La vie est un electrocardiogramme. (partie 1)

stockholmsyndrom

Voila a peine un jour que je venais de m'installer. Non sans mal, il eu fallu convaincre la propriétaire des lieux que je n'étais pas un vagabond ou quelque chose de ce genre. Une énorme femme d'a peu prés une soixantaine d'années et le double en kilos (je ne me souviens pas avoir vu un tel derrière de ma vie, ni dans la rue, ni en feuilletant le Guinness book des records, un truc incroyable, vraiment)  répondant au nom de Mme Baumont, les seules traces de chaleur humaine décelables sur son visage résidant dans les gouttes de transpiration dégoulinant sur ses tempes, l'œil méfiant et une assurance certaine, que je pouvais entendre a son timbre de voix si strident, incroyablement fort et aigue, très particulier.  C'est l'argent sale qui me restait qui m'a sauvé la vie, comme une preuve attestant que, malgré ma barbe de plusieurs jours, mes habits délabrés, mon sac de sport sur le dos (tel un escargot portant la tous ses biens) et ma grosse somme en liquide provocant un échange courtois entre la taulière et moi, j'étais peut être un gosse de bonne famille, ou, tout simplement, parce que les gens aussi se vendent et s'achètent. Il m'eut fallu sortir une avance de trois mois pour le loyer pour que son facies antipathique s'illumine et m'adopte. J'étais tout d'un coup un jeune homme poli et présentable, juste bohème et rêveur. Je présume que c'est ce que j'étais, au fond..

La piaule était misérable, un clapier situé au troisième étage de la bâtisse. La pièce principale accueillait a peine le jour de par une petite fenêtre donnant sur l'arrière de l'immeuble délabré. C'était plutôt drôle, comme situation, j'étais aussi parti aux oubliettes pour un bon nombre de gens. Pour horizon, le parking de la résidence ou les énormes cylindres fumant au loin de la zone industrielle de cette ville aussi accueillante qu'une agence de n'importe quel pôle emploie dégoulinant de misère de ce pays, au choix. Un clapier au troisieme étage similaire a tous les clapiers enfouis dans cette ville, un clapier parmi tant d'autres, sur qui les nuages grisâtres gorgés de pluie de la fin d'un hiver bien trop long veillaient. Il y avait le strict minimum, un kit de survie cloisonné. En ouvrant la porte d'entrée, on tombait sur « la pièce a vivre », « la pièce principale », appelez ca comme vous voulez, avec un lit sur la droite. Sur le mur en face de la porte, un bureau devant LA fenêtre, et une commode en fin de vie, poussiéreuse, tout comme Mme Baumont et le plancher. A gauche de l'entrée, une cloison. Derrière, le minuscule coin cuisine qu'il fallait traverser pour se laver ou bien faire ses besoins, idéal pour marier les saveurs. La, pas de vitres, le trou noir. Seules les peintures avaient l'air neuves, malgré le plâtre grossier et bosselé. On pouvait a peu prés arriver a cette conclusion a l'œil nu, quoi que, c'était surtout l'odeur de peinture fraiche qui mettait la puce a l'oreille.

Moi, ca me convenais amplement. J'avais enfin un abri pas cher, un coin d'intimité, un port d'attache. J'avais envie de me poser, en attendant. En attendant quoi, ca, c'était une question sans réponse, mon existence n'avait pas de but précis, juste une impression floue que mon intuition me mènerai a découvrir le pourquoi du comment que j'étais, ne jamais se projeter, c'est effrayant, je n'étais pas la masse dominante et c'était ca qui me plaisais probablement, le sens inverse, lever mon doigt devant la photocopieuse universelle, ce genre de trucs. Toujours est-il que j'avais besoin de me poser une certaine période, d'âpres mon intuition, la vie de nomade est épuisante et les oiseaux y laissent des plumes. Il allait donc falloir trouver du boulot néanmoins pour pouvoir subvenir aux caprices de madame intuition et pouvoir rester dans ce palace de prolétaire.

