La reine du bal

stockholmsyndrom

C'était la reine du bal, a l'époque ou elle en avait encore, des rêves. Ouais, Selena, c'était le genre de fille qui laissait pas indifférent, le genre a faire tirer la langue a tous les ados de son âge et a inspirer aux bons pères de famille qui venaient chercher leur rejeton au lycée des scénarios d'adultère a la Marc Dorcel. Une sorte de poupée, dotée, sans vraiment s'en soucier, de ce pouvoir qu'ont certaines femmes sur l'homme. La pureté de sa peau dorée des cordières, ses formes pulpeuses, comme un fruit a la fleur de l'âge, de ses longs cheveux noirs jusqu'au moindre morceau de chair percé a jour rappelant l'énergie du soleil, tout évoquait chez elle le mot désir. C'était l'écho aux bruits de couloir, le prénom sur toutes les lèvres masculines de la cour et leur rêve quand ils retrouvaient leurs draps le soir. Selena, c'était la fille qu'on ne touchait qu'avec les yeux, celle que tu n'aurais jamais pu oser penser avoir. Le sort est ironique plus souvent qu'on en emploie l'adage, hier encore, un notaire, un employé de la BNP et deux, trois autres habitués a ses prestations s'en sont tirés pour 70euros, émiettant un peu plus les morceaux d'une âme déchirée.

C'était la reine du bal, Selena. Elle aurait peut être du le rester un peu plus longtemps au lieu de dresser son majeur a la face du monde et de tout plaquer, mais peut-on lui en vouloir d'avoir cru en l'amour. Elle aurait peut être du ne jamais croiser son regard, mais ce genre de choses ne se contrôle pas. Il était pas comme les autres, il rêvait d'ailleurs, n'avait peur de rien, il avait ce beau sourire qui lui donnait de la confiance, de l'audace, beaucoup d'audace, de l'assurance et de la fougue, elle se sentait vivante a ses côtés et l'a suivi pour continuer a respirer. Ce soir, sous les lumières de la ville, sur le macadam ou elle s'étale, son souffle est a bout, elle est seule et n'a plus la force pour les S.O.S. Ses bras squelettiques tremblent, sur ses veines et le chantier des coups de pique a son poignet, on peux apercevoir le prénom de son ange, celui qu'on lui a enlevé, celui pour qui elle est restée debout si longtemps. Les phares de voitures en guise de flash, comme un rappel a l'ordre, bat toi, elle part, petit a petit, sous les yeux indifférents de la fourmilière. Elle n'a jamais trop su doser l'amour, elle n'a jamais trop su doser la mort, la bave fait couler son rimmel, ses yeux se perdent. Elle se souvient de ces nuits chaudes et hostiles propres a Bogota, passées a dormir les yeux ouverts sous les bras affaiblis de sa mère biologique, elle se souvient de la phobie de l'obscurité venu hanter le restant de sa vie, elle ne se souvient que de ca, le souvenir d'une vie, sa propre vie. Ses yeux se ferment.

C'était la reine du bal, Selena, et ce soir, elle danse avec la mort.

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