elle ne veut  pas qu’ils se prennent la tête pour la route ! C’est bizarre de préférer obéir à une dame que tu ne connais pas qui est dans le GPS qu’à la femme avec qui tu vis! Mais ça c’est le problème des grands et là c’est les vacances et ils ont fait la paix !!

Enfin j’espère !

Moi je la connais même pas la mère à ma mère et ça aussi c’est bizarre… je ne sais pas trop ce qui s’est passé avant que j’arrive mais il y a eu une embrouille avec mon père et c’est pour ça que j’ai jamais connu mon père non plus et pour le coup c’est trop tard car il est au ciel ! Si jamais l’auteure décide de vous raconter l’histoire d’amour entre mon père et ma mère, prévenez-moi !

C’est Robin qui va conduire parce c’est sa voiture et qu’elle est plus grosse que la petite à ma maman qui était juste pour nous deux. Et moi je me suis installé derrière lui comme ça on peut se voir et se parler avec maman.

-T’as mis ta ceinture mon chéri ? T’as pris tout ce qu’il te fallait, t’es sûr ?

-Oui maman !

Robin, en plus d’être le copain de ma mère c’est surtout son manager, c’est lui qui lui trouve du boulot. On habite chez lui depuis la rentrée dernière. Il est sympa mais il n’aime pas jouer avec moi alors il dit qu’il n’a pas le temps mais il est gentil quand même. Après avoir chargé le coffre de la voiture, il s’installe derrière le volant et règle le retro pour qu’on puisse se voir. Je lui trouve un air triste. C’est sûr que ce n’est pas super de partir pour les vacances des autres, ou alors il est triste car ils se boudent.

-Bon on y va mon bonhomme ?

-C’est parti !

Moi ça va, je suis bien installé, par contre devant ils ont l’air un peu tendu. C’est la dame du GPS qui sait où on habite et qui sait où on va, qui donne des ordres même si c’est des rues qu’on connait, au moins ça fait de la conversation !

Comme je vous l’ai dit, c’est la première fois que je pars en vacances. Avec maman, l’été, quand elle ne travaille pas, elle m’emmène au jardin d’acclimatation faire des manèges et voir les  animaux. Elle m’offre une glace ou une barba papa et ensuite on fait la petite balade en bateau avec la photo à la fin.  Même si on ne l’achète jamais, on s’arrête toujours devant pour voir la tête qu’on faisait quand l’appareil c’est déclenché.  On essaye toujours de faire les pires grimaces, ce qui nous amuse beaucoup. C’est pour ça que j’ai demandé un appareil photo pour mon anniversaire, pour faire des photos des bons moments quand je veux. Pour l’instant j’ai pris ma maman le jour où j’ai eu le cadeau, j’ai pris le chat de la voisine qui dormait sur son balcon, j’ai essayé de prendre les pigeons mais comme c’était moche j’ai effacé,  j’ai pris une vue depuis la fenêtre de ma chambre où on voit les toits des autres immeubles avec le spot qui tourne au-dessus de la tour Effel entre deux cheminées, j’ai voulu prendre la concierge mais elle m’a menacé avec son balais si je n’arrêtais pas tout de suite et j’ai pris mes pieds pour rigoler. Ah oui, j’ai aussi commencé une collection de photos de nuages, vous savez, ceux qui ressemblent à des animaux, à une femme qui sourit, à un homme qui joue au foot. C’est mon côté rêveur qui ressort d’après l’auteure. J’aurais dû le prendre avec moi pour le voyage, y aura peut-être des trucs intéressants à photographier, mais bon là c’est trop tard. On verra ça à la pause !

Pour l’instant on est sur le périf et ça bouchonne déjà !