La première fois que j'y suis rentré, la pièce était noire et l'odeur de renfermé se battait en duel avec celle de la peinture. J'ai allumé la lumière et je me suis laissé tomber d'épuisement sur le lit, je n'ai même pas fait le tour du propriétaire, des murs, du toit, du sol, qu'est ce qu'on en a à foutre après tout. Je me suis réveillé une heure plus tard. Je me suis dirigé vers la fenêtre pour me griller une clope, aérer et laisser rentrer le jour. Je fus surpris de voir que la fenêtre était munie d'un volet roulant électrique, seule avancée technologique notable dans ce début de texte, effectivement. Je fus doublement surpris quelques secondes après, après avoir appuyé sur le bouton pour faire monter ce même volet roulant. Un truc incroyable s'est produit : des milliers de mouches que j‘importunais sortaient d'une fente du caisson dans lequel s'enroulait et se rangeait le volet roulant et venaient se coller contre la vitre. Des milliers de mouches vaseuses, dans les choux, tombant de là dedans ! Bordel, on se serait cru dans un Hitchcock, « l'invasion des mouches », suffisait d'ajouter l'une de ces fameuses musiques angoissantes au moment et t'y étais, dans ton  Hitchcock. Elles avaient l'air paniquées, elles avaient l'air de me supplier de les laisser rentrer, enfin, je le supposais, d'après leur comportement, car je ne parle pas le mouche. Elles venaient certainement la à l' abri, luttant contre le froid violent de l'hiver, elles venaient juste la pour mourir pour les plus faibles ou espèrent ne pas se faire terrasser par l'hiver pour les plus téméraires. J'ai regardé le spectacle avec pitié et je me suis dis, finalement, ce caisson, il est a l'image de la ville ou il trône, et ces mouches condamnées a la survie, il en grouillait des similaires partout, sur les trottoirs, dans les rues, dans les clapiers, partout dans la cité. C'est l'effet du manque de nicotine qui m'a fait ouvrir la vitre. Quand je l'ai fait, les mouches tombaient sur le plancher, se collaient au plafond, dégueulasse. J'ai laissé la fenêtre ouverte et je suis reparti me coucher, dans le froid, épuisé.

 

Je me suis réveillé le lendemain, j'ai balayé les cadavres, fermé la fenêtre et le volet. J'ai ouvert mon sac, enfilé mon jeans et un pull, mis mes chaussures et je suis parti visiter le quartier. Il était 12h. Quand je suis revenu a 18h, j'ai ouvert le volet roulant et la, le choc. Musique Hitchcockienne, j'en voyais tomber par troupeaux, incroyable, saloperie ! Ellesétaient revenues, et toutes aussi nombreuses! Je n'étais pas décidé a partager mon logis avec des mange merde, ca non ! Ca n'allait pas se passer comme ca, ca me répugnait ! Je décidai de pousser une gueulante des le lendemain.

Le lendemain donc, je descendis furieux vers l'accueil voir la patronne pour lui expliquer les faits. A peine j'entamais les escaliers que je l'entendais déjà piailler, gueuler et rire avec sa voix insupportable. Putain ca va chier tu vas voir la grosse !! Vert comme Hulk, de plus en plus violet a chaque son sortant de sa bouche pour poignarder mes oreilles, et d'un pas décidé, je m'engageais droit dans sa direction. Elle était en compagnie d'une autre vieille, une amie certainement, toute recroquevillée sur elle-même, portant des binocles, un genre de rat de bibliothèque comme on dis, riant a toutes les âneries grotesques que lui racontait Mme Baumont, améliorant encore plus la cacophonie générale. Du même calibre ces deux la, incompatibles avec mon système nerveux. Seule opposée, la corpulence. Si seulement j'avais une hache, ooooh, si seulement j'avais une hache, je me répétais ! Je pouvais la visualiser maintenant cette hache, des flashs tachetés de rouge entreposées avec mon champs de vision… j'ai commencé a me demander si je virais pas dans la psychose, puis, dans un bref moment de lucidité qui a suivi l'instant ou je me suis inquiété moi-même pour moi, j'ai bifurquer dans un couloir avant que les deux vieilles ne me voient pour reprendre mes esprits. Ce n'était pas le moment, après a peine une journée passée ici de me faire virer alors j'ai mordu mon poing, un prothésiste dentaire aurait pu y reproduire ma mâchoire et mes crocs sans problème rien qu'en se basant dessus. Je vous l'ai dis, je m'inquiète souvent pour moi-même. Une fois mes esprits retrouvés, j'ai poussé un soufflement, comme pour me donner du courage, et j'ai redémarré, tout en collant un sourire faux cul sur mon facies et une dégaine de « ah tiens ca tombe bien j'passais par la par hasard » sur ma démarche. Je suis arrivé devant elles, poli, courtois, de bonne famille, enfin, tout juste comment elle me voyait depuis que Mme Baumont  avait reniflé mes poches, et je leurs ai expliqué mon problème, calmement.  La patronne, intriguée ou de mauvaise fois, mais surtout en ne me faisant attention qu'à moitié, me dis qu'elle allait venir voir ca d'ici un quart d'heure, bref échange, et repris sa conversation de plus belle. J'ai dis ok, et je suis remonté. J'ai attendu patiemment, en me posant des questions sur moi-même pour qui je m'inquiétais, c'était d'ailleurs inquiétant de s'inquiéter mais je vous l'ai déjà dis. J'attendis a peu prés 20minutes, essayant de me psychanalyser, en vain, puis Mme Baumont est arrivée avec son amie, armée d'un tue mouche… mon dieu, quelle équipe de bras cassés. Elle l'avait dans la main le tue mouche, mais des mouches, elle s'en contrefoutait. Elle était la, a dandiner son gros cul de gauche a droite, a faire visiter son invitée, se vantant sur son coup de poigné qui, a l'écouter, semblait proche de la perfection, se vantant sur son œuvre dont les murs peints d'un jaune dégueulasse, un jaune foncé proche de la couleur d'un poumon encrassé ou d'un foie d'alcoolique, un jaune gerbe, étaient sensés attester qu'il existait en ce vulgaire badigeonnage un soupçon de talent. Et sa copine, ébahi, les yeux en l'air, gobe mouche, waaaaaoooooooouuuuuh….

