La tragédie du mot fin
Alexandra Bitouzet
Ton téléphone ne sonne plus, pourtant il ne t'a jamais vraiment appelée. Ton roman n'est pas terminé, mais quand même il s'en approche. 200 000 signes, certains diront, les signes on s'en fout et ils auront raison. Mais quand même, 200 000 signes, ça commence à sentir bon. Le fait est que quelqu'un t'a quittée, quelqu'un de beau, de cher et précieux à ta vie. Le fait est que ce quelqu'un, c'était comme ton pom-pom boy pour terminer ton foutu roman. Le fait est qu'il croyait en toi. Le fait est qu'il n'est plus là. Alors alors alors. Tu ne penses plus qu'à ça. Plus qu'à lui. Quand tu t'endors, quand tu te réveilles, quand tu bouffes, quand tu bosses. Sa tête. Son sourire. Sa voix. Son regard. Tout ça, ça ne te quitte plus. C'est normal on t'a dit, il faut du temps pour oublier. Mais justement, oublier, t'en as surtout pas envie. A force de chialer, tu as découvert quelque chose, ça s'appelle l'amour dans l'adversité. Tu croyais à peine que ça existait. Et pourtant. Et pourtant. T'en as la preuve sous le nez. La mort parfois, ça rapproche les vivants. Il te reste à présent à mettre un gros ruban sur ton cœur, un ruban du style totalement imperméable pour terminer ce que tu as commencé. Pour toi. Pour lui. Dans ta tête, tu le vois, avec ses pompons, t'encourager. Dans ta tête, il est beau, il est grand, comme quand il était vivant, comme dans ta vie d'avant. Tu t'amuses à l'imaginer dans un tutu rose, pour réhabituer tes lèvres à sourire. Ça va revenir doucement, hier déjà ça a commencé. Tu vas bientôt, tu le sais, te remettre à écrire. Avancer dans les signes et en chercher aussi. Il est là, tu le sens, il te regarde faire. Toucher tes cheveux. Essuyer tes yeux. Injurier les cieux. Tu voudrais revenir en arrière. Effacer cette journée. L'emmener voir un docteur. Epargner son cœur. Mais tu ne le peux pas. Il y a des routes qu'on ne peut prendre que dans un sens. Il faut maintenant avancer et écrire ton histoire jusqu'à l'inéluctable mot fin.
Souvent, les nouvelles de rupture, de séparation, c'est mievre. Ca part dans une poésie a deux balles avec des expressions comme "Il pleure dans mon coeur" des trucs comme ca. La non, le contraire meme. Il y a de la vraie émotion, des passages ou je me suis dit "tiens ca ca m'est arrivé, tiens ca aussi", sans non plus trop en faire. Le lien que tu fais entre écrire avec lui, et écrire parce que ca va mieux est intéressant. Un passage magnifique:
· Il y a plus de 10 ans ·"La mort parfois, ça rapproche les vivants. Il te reste à présent à mettre un gros ruban sur ton cœur, un ruban du style totalement imperméable pour terminer ce que tu as commencé. Pour toi. Pour lui. Dans ta tête, tu le vois, avec ses pompons, t'encourager. Dans ta tête, il est beau, il est grand, comme quand il était vivant, comme dans ta vie d'avant. "
En tout cas bravo! j'ai adoré, vraiment!
jasy-santo
Merci Jasy, tu vois, justement là, j'essaye d'écrire, dépasser les 200 000 signes, mais il me faudrait un vivant, un seul de plus... en tout cas, merci !
· Il y a plus de 10 ans ·Alexandra Bitouzet