La vache était folle.

Dans les années 90, lorsque tu sortais de prison, tu montais fastoche une affaire dans le bâtiment : peintre ou décorateur d'intérieur selon tes moyens et ton réseau de connaissances.

Aussi, dans les années 90, si tu avais pour pas de chance continué tes études sans trop savoir quoi faire avec, tu te tournais principalement dans la restauration ou la vente de fringues en coton qui pique. L'être humain préférant bouffer et s'habiller que se nourrir l'esprit ou se le gratter. Ceci est un constat.

« On avait un restaurant qui marchait bien. Un truc pas compliqué, genre boui-boui à bavettes, godet offert si dessert en sus. Avec ma femme, de la ténacité et des bénéfices, j'en ai ouvert un deuxième sans jamais prendre de vacances ni lire un truc ! Pas l'temps ! Levé tous les jours à 6 heures pour aller chercher ma viande, mes salades et mes patates à Rungis ! Quand Marlène à 7 heures elle amenait le gamin chez la nounou, y avait celui du médecin qui par la fenêtre faisait encore ses rots sur les nichons de sa mère, pendant que la bonne elle finissait leurs carreaux  ! Moi avec ma femme, on grattait les patates et on tapait les steaks au billot 7j/7 dès 8 heures, pour ouvrir à midi et fermer à 23 heures ! Tous les jours ! 15 heures sur 24 ! La machine à laver sur le programmateur et le gamin sur la Nintendo ! »

« Je comprends ! Ce devait pas être facile tous les jours ! Tout ce temps à travailler pour nourrir des gens qu'on ne connait pas ! Mais le troisième restaurant, vous l'avez eu comment ? »

« Comme pour l'autre ! Avec les bénéfices du deuxième ! »

« Sans jamais prendre de vacances ni lire un truc ? »

« Sans jamais prendre de vacances ni lire un truc ! »

« Et ainsi de suite ? »

« Et ainsi de suite ! »

« Bon là, avant l'ouverture du sixième, vous comptez faire quoi ? Réfléchir ? »

« Oui, sûrement ! Avec ma femme et la crise, on se pose quand même des questions ! On se dit qu'on devrait peut-être se diversifier ! »

« Dans quoi ? »

« Les moules frites, peut-être ? »

Marc et Marlène ont une voiture pour monter sur les trottoirs exagérément, et une télévision plus grosse que 10 fois la tête à Jean-Pierre Foucault en vrai. Quand on est assis dans leur canapé, on n'ose pas demander où sont les livres ou les toilettes, de peur de déranger qui va gagner des millions.

Pour le 20 ème anniversaire de leur enfant, ils viennent de lui offrir un magasin de click and collect en espérant lui en ouvrir un deuxième très prochainement, ses résultats en foot étant trop moches pour un quelconque avenir dans le milieu sportif.

En attendant, Marc et Marlène comptent visiter la Grèce et le Louvre en interactivité, dixit 'avant que les colonnes ne s'effondrent et que la poussière ne se fasse trop dessus la chatte à Courbet '.

Avec Betty, on ne fait pas mieux. Juste un peu plus de botox sur nos lèvres pour ne pas les voir tomber.

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