La plupart, pas tous

Au fond d'un jardin, dans la lumière chaude de la fin de l'après-midi, mon amie me parlait de son compagnon, qui avait tellement changé. Colérique, renfermé, ne s'excusant jamais. Ce n'était plus l'homme dont elle était tombée amoureuse il y a des années. Je lui ai répondu que je croyais que ce n'était pas juste lui, que la plupart des hommes en couple étaient ainsi. Avec des bagages qui les lestaient depuis l'enfance et une difficulté à composer avec leurs émotions.

J'ai dit la plupart, pas tous.

Que l'erreur est sans doute de vivre ensemble. Le quotidien enlève toute retenue.  On se répand en se moquant de laisser des traces, des plaies parfois impossibles à panser. Les hommes se taisent quand les femmes demandent. Les femmes parlent quand les hommes n'ont pas envie d'écouter. Et quand les femmes se taisent, les hommes ne le remarquent pas. Et pourtant le silence d'une femme est bien plus dangereux, croyez-moi…

La plupart, pas tous…

S'aimer à distance. Ne pas vivre ensemble. Est-ce la solution ? Cela doit aider mais… Mais me dit mon amie, j'ai quitté un homme avec qui j'étais depuis des années … et nous ne vivions pas ensemble. Raté.

La plupart, pas tous ?

Faudrait se séparer mais comment vivre seule ? Sans les autres, mon amie, comme moi, nous nous sentons incomplètes, fragmentées…  Finirions-nous par vivre ensemble ? L'amitié en cohabitation serait-ce la solution ?

Ou ne sommes-nous pas tombées sur le bon ? Celui qui saura rester en connexion. Qui saura dire juste ce qu'il faut, sans dégouliner. Qui saura écouter pour de vrai. Ensemble en préservant nos jardins secrets. Avec des goûts communs mais aussi chacun ses particularités. Ensemble mais pas tout le temps. L'amour oui mais sans la fusion ! N'en déplaise à Platon*.

Pas tous.

* mythe d'Aristophane dans « le Banquet » de Platon