La queue du diable.(1)

Pour Betty, la littérature c'est quelque chose d'égocentrique et d'égoïste:

- Quand t'es avec un livre sous la couette, t'es seule avec toi-même à lire les mots d'un autre que tu connais pas... c'est toujours lui qui a raison quoi qu'il advienne ou quoi qu'il arrive, et puis il sait toujours tout avant toi comment tout ça va finir ! Un truc qui pourrait faire 3 pages, il t'en fait trois cents, rien que pour te faire comprendre que c'est lui qui décide et pour combien de temps il va rester dans ton lit ! Si ça c'est pas un égoïste, un égocentrique ou un mal-baisé ?

Betty lit exceptionnellement la nuit pour pas empiéter ses journées d'un quelconque sentiment qui ne lui appartiendrait pas. Ses sentiments ne doivent provenir que de sa propre expérience:

- C'est pas quelqu'un d'autre qui va me dire ce que je ressens ou ce que je dois faire ! Y a que le diable qu'on tire par la queue ! Souviens-toi des Gentianes !

Nous habitions à cette époque une maison pleine de courants d'air, Les Gentianes, une maison où il fallait bien refermer la porte que vous teniez avant qu'une autre ne s'ouvre. Si par mégarde vous oubliiez d'en fermer une, c'était à ne plus comprendre si vous veniez d'en bas ou du grenier et à faire tout le chemin en sens inverse pour savoir exactement la pièce du tout début, celle que vous aviez quitté au départ.

- Ça sert à quoi de savoir d'où tu viens ? Ce qui compte c'est de savoir ou tu vas !

J'allais souvent à la cave. Pour le rosé essentiellement en été, et la chaudière pour en hiver: les grands frimas débitant autant de fuel, que les fortes chaleurs, le pinard.

Je réglais selon mon humeur et l'activité touristique (Betty aime inviter), la puissance des machines. Il faut dire que la quantité de produit à avaler au bord d'une piscine, équivaut à trois couches de pull-over en saison froide dans un salon de montagne: la purge des radiateurs se faisant généralement à l'automne, alors que le relevé de la température d'eau chlorée, au printemps.

- Alors, t'en es où ?

...