La Terre ou le Feu

- "Te revoilà ?" La Lune toisait ce petit être, allongé dans son minuscule château, qui la fixait, Elle et ses filles. Il avait l'air triste. Abattu. Découragé.

- "Oui... Me revoilà..." Soupira-t-il. "Je ne sais pas à qui m'adresser." Il tapotait le sol froid de son fief, en fixant la Lune bien en face. Son empire était vierge de tout nuage. Elle rayonnait parmi ses filles scintillantes. "Ca revient encore... Je suis fatigué de me battre. J'essaye de me dire que c'est passager. Que c'est parce que la plus belle de tes filles m'a définitivement rejeté... Elle qui brille si fort, si chaudement... Elle qui illuminait mon cœur." Des larmes  vinrent glisser le long de ses joues, alors que de légers spasmes faisaient trembler ses épaules. "J'ai envie de retourner à la Terre. C'est si dur d'accepter de ne pouvoir siéger auprès des astres. Auprès de mon étoile..."

Elle observa en silence les plaintes de cet être si insignifiant qui persistait, malgré tout, à la prendre à parti. Elle. La Lune en personne. Elle ne pouvait cependant nier sa persévérance, sa sincérité et son amour pour sa fille. Elle l'avait vu lui faire la cour, lui plaire, la cajoler, la consoler, la conseiller... L'aimer. Elle avait perçu sa détresse lorsqu'il était venu s'épancher auprès d'elle, alors que sa fille s'était détournée de lui la première fois. Elle aurait presque été touchée s'il avait eu une quelconque importance. Presque...

- "Tu savais à quoi t'attendre en t'amourachant d'elle. Tu ne peux t'en prendre qu'à toi même pour ton sort. Et si tu es si fragile, si ton existence ne peut endurer les volontés d'une étoile, alors soit. Retourne à la Terre. Peut-être y seras-tu plus au chaud." Elle avait tenté de garder un ton impassible et froid, mais le regard que lui renvoyaient les yeux bleus de cette frêle créature réussi, contre toute attente, à l'affecter. "Mais je croyais le cœur ardent que je t'ai vu brandir auprès de ma fille plus résistant que cela."

- "C'est justement la proximité de votre fille qui permettait à mon cœur de s'embraser. Sans elle, il n'est qu'un vulgaire bloc glacé. A peine bon à se lamenter." Il semblait vide.

- "Alors fais le brûler de nouveau. Pour elle ou pour une autre. Ton cœur est capable de flamboyer. Il ne tient qu'à toi de le raviver ou non." Elle espérait, sans trop vouloir se l'avouer, qu'il pencherait du côté du Feu plutôt que de la Terre.

- "Vous avez raison. Il ne tient qu'à moi d'avancer ou de m'arrêter. Je le sais." Il marqua une pause, fixant les astres scintillants. "Mais je ne suis pas sur de vouloir brûler à nouveau."

Il se redressa dans son château ridicule, avant de s'en aller dans les recoins de la nuit que la Lune elle-même ne pouvait éclairer.

TTR.