Aaaaaaaaargggh !!!!!!!! J'étais en train de bouillir sur place !! Je voyais déjà les gros titres des journaux dans tous les kiosques de demain : « deux sexagénaires retrouvées mortes, gisant au sol entre les mouches et les excréments de ces dernières. »

Mouches !

Mouches !

MOUches !

MOUCHES !!!

MOUCHES !!!!!!!!!!!

Ca me rendait fou ! Elles étaient dos a moi et se dirigeaient vers la cuisine maintenant et je rêvais d'une pelle entre mes mains, tant pis s'il faut couper Mme Baumont en 12 et faire autant d'aller-retour jusqu'au canal ! Je ne m'inquiétais plus pour moi mais pour elles désormais.

Quand Mme Baumont eut le devant dans la cuisine et le derrière dans la salle ou je me trouvais, j'ai poussé un cri inquiétant. Les deux femmes se sont retournées, surprises. J'ai alors simulé une ridicule blessure, comme un coup que je venais de me prendre, pour maquiller mon énervement, juste le temps de me tenir le genou et de faire une grimace. Un reflexe théâtral un peu suspect mais qui néanmoins eut le mérite d'attirer l'attention. J'ai alors enchainé en prenant une voix plus douce : « et pour les mouches ? ». Baumont s'est figée quelques secondes et a dit : « …ah…oui…. Les mouches… allons voir ca. » Elle s'est approchée avec sa bombe anti machin qui vole et chie partout. Des milliers de mouches étaient bloquées entre la fenêtre et le volet roulant. Son amie était derrière, a meugler des cris d'effroi. « Sois prudente ! » qu'elle a dit, je rêve. Mme Baumont a entre ouvert et a pshité, tout en poussant des cris d'hystérique et en sursautant comme les femmes font quand elles voient une araignée, un lézard (car oui, malgré tout, c'était une femme), son amie faisant de même. J'avais pitié. Elle a rapidement fermer tout ca avant de risquer l'infarctus. Les mouches, elles, s'étaient multipliées, surexcitées. Elles fonçaient, se tapant contre la fenêtre, on en entendait même le bruit, bim ! bam ! Pitié. Je n'étais même plus énervé. J'étais blasé.

Elles étaient les deux a frissonner sur ce qui venait de passer. A l'écouter, on aurait dis que Mme Baumont revenait d'une embuscade en plein VietNam. Moi, je ne disais rien, j'avais laissé tomber. Au bout de 5minutes, elles ont surement due s'en apercevoir et la propriétaire m'a dit : « Bon, je vais tout de suite appeler un menuisier pour qu'il cache le jour qu'il y a dans le caisson. ». Pas con, je n'y avais même pas pensé. Ca, ca m'a remonté le moral. J'ai du coup accepté la causette. « Et quel est le prénom de ce jeune et beau jeune homme ? » a dit l'amie de Mme Baumont. « Pierre, Madame. » j'ai répondu. On a un peu discuté, c'était barbant. Des trucs de vieux je suppose, je ne me souviens plus. Et de fil en aiguille, on en est arrivés a ma situation : « Pauvre garcon, il est plein de motivations et il trouve pas de travail, alors qu'il y a tant de profiteurs et d'étrangers qui pillent le pays. Ah elle est belle la France ! » a lancé Mme Baumont, je l'avais a la bonne. C'est la que son amie a commencer a parler de sa nièce, décoratrice d'intérieur, cherchant du personnel. Elle m'a donné son adresse, en me certifiant qu'elle allait lui parler de moi, puis elles m'ont saluées et m'ont laisser tranquille, le moral au beau fixe. En moins d'une heure, j'avais trouvé une solution pour ces sales mouches et peut être aussi pour ce qui était question de trouver un job. Ma nouvelle vie était en train de s'éclaircir. Finalement, j'avais bien fait de pas les assassiner a ces deux vieilles.

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