L’accordéon de Léon
Hervé Lénervé
Un jour je reçus une demande dans ma boite à courriel.
« Besoin de vos services rapidement ! Je vous attends à toute heure ! Venez vite ! :o) » Suivait l'adresse et le code de l'immeuble. Super, c'était mon premier appel d'au secours, d'autres suivrait à n'en pas douter. Je me rendis donc, urgemment à l'endroit indiqué. Le code pianoté, l'interphone orgué, une voix mélodieuse de femme résonna. « Montez vite, vite ! »
Je montais aussi vite que je pus en courant en rond dans l'ascenseur. La porte palière s'ouvrit sur une magnifique jeune femme drapée dans une ample djellaba. Elle n'était pas typée maghrébine, mais plutôt omelette norvégienne, cheveux fins et blonds, yeux bleu, peau opale, bref, la panoplie totale de la femme fatale. Je tombais intensément sous le charme, instantanément.
- Bonjour, madame, où est le malade ?
- Appelle-moi, Louma et je suis une damoiselle encore, remarque, je suis jeune, j'ai tout le temps pour le reste.
J'aimai d'emblée, sa familiarité, je n'étais pas trop porté sur les simagrées vieille France. Elle poursuivit.
- J'aime l'accordéon, mais c'est un instrument à vent, donc aucune corde à accorder à son arc, mon cupidon !
Merde ! Un flash, me fit comprendre que j'avais mal interprété la petite annonce de cette formation accélérée par correspondance, pour devenir accordeur de piano. Aussi, avec cette manie de nommer l'accordéon, le piano à bretelle, je m'étais fourvoyé. D'où le peu de demande et mon chômage permanent. J'essayai de sauver la face des apparences.
- Bien sûr ! C'est une image, mais un petit réglage peut-être ?
- Inutile, il sort de sa révision technique des dix mille contre-ut.
- Alors que puis-je faire pour toi, charmante Louma ?
En guise de réponse, elle écarta sa djellaba, il lui manquait un bras, le gauche. Je restais sans voix, car qu'aurais-je pu dire : « Ah, tu es manchote ! » Elle poursuivit donc, face à mon silence.
- Oui ! Je suis une accordéoniste « unimainiste ». C'est embêtant et c'est là que j'ai besoin d'une assistance.
- Oui ?
- D'un autre bras, ton bras !
- Je comprends, mais il serait plus adapté de prendre un bras de femme, ce serait plus harmonieux pour ton corps superbe, non ?
- Hi, hi ! Je ne veux pas me greffer ton bras, je veux qu'on joue à deux, simplement !
- Ouf ! Je préfère ça ! Le problème c'est que moi j'accorde, mais jouer, ce n'est pas dans mes cordes.
- Tu actionneras le soufflet, je ferais le reste.
- Oui, cela parait dans mes capacités.
C'est ainsi, que collés contre côtés, nous allions jouer à l'unisson les standards du musette et de cette union naquit, bien évidemment le grand amour à la Verschueren. Maintenant mon bras droit nous gênait, il était inopportun entre nos deux corps et comme il ne servait à rien, je décidai de m'en débarrasser. Je trouvai un chirurgien peu scrupuleux, spécialisé dans les troubles dysmorphophobiques, pour pratiquer l'amputation. Quand je fus complètement rétabli des suites de mon opération, je courrais, de mes deux jambes, chez ma belle, pour lui faire la surprise.
Elle fut surprise, certes, mais désagréablement surprise et me le fit savoir. Elle était comme cela, ma déesse, sans malice, cash de chez cash center !
- Hé, moi, je ne peux pas aimer un infirme !
- Pardon ?
- C'est au-dessus de mes forces, je ne t'aime plus. Na !
Sans malice, vous disais-je ! Maintenant, que mon Amour m'a laissé, je suis bien embarrassé pour continuer le métier. Un accordeur de piano aveugle, ça passe, mais un accordeur d'accordéon manchot, sans chien, ça ne le fait pas. Je me spécialise aujourd'hui dans l'accordage des binious et cornemuses, j'y trouverai peut-être une autre muse, cornes de bouc !
Étant plutôt dans ma période "page blanche", je me régale de ce genre de dé-lire :o)
· Il y a environ 7 ans ·daniel-m
Je connaissais les périodes « fleurs bleues, vaches maigres, jambes en l’air » mais pas la période « page blanche ». Je suis dans ma période « grand n’importe quoi » pour ne pas écrire « mes idées noires ». Le rire n’efface pas les peines, il le déplace, il les reporte. « Tu as mal à l’âme, coupe du bois ! » Disait Alain, le philosophe du « bon sens ».
· Il y a environ 7 ans ·Hervé Lénervé
Je comprends très bien.
· Il y a environ 7 ans ·daniel-m
dommage que les mots ne résonnent pas en éclats de rire!
· Il y a environ 7 ans ·nehara
Si les mots résonnaient en éclats de rire, que resterait-il au rire ? Des mots ?
· Il y a environ 7 ans ·Hervé Lénervé
culture bio bien sûr! ;))
· Il y a environ 7 ans ·nehara
Tant qu’à faire ! Mon bio jardin, Roi des roitelets, que j’aime ta Nature !
· Il y a environ 7 ans ·Hervé Lénervé
je suis fan! c'est tellement rare de rire en lisant! vos textes sont croustillants de malice, de dérision, de cet humour bien particulier qui semble vous définir. C'est un plaisir réel de vous lire
· Il y a environ 7 ans ·nehara
Je prends le compliment en pleine poire et à présent je suis rouge comme une tomate. Je suis un potager à moi tout seul ! Merci de me cueillir !
· Il y a environ 7 ans ·Hervé Lénervé
Irrésistible! courir en rond dans l'ascenseur! un régal pour mes zygomatiques! mais où allez vous cherchez tout cela? du vécu?? ;)
· Il y a environ 7 ans ·nehara
Non, aucun vécu dans cette histoire, j’ai été la chercher dans le marc de café, si cela marche pour lire l’avenir qui n’est même pas pré-écrit, pourquoi ne pas s’en servir pour trouver des histoires à écrire.
· Il y a environ 7 ans ·Hervé Lénervé