La vie rêvée de Mathilde
terrierdeloutre
Mathilde, (très)diplômée en com, cherche du travail.
Elle envoie, pour une petite fortune, cinq cent C.V entre janvier et mars et obtient vingt-sept réponses à ses candidatures. Elle décroche trois entretiens : 1er mars, 8 avril et 7 juillet.
Le dernier lui coûte une paire de chaussures car elle doit rejoindre à pieds la bouche de métro après l' agression d'un chauffeur et l'arrêt complet des bus. Les ballerines de Mathilde rendent l'âme sur la chaussée.
A la fin de chacun des entretiens on la remercie pour sa réactivité, son énergie, et sa compétence avérée pour le poste et on promet de la rappeler très vite....
Les pluies de l'automne battent le pavé et les économies de Mathilde ont fondu.
Il lui reste de quoi payer un carnet de tickets de bus et son abonnement de portable. Elle a des pâtes et du riz en réserve.
Elle a toujours fait exactement comme il fallait faire. Elle décide qu'elle va faire autrement.
En face de son appartement, il y a un local à louer. Elle appelle l'agence, obtient le téléphone du propriétaire et le convainc de lui louer trois mois gratuitement ce réduit avec vitrine. A midi elle a les clés. A seize heures, elle est prête et trône derrière son bureau. C'est simple, on dirait qu'elle a toujours été là !
« Je communique pour vous » s'occupe de tout : lettres d'amour, promesses de mariage, faux documents, attestations bidons, réclamations aux impôts, à la CAF ou à l'URSSAF. Mathilde a le sens du service. Elle est efficace. On vient de loin pour ses services. On la paie bien.
Mathilde est heureuse la journée. Ça la rend belle.
Elle a rendez-vous tout à l'heure avec un jeune homme qui rougit quand il la croise.
Mais la nuit elle rêve qu'elle poignarde une femme appelée France dans le dos, entre les omoplates. La femme gémit et s'écroule. Mathilde a les mains pleines de sang. Ça la réveille en sursaut.
Elle a juste fait comme elle pouvait pour vivre.
Elle décide de vivre maintenant pour défendre cette France là.