Je regarde les autres conducteurs dans leur voiture. C’est quand même dingue le nombre de personnes qui téléphone alors que même moi je sais que c’est interdit ! On avance doucement mais sûrement jusqu’à l’autoroute où il y a presque autant de monde. Maman tourne la tête de temps en temps pour voir si je vais bien, si je m’endors. J’aurais dû lui dire de s’assoir dernière avec moi, on aurait pu parler de sa mère, de mon père. J’en aurais profité pour lui demander un chien pour la rentrée, rien qu’un tout petit qui fait des petits pipis et des petites crottes de rien du tout. Parce que si j’arrive à convaincre ma mère, elle, elle saura faire plier Robin, comme c’est chez lui qu’on vit ! Y a pas trop le choix ! Mais j’ai toute les vacances pour ça ! Plus on s’éloigne de Paris, plus il y a de forêts, plus on va vite et plus c’est beau ! En arrivant au péage, on passe du côté du gros T orange, ça bipe et du coup on double plein de voitures et je m’amuse à leur tirer la langue, à leur faire des grimaces.

-Sam arrête tes conneries, tu veux ?

Merde il m’a vu faire dans le rétro ! Maman me fait un clin d’œil. Elle est sûrement fier de moi vu que c’est elle qui m’a appris mes plus belles grimaces !

Je sens qu’il va être long le trajet. On ne peut même pas rigoler un peu dans cette voiture !

Je regarde défiler les arbres, les voitures, les camions, les bornes orange d’appel d’urgence, les radars, les aires de repos où tu t’arrêtes juste pour faire pipi en apnée, les aires où tu payes un café aussi cher qu’à Paris et ton plein encore plus cher que nulle part ailleurs sauf dans les autres aires d’autoroute. Je regarde défiler les bandes blanches, les bandes blanches encore les bandes blanches jusqu’à ne plus rien voir du tout ! C’est la voiture en rétrogradant qui me réveille, il est 13h27 au tableau de bord. On longe une ribambelle de camions pour trouver une place où se garer et j’ai une drôle de sensation !

Je ne suis pas persuadé que c’est une bonne idée de s’arrêter là pour manger !

D’accord, on est la seule voiture garée sur le parking au milieu d’une douzaine de camions mais on est garé devant l’entrée !  Alors pourquoi ce malaise ? Bon, les vitres du resto sont tellement sales que l’on devine plus qu’on ne voit la lumière à l’intérieur mais il y a de la lumière ! Alors pourquoi cette appréhension ? Ok, la devanture ressemble plus à un vieux saloon déserté par les cow-boys les plus courageux après un échange de coups de feu  qu’à un Courte-paille de banlieue le samedi soir mais il y a le petit panneau « ouvert » accroché à la potence! Alors pourquoi une petite voix me confirme que ce n’est pas une bonne idée ?  D’accord c’est assez glauque et pas du tout accueillant comme endroit. Alors pourquoi je suis le seul à m’en rendre compte ? Robin, qui n’a pas l’air sensible à l’atmosphère qui se dégage de ce lieu, pousse la porte qui grince. Une cloche retentie bruyamment et tous s’arrêtent une seconde puis reprennent le cours de leurs conversations et de leurs repas !

Apparemment on a le droit de rentrer ! Je ne sais plus si j’ai faim ! Je range en vitesse mon brin de persil  pour éviter un mal entendu, entre ce qui se mange et qui vient manger ! Prudence est mère de sureté d’après une célèbre maxime que j’ignorais jusqu’ici. Merci à l’auteure. Si elle pouvait éviter de nous mettre dans de beaux draps, j’aimerais autant. Surtout que je ne connais pas la fin de mon histoire et pour cause,  mais j’aime bien les happy-End ! Une grande ardoise est accrochée au-dessus de la vieille caisse enregistreuse. Il y est écrit steak haché ou poulet rôti, purée ou frite, café, 7€50. C’est vrai que ce n’est pas cher mais on est loin des 5 fruits et légumes par jour préconisés par le ministère de la santé. Ou alors là c’est 5 patates d’un coup. Pourquoi pas après tout, si je peux mettre un peu de ketchup, moi ça me va ! Je regarde maman qui n’a pas l’air dans son assiette.

