La pop moléculaire selon Anton Newcombe

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Anton Newcombe… Il paraît qu’à côté de lui, même le tout frais Kim Jong-Eun passe pour un déconneur de premier ordre. Leader incontesté et seul membre permanent du Brian Jonestown Massacre depuis les origines du groupe, au début des années 90, l’Américain ferait presque passer les Lou Reed, Ritchie Blackmore et autres Glen Danzig, dont la réputation n’incite pas franchement à la grande tape sur l’épaule, pour des habitués du camping Paradise.

Qu’il carbure à la vodka, son pêché mignon, ou à la Grinbergen sans alcool (depuis peu), l’homme ne fait aucun compromis, musical ou personnel. Il est aussi bien capable d’engueuler ses musiciens ou son public en plein concert que de pourrir littéralement une interview. Newcombe mène sa barque comme bon lui semble et s’impose comme un interlocuteur aussi imprévisible qu’une partie de roulette russe. Le gendre idéal, en quelques sortes.

Reste le musicien. La seule facette du complexe personnage qui nous intéresse, en définitive. Celui-là possède assez de génie pour séduire un auditoire de premier choix. En deux décennies, le chanteur multi instrumentiste a pondu une série d’albums dont certains font référence, du moins de par leur titre, à quelques classiques de la pop anglo-saxonne : les Beatles avec Who Killed Sgt. Pepper ? il y a deux ans ou encore les Rolling Stones, en 1996, avec Their Satanic Majesties' Second Request.

Des Stones à qui l’on doit d’ailleurs une partie du nom improbable du groupe, Brian Jonestown Massacre étant un néologisme né de la fusion de Brian Jones, l’ex guitariste du combo britannique, et du massacre de Jonestown, suicide collectif religieux survenu en 1978 et ayant entraîné la mort de plus de 900 personnes.

BJM sort aujourd’hui Aufheben, son douzième album. Enregistré à Berlin, dans le nouveau studio de Newcombe ainsi que dans un studio de la célèbre radio de l'ex Allemagne de l'Est, Studio East, le disque possède ce côté glacial qui habitait la célèbre trilogie berlinoise de David Bowie (Low – Heroes – Lodger).

Une production clinique, presque cold wave par endroits, qui se démarque quelque peu de ce que l’on avait pu écouter auparavant (Donovan Said, Infinite Wisdom Tooth/My Last Night In Bed With You, When Jokers Attack…), même si la formule pop psychédélique reste le berceau d’inspiration des Californiens.

Pas de révolution musicale

 A chercher un parallèle, on pourrait imaginer Anton Newcombe dans la peau d’un chef. Si tel était le cas, il brillerait sans doute dans le milieu particulier de la cuisine moléculaire. Il suffit de l’écouter revisiter les Cure période Seventeen Seconds avec un morceau comme Viholliseni Maalla servi en entrée après l’orientale mise en bouche Panic In Babylon.

Toujours coiffé de sa toque, "Anton Marx" propose, plus loin, un Paint It Black complètement déstructuré avec Stairway To the Best Party, le tout pour un résultat des plus torturés, bien que difficilement appréciable au premier abord.

Certains passages ne prennent d’ailleurs jamais vraiment. L’hommage assumé à New Order, Blue Order New Monday, devient, par exemple, rapidement lassant et semble ne jamais se terminer.

L’ensemble est, malgré tout, suffisamment varié pour se laisser apprécier. Le Brian Jonestown Massacre ne bouleverse aucune règle. La révolution musicale n’est à l’ordre du jour de ce nouvel opus. Toutefois, on appréciera chacune des pierres apportées ici à l’édifice pop teinté parfois de new wave (Illuminomi) : la flûte hypnotisante de Face Down On the Moon, l’apathie enjôleuse d’un Gaz Hilarant ou d’I Wanna To Hold Your Other Hand qui contraste avec le génial Seven Kinds of Wonderful où la voix de Newcombe se mêle à celle de la chanteuse germano-finlandaise Elisa Karmasalo.

A sa manière, Newcombe a, une fois encore, relevé le défi et s’en sort plutôt bien. Une considération dont le gaillard se fout évidemment comme de sa première paire d’espadrilles, si tant est qu’il en ait jamais possédé une. En attendant, les premiers retours et le début de la promo du monsieur, on préférera se visionner à nouveau le premier discours télévisé de Kim Jong-Eun. On raconte qu’à un moment, il salue la foule en souriant...

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