La vérité (2)

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2. L’inconnue porte sur elle l’équivalant d’au moins six mois du salaire de l’étudiante. Elle brille sous les ors avec élégance. Un sac Chanel, une paire de lunettes de soleil de la même marque posée sur la table basse, un tailleur vraisemblablement de grand couturier, elle se lève lentement et tend une main gantée à Manon. Elle ne donne pas l’impression d’être pressée d’engager la conversation, elle détaille l’étudiante de la tête au pied. Elle la jauge sans montrer la sentence. D’un signe de la main, elle lui désigne un fauteuil de l’autre côté de la table. Un serveur s’est approché et verse du thé dans la tasse de Manon. Des macarons multicolores l’accompagnent.

La femme a trente cinq ans, si les calculs de Manon sont exacts. Sa façon de se vêtir et de se maquiller la vieillit.

« Je n’arrive toujours pas à croire que vous ayez réussi à retrouver ma trace. »

Manon lui sourit, elle est assez fière d’elle en effet. Trois années de recherche obstinées ont porté leurs fruits. Elle va bientôt savoir, mettre enfin une réponse face à la question qu’elle se pose depuis toujours : « Pourquoi ? » Même si elle ne comprend pas le vouvoiement employé, elle est tellement soulagée que le silence ce soit brisé, qu’elle n’y accorde que peu d’importance.    

« Pour pouvoir aller de l’avant, me construire avec des bases solides, j’ai besoin de comprendre… Qui est le plus à même de m’expliquer, sinon vous ? »

Dans le trajet qui la séparait de Cannes, elle s’est entrainée à la manière d’engager la conversation. Elle a répété toutes sortes de scénarii, bien évidemment, maintenant qu’elle est à côté d’elle ce sont d’autres mots qui sortent de sa bouche. Son cœur a pris le dessus. Elle l’a assez malmené depuis toutes ces années, il s’enfuit de sa prison et dicte en solo la partition.

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