La vérité sur le téléphone rose.

Tout commence par une grosse galère financière. A 22 ans, un bac littéraire en poche et deux années d’études à la fac en « arts du spectacle », trouver un emploi correct ressemble à la quête du Saint Graal. Les fins de mois se font de plus en plus difficiles et après un nombre de CV incalculable, envoyés sans réponse favorable, je me décourage peu à peu.

Et puis germe l’idée du téléphone rose. Oui après tout pourquoi pas ; je n’ai jamais eu trop de tabous en ce qui concerne la sexualité, ce qui me facilitera la tâche, et les propositions sur internet, pour ce type de poste ne manquent pas . J’envoie quelques mails indiquant que je suis intéressée et demandant plus de renseignements. Le premier à me répondre est un homme. Il me demande mon numéro de téléphone pour un test d’élocution. J’hésite un instant et répond en donnant mes coordonnées.

Deux jours plus tard, 10h du matin, mon portable sonne. C’est l’homme avec qui j’ai pris contact. Il me fait un petit topo sur le métier d’hôtesse téléphone rose et me demande si je suis prête à passer le test d’élocution. Je n’en ai pas vraiment envie, mais je pense à l’argent dont j’ai besoin. Allez hop c’est parti, je me lance.

Lui : Dis-moi comment tu es habillée là ?

Moi : Je suis en débardeur et en shorty. Et toi tu es comment ?

Lui : Et bien, écoute moi je suis au bureau là, je commence à me caresser et j’aimerais bien que tu viennes t’occuper de moi.

Moi : Ah oui ? Alors imagine moi m’agenouiller devant toi. Je défais ta braguette et baisse ton boxer… Hum… elle est grosse ta queue…

Lui : Oh oui, je veux que tu la mettes dans ta bouche.

Bref je vous passe le reste. Ça n’a pas duré longtemps, en moins de 10 minutes il avait pris son pied.

Avant de raccrocher il m’a informé que je serai surement engagée, mais qu’il avait quand même d’autres personnes à contacter avant.

Après cet entretien téléphonique je ne me sens pas très bien, limite nauséeuse. Et c’est pire quand trois jours plus tard je n’ai toujours pas été recontactée. J’ai comme le sentiment que je me suis bien fait avoir… L’homme n’était qu’un gros pervers qui prend son pied en abusant de fille comme moi. Sentiment qui est confirmé lorsque je reçois un nouveau coup de téléphone. C’est de nouveau cet homme. Il feint de ne pas se souvenir de notre entretien téléphonique et me demande de refaire une soi-disant simulation. Je refuse, il ne me la refera pas une seconde fois.

La deuxième personne qui me contacte est une femme, ce qui me met davantage en confiance. Elle est très sympathique. Elle m’indique tout ce que je dois savoir et nous nous mettons d’accord sur un pseudonyme et j’enregistre une annonce. Je me créée un personnage très loin de ce que je suis. Pour ceux qui m’appelleront  je serai Malika, grande brune aux yeux noirs, alors que dans la réalité, je suis une petite blonde aux yeux bleus. Sur son site ma patronne met une photo de moi… enfin de mon personnage. Les hommes qui vont m’appeler s’imagineront qu’il y a une bombe à l’autre bout du fil. Bon je ne suis pas moche, mais je ne suis pas aussi jolie que la femme sur la photo. D’ailleurs je pense qu’il faut être naïf pour croire que les hôtesses sont toutes  des canons. Elles sont femmes au foyer ou étudiantes et je pense que dans la majorité des cas, elles ne font pas ça pour le plaisir. Personnellement je n’ai jamais pris mon pied.

