La Planète des Vélos
patrick-eillum
LA PLANÈTE DES VÉLOS
Ce jour-là, Jinn et Phyllis passaient des vacances merveilleuses sans autre souci que d’en jouir en se laissant griller par les rayons du couchant. Les yeux mi-clos, Jinn ne songeait qu’à son amour pour Phyllis et regardait l’immensité quand soudain, il aperçut un éclair insolite qui se reflétait sur un objet brillant.
“C’est un objet de petite taille, dit-il. Cela semble être une bouteille...”
“Une bouteille, chéri. Elle est scellée. Il y a un objet blanc à l’intérieur... Du papier, un manuscrit sûrement”
Après plusieurs d’entre les femmes et les hommes qui ont été, dès le commencement, témoins oculaires et ministres de la parole, j’ai résolu aussi, moi Patrick, après m’être appliqué à connaître exactement toutes choses depuis l’origine, de t’en écrire le récit suivi.
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Or la naissance du sauveur arriva ainsi. Cristina, sa mère étant fiancée à Abdibn, il se trouva, avant qu’ils eussent habité ensemble, qu’elle avait conçu par la vertu du Saint Esprit. Abdibn, son mari, qui était adavien, ne voulant pas la diffamer, résolut de la renvoyer secrètement. Voici qu’un ange du seigneur lui apparut lors d’une cyclodécouverte, lui disant de ne point craindre ce qui est à naître de Cristina car c’est l’ouvrage du Saint Esprit.
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En ces jours-là fut publié un édit de Jean de Nagy-bocsa le second, empereur de la peuplade des zhoteaux, pour le recensement des cyclistes sur toute la terre. Ce premier dénombrement eut lieu pendant que Quyrinius Hortefeux commandait le pays. Et toutes et tous devaient se faire inventorier chacun dans son quartier. Abdibn monta donc à Ghisallo pour se faire compter avec Cristina, son épouse qui était enceinte.
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Voilà que les astrologues du CAC XL arrivèrent chez le monarque et lui dirent ; " Le libérateur va bientôt voir le jour selon ce qui a été écrit par le prophète, car nous avons vu son étoile.” Alors Jean de Nagy-bocsa le second fut troublé, il entra dans une colère et envoya tuer tous les enfants qui étaient à naître dans les environs de Ghisallo.
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Voici qu'en songe durant son sommeil, Abdibn entendit que Jean de Nagy-bocsa le second & ses sbires les recherchaient lui, son épouse et le libérateur à venir, pour les faire périr. Il se leva la nuit même, prenant Cristina, ils se retirent sur leurs bicyclettes pour rester à Thandem jusqu’à la mort du souverain comme le voulait la prédiction.
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Cristina et Abdibn avaient trouvé refuge dans un parking parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans les gîtes. Or pendant qu’ils étaient en ce lieu, le temps où elle devait enfanter s’accomplit. Elle mit au monde le premier-né, l’enveloppa de langes et le coucha dans une crèche.
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Il y avait aux environs des membres de la tribu des vélorutionnaires qui passaient la nuit aux champs, veillant à la garde de leurs montures. Tout à coup une lumière parut auprès d’eux et le rayonnement les environna, et ils furent saisis d’une grande crainte. Mais une voix leur dit : “Ne craignez point, car je vous annonce une nouvelle qui sera pour tout le peuple une grande joie. Il est né aujourd’hui un sauveur qui vous libérera de la tyrannie des zhoteaux et de leurs serviteurs.”
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Tandis qu’autour du berceau s’étaient rassemblé les parents, les Vélorutionnaires et trois adaviens de passage; Camille, Gibeh et Salmanazar qui avaient apporté des cadeaux connaissant la date précise à laquelle l’étoile était apparue, il y avait aussi un bourricot et un bœuf. Cristina était assise, portant difficilement le nourrisson sur ses genoux. Tous étaient en admiration devant l'Enfant mi-humaine, mi-vélo. Ils savaient que cette centaure des temps nouveaux était venue au monde pour la résurrection d’un grand nombre et qu’elle serait un signe révélant les pensées dans le cœur d’un grand nombre.
Phyllis et Jinn relevèrent ensemble leur tête penchée sur le manuscrit puis se regardèrent un long moment sans prononcer une parole.
“Une belle mystification” dit enfin Jinn, en se forçant un peu pour rire. Phyllis restait rêveuse car elle trouvait à certains passages de l’histoire l’accent de la vérité.
“Cela prouve qu’il y a des poètes partout ; et aussi des farceurs” dit elle.
“Tout à fait d’accord, dit Jinn. Tout le monde sait depuis les travaux de Darwin que nous ne descendons pas des humains. Maintenant il faut rentrer.”
Ils déployèrent leurs roues, tandis que Phyllis ayant chassé un dernier doute de son esprit se poudrait le guidon et la sonnette.
Patrick Eillum
Un évangile revisité de façon interessante, car devenu écolo et plein d'humour!
· Il y a environ 13 ans ·mathieuzeugma