La vengeance de La chouette (3)

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3. Je vous avais promis de faire le point sur la soirée… Je me délecte à l’avance de vous la conter.

Monsieur est arrivé aux alentours de 19h. Comme à son habitude, il a salué à la cantonade. Aucune réponse en guise d’écho, il est surpris, les enfants lui sautent dans les bras d’habitude. Pas âme qui vive à l’horizon, à l’exception du chien qui se frotte contre le bas de son pantalon. Après avoir déposé son inséparable ordinateur portable, il se met en quête de sa chère épouse. Je l’attends de pieds fermes. Cachée dans la chambre à coucher, je lui ai organisé une soirée exquise. J’ai disposé des bougies tout autour du lit, seules sources de lumière, elles créent une ambiance douce et enchanteresse. Elles ont été disposées dans des verres de couleur rouge passion, rouge enfer. Lucifer n’est pas loin, il veille, tapi dans l’obscurité, sur les derniers préparatifs. Les draps ont été changés pour une parure en satin pourpre.

Le cœur battant, j’entends ses pas dans le couloir qui mènent à notre chambre. Mon pouls s’accélère, je suis prête, notre histoire tient entre mes mains, je suis aux manettes, à moi de jouer. Ca y est, il ouvre la porte et me découvre.  

J’ai revêtu une nouvelle tenue sexy. Il est bluffé, bustier méga cintré, mettant en valeur mes attributs, dim ups noirs, talons cigognes, vous imaginez La chouette en tenue pin-up… ? Ce soir pas de dîner, seule La chouette est à croquer, mais à ma sauce et c’est là que ça va se corser. Je prends la main et dirige les opérations, monsieur sous le charme se laisse guider, sans se douter, le sourire au bout des lèvres. Je lui propose un petit jeu. Il s’allonge sur le lit confortablement, entre deux baisers, je lui hôte sa chemisette, dégrafe son pantalon en peu de temps, nu comme un vers, il tente d’accélérer le mouvement. Je lui rappelle que je suis le maître du temps et la seule habilitée pour prendre la direction de la soirée. Il obtempère et croise ses bras sous sa tête, en position d’attente. Je m’empresse de l’installer à ma façon : les mains attachées par des menottes aux barreaux du lit.    

Sur la musique de Hot stuff de Donna Summer, je lui offre un streap-tease. Spectateur attentif, j’observe chez lui, avec satisfaction, les premiers signes de l’envie. Je continue, mais je m’approche de lui, le frôle, debout au dessus de lui, je me trémousse au rythme de la chanson. Avec un rouge à lèvre je lui dessine un cœur sur son torse, du côté gauche.   

Les dernières notes de musique, le silence retombe dans la chambre.

« Viens me rejoindre, chérie. »

Chérie a d’autres plans en tête. Je sors de dessous mon oreiller, un révolver, une antiquité, mais qui fonctionne encore. Monsieur écarquille les yeux, ne prononce aucun mot. Avec le canon de l’arme, je dessine les contours de son corps en n’oubliant aucune de ses courbes. Puis, je me lève, le dominant, je le braque. Je vise le cœur. 

Il croit que je bluff et que la menace fait partie de la mise en scène. Il a toujours son sourire qui illumine le visage, je le fais rire, mais pas pour longtemps. Je choisis ce moment pour tirer en l’air. Il devient blême.

« Mais t’es complètement folle. Qu’est-ce que t’as fait ? Tu as abimé le plafond. »

Le plâtre n’a pas aimé lui aussi, un gros bout s’est décollé et est venu s’effondrer au pied du lit. 

« Détache moi ! Je ne joues plus, t’es pas marrante là ! »

Qui a dit que je voulais être comique ce soir… Qu’est-ce qu’il a à beugler ? Il voulait du thriller, monsieur est servi. Il a frissonné… et ce n’est pas fini.

Il se tortille dans tous les sens en tentant vainement de briser les menottes. Pour du made in China, elles sont robustes et ne bougent pas. Je me suis assise sur le voltaire, en face de lui et je l’observe. Le sourire a changé de visage, il est posé sur le mien dorénavant. Après s’être énervé, abimé les poignets à force de tirer. Il attend, nu, il a peur.

« Merde, tu joues à quoi là ? »

Lentement, je sors les deux premières parties de la nouvelle que j’ai écrites la nuit précédente : La vengeance de La chouette. Je les lui lis. Plus les lignes défilent, plus il se décompose.

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