la vitrine du marchand de couleurs

Eric Laffaille

La vitrine du marchand de couleurs

A cette époque on avait pour habitude d’appeler le quincailler qui se trouvait au pied de notre immeuble, le marchand de couleurs. Avec le recul je me dis que c’était un bien joli nom incitant au rêve, un peu comme une fenêtre qui s’ouvrait sur le monde merveilleux d’Alice. Je pense que cette dénomination provenait du fait qu’il vendait du papier peint et de la peinture. On trouvait de tout dans ce petit magasin, de l’outillage, des produits divers et variés, de la lessive, mais ce qui m’intéressait par dessus tout du haut de mes 5 ans c’étaient les jouets, des petits soldats, en plomb d’abord qui furent remplacés par des troupes en plastique au début des années 60, également des petites voitures, Dinky toys auxquelles succédèrent des Norev. No rêve … le début du tout plastique, l’ère pétrolière plus d’une décennie avant le premier choc… l’industrialisation…le tout début de la mondialisation…

Chaque année à partir de fin novembre je surveillais attentivement la vitrine de cette boutique.

Le couple qui tenait cette échoppe avait pour habitude de la décorer pour les fêtes de fin d’année. Il ne s’agissait pas de n’importe quelle décoration avec des guirlandes, ou des faux cadeaux, voire une crèche ou un père noël, non ! L’objet de toutes mes convoitises était un train électrique, comme on disait alors. Pour être plus exact, il s’agissait d’un réseau ferré miniature.

D’abord il fallait que la vitrien soit vidée; ça c’était le signal ! Avec un peu de chance et beaucoup d’assiduité on pouvait observer le marchand de couleur réaliser cette impressionnante installation ! En premier il déposait un papier de couleur marron qui servait de fond de décor, à la fois montagne et sol. Puis venaient les rails, les courbes, les droites, les aiguillages, les croisements, les butoirs. Ensuite venait la signalisation, les feux, et oh miracle, quand le feu passait au rouge ,le train s’arrêtait ! il y avait la gare avec des voyageurs et..la gare des marchandises. Mais aussi des routes avec des voitures, des camions… un tunnel, pour moi c’était une merveille !

Maintenant quand je repasse devant cet immeuble où j’ai vécu ma jeunesse, je vois une boite d’intérim à la place, c’est bien moins poétique… La devanture est petite mais dans ma tête ce train, lui, est resté immense !

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