-je vous laisse choisir, moi je n’ai pas très faim !

Et elle s’installe à la table près de l’entrée surement pour surveiller la voiture pendant qu’on commande à un espèce de géant vert tout maigre qu’aurait pas vu la lumière du jour depuis belle lurette, les cheveux gominés et une montre gousset pendant de son gilet rayé rouge et noir. Faudrait peut-être lui dire que la mode ça change tous les deux trois ans !

On rejoint maman et on attend d’être servi. Un vieux ventilateur tourne au plafond histoire de remuer un peu la poussière de la pièce. Des maquettes de vieux camions sont posées sur des étagères bancales. Une écharpe d’équipe de foot et fixée au mur mais je n’arrive pas à lire de quelle équipe il s’agit. Avec un peu de chance elle était en division d’honneur avant l’arrivée des allemands en 40. Tout autour de la porte des toilettes, des cartes postales sont punaisées. Elles semblent un peu cuites. Dire qu’il y a quand même des gens qui pensent à cet endroit quand ils sont en vacances, c’est étrange ! J’en profite pour aller les voir de plus prêt en allant faire une pause pipi et me laver les mains. Je n’aurais pas dû m’approcher car c’est surtout des paires de seins qui vous envoient de bons baisers des quatre coins de la France ou des paires de fesses qui se sont faites bronzer sur toutes les plages de la Méditerranée. Finalement c’est assez cohérent qu’elles aient été mises là près des toilettes. A mon retour, je vois au-dessus de la cuisine, la tête empaillée d’un sanglier qui nous surveille avec son regard méchant et ces deux grosses canines qui dépassent. Je me demande qui lui a fait son affaire à lui ! La serveuse qui sait. En tout cas elle nous apporte nos assiettes et une carafe d’eau. Les verres étant déjà mis et les couverts enroulés dans une charmante serviette en papier noir, y a plus qu’à !

-Bon appétit !

-Merci

-Tu peux prendre de mes frites si tu veux !

-Merci mon chéri !

J’attaque mon steak haché en en plongeant de petits bouts dans le ketchup. Hum c’est trop bon ! Robin, lui se bat avec sa cuisse de poulet. Il commence par enlever la peau et la met de côté. Il meurt d’envie de prendre ses doigts pour aller plus vite mais même dans un resto routier sordide, ça ne se fait pas. Je surveille car la purée c’est traitre. Elle a tendance à vouloir sortir de l’assiette sans prévenir et comme je suis en face, je me méfie ! Pendant que maman et moi on picore les frites dans mon assiette, je regarde les autres clients.

Il y a vraiment des gens spéciaux. Celui qui est à coté de nous et qui lit son journal a les bras et le cou recouverts de tatouages colorés en vert et rouge mais ce n’est pas très beau. On dirait un dragon ou un serpent qui se balade sur sa peau. Je n’ose pas trop regarder mais même sur son crâne, il y a des trucs. En plus il est costaud, ça se voir rien qu’à travers son tee-shirt. Oh merde, il a senti que je le regardais. Il fait encore plus peur de face avec son piercing à la narine. Et ces bagues à tête de mort ! Celui-là il ne doit pas écouter du Céline Dion dans son camion, ça c’est sûr !

Y en a un que j’aime bien et que j’ai repéré en entrant c’est le sosie de Johnny Hallyday. Il s’est teint les cheveux en blond et c’est fait un petit bouc. Pour ceux qui ne verraient pas la ressemblance il porte même un tee-shirt Johnny ! Ah que coucou, j’ai envie de lui dire mais il ne va peut-être pas aimer alors je me tais et reprends des frites en évitant de le regarder. Mais maman a tout vu elle aussi et elle se retient de rire. Elle rit avec les yeux car elle sait ce que j’avais envie de dire !