Le grand soir arrive et je suis un peu stressée. J’ai peur de ne pas assurer. Je sursaute lorsque le téléphone sonne. Premier client c’est parti, je prends ma voix de chaudasse et ça marche.  Je n’ai quasiment pas de répit, surement parce que je suis nouvelle. Les appels s’enchainent, il n’est pas toujours évident de les garder au téléphone, car oui, le but c’est bien ça…  Il faut que je fasse tout pour qu’ils restent avec moi le plus longtemps possible pour gagner le plus d’argent possible. Et puis je tombe sur un premier cas, un mec qui veut que je me mette de la moutarde dans la chatte, de la cire sur les tétons ... Bon, je m’étais préparée à avoir des gens qui ont des pratiques peu ordinaires, mais là… Je rentre quand même dans son jeu bien qu’au fond de moi cela me rende malade. 4h du matin, je raccroche. Bien que je sois épuisée je n’arrive pas à trouver le sommeil, toutes ces choses que j’ai dites… ce n’est tellement pas moi.

Au bout d’une semaine je commence à regretter de m’être lancée là-dedans. Premièrement cela n’est pas rentable. Par exemple hier après-midi, j’étais prévue sur le créneau horaire 14h- 18h ce qui veut dire que j’ai dû rester chez moi, dispo à côté du téléphone pendant 4h pour au final n’avoir fait qu’une heure de communication. Sachant que je suis payée 7€ de l’heure parlée… en une après-midi je n’ai gagné que 7€…  Et puis on pourrait penser que ce métier est à la portée de tous, mais en réalité pas du tout. Il faut faire preuve d’imagination, oh oui, pour garder certains clients il faut vraiment être imaginative, sans oublier qu’il faut avoir les idées larges sur le plan sexuel.   Mon discours est rodé : « Bonsoir, comment tu t’appelles ? Tu es comment physiquement ?  Parle-moi un peu de toi de ce que tu aimes. Tu as envie de quoi ce soir ? Oh j’ai juste mon string sur moi… et bla, bla, bla. »

 Lorsque je fais croire que je me caresse et qu’on me demande d’écouter, je tapote ma cuisse (oui le bruit est très proche).  Je simule très bien et ils y croient…  D’ailleurs mon copain en a un peu marre de m’entre crier « oh oui Pierre, oh oui Eric, oh oui Stéphane ». Mais des fois il m’arrive de manquer d’inspiration, comme une nuit, où mon client voulait que je me claque la cuisse et bien je n’ai pas trouvé d’autre solution pour le garder au téléphone que de me frapper vraiment. Il me disait plus fort plus fort. A 3 heures du matin ça réveille. I y a aussi ce poids sur ma conscience, ce que je dis parfois pour garder une personne au bout du téléphone, des mots et des paroles allant à l’encontre de mes principes. Certains hommes veulent que je les insulte, que je leur dise qu’ils ont une petite queue, d’autres m’humilient, me traitent de tous les noms.  Comme je l’ai dit j’ai toujours été assez ouverte, mais il y a des limites. Une fois un homme m’a appelée, ce qui va suivre risque de choquer certaines personnes… Il a commencé à me dire qu’il voulait sodomiser ma mère… mais il ne s’est pas arrêté  là, après, il voulait que je suce sa queue pleine de m…

 N’oublions pas ceux, adeptes de chair fraiche et jeune, les pires…  Une fois j’ai raccroché au nez d’un client, écœurée par ce qu’il commençait à me raconter et quand j’ai expliqué la conversation à ma patronne, elle m’a dit qu’il ne fallait  surtout pas raccrocher, que c’était un bon client et qu’il fallait juste lui dire de ne pas parler d’âge sur le réseau. Que ne ferait-on pas pour s’enrichir ?

Alors au bout d’un mois, épuisée mentalement et ne supportant plus de cautionner tous ces fous je décide d’arrêter.

 Oui, j’admets que certaines personnes ne sont pas désagréables, au contraire, ils discutent, sont respectueux, mais malheureusement ils sont trop peu. Non je ne peux pas continuer à faire ce genre de chose, plus jamais…  J’ai besoin d’argent oui, mais pas au prix de ma conscience.