Autrement, à la grande table à gauche, ils ont l’air de tous se connaître ! Des habitués qui font toujours le même trajet et qui se donne rendez-vous pour faire la pause-déjeuner ensemble. Ils travaillent pour le même patron ou pour le même client. Ou alors c’est la seule bonne adresse du coin et ils viennent tous ici depuis longtemps. Ils en profitent pour  parler conditions de travail, syndicats, prix de l’essence. Si ça se trouve, c’est eux les cartes postales. C’est un peu comme une famille puisqu’ils sont loin de la leur. Ils ont tous un peu le même profil, calvitie, moustache et gros ventre !  Sauf le petit à lunettes au milieu, je ne sais pas si c’est son nez qui essaye de rejoindre son menton ou le contraire mais ça lui fait une tête de faucon qui aurait eu une malformation.

Au fond il y a une table de 4, ils parlent étranger. On dirait des évadés de prison tellement ils ont l’air sympathique. Maman m’a toujours dit qu’il ne fallait pas se fier aux apparences mais quand même ils ont des têtes de tueurs à gage russes ces types-là ! Je n’aurais pas de montre, jamais je n’irais leur demander l’heure ! Autan pas savoir à quelle heure on va mourir !

-Un café et l’addition s’il vous plait !

-Tout de suite, Monsieur !

La serveuse, c’est la pire, je crois ! D’un côté si faut être moche pour que les routiers lui foutent la paix, là elle est tranquille. Pas un seul même le tatoué ne se risquerait à lui mettre la main aux fesses et pourtant il y a de la place ! D’un autre côté c’est pas parce qu’elle  ressemble à Josiane Balasko dans Un crime au paradis en plus vieille, plus moche et plus grosse qu’elle n’a pas le droit de travailler ! Et peut-être qu’elle est gentille, qui sait, malgré sa voix de fumeuse de cigarettes roulées qui aurait commencé dès l’adolescence ! Mais bon, on me dirait qu’elle est marié à un ogre et qu’elle mange des petits enfants au goûter que ça ne m’étonnerait pas ! En tout cas elle a déposé le café sans nous brûler, c’est déjà ça !

Robin avale son café sans y mettre de sucre et me tend l’amande au chocolat que la serveuse à mis dans la soucoupe. (Elle est gentille finalement)

-Merci !

Je tire sur le papier d’emballage et l’ouvre puis le gobe et croque dedans. C’est au chocolat noir mais j’aime bien quand même !

-C’est bon on y va ?

-Tu n’as pas besoin de retourner aux petits coins ?

-Non c’est bon, mais tu peux m’ouvrir la voiture en attendant !

 Je viens d’avoir une idée.

Robin commande l’ouverture à distance et pendant qu’il part aux toilettes je sors. Maman me surveille depuis la salle du resto. Faudrait pas partir sans payer, quand même ! Car on n’a pas eu de problèmes jusque-là, alors ne les énervons pas, pitié !

J’ouvre la voiture et regarde dans la boite à gants. Il n’y est pas. Je regarde dans la portière droite, rien. Je regarde dans celle de gauche, toujours pas ! Je soulève l’accoudoir qui se trouve au-dessus  du frein à main. C’est bon il est là. Je le sors. Il est noir. Je le prends délicatement et l’ouvre puis je prends le cd qui est à l’intérieur et le met dans le lecteur. C’est l’album d’Emelie Sandé que j’ai offert avec mes petits sous à ma maman pour la fête des mères ! Elle adore et moi aussi. Je ressors pour m’assoir é à l’arrière de la voiture et je m’attache ! Je ne sais pas si c’est la digestion mais j’ai un sacré coup de barre. Je prends le polaire que l’auteure à gentiment posé sur la plage arrière de la voiture pendant qu’on était parti manger et le roule en boule pour me caler la tête. Je ferme les yeux ! Ah j’adore cette musique. Je m’enfonce doucement et je sens la main de maman qui m’effleure tendrement le visage. Je n’ai pas la force de ré-ouvrir les yeux mais je lui souris dans mon demi-sommeil. Je suis bien et je l’aime. Une seule portière se referme et le moteur ronronne à nouveau. Nous quittons le parking !

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