L'acte insinué

emilie

Le vent tourne, je le sens. Je salive à l’odeur des rues sombres. Par le noir et le blanc, cette nuit, le sang enfin répandra sa beauté.

Il m’a parlé. A l’heure des paupières lourdes, il m’a intimé l’ordre de tuer. Et tout le jour, j’ai cherché qui, comment, quand, avec quel outil.

Et puis, elle m’a appelé.

« Ça va ? Tu as l’air bizarre » m’a-t-elle dit au téléphone.

« Juliette, tu vas mourir », j’ai parlé dans ma tête.

J’ai senti des frissons inconnus. J’ai eu la sensation que mes yeux allaient exploser. Un étrange sourire, la folie, a surpris mon visage. Et mon souffle a changé.

Mon regard est lucide. Le monde est clair comme une cible immobile.

« Mon cœur, mets-toi sur ton 31 ce soir, je t’invite ».

Et puis j’ai raccroché.

J’éteins mon ordinateur, j’enfile mon blouson, prétexte un rendez-vous et sors. Je quitte le travail. J’ai d’autres tâches à accomplir…

« Alors comme çà, il t’a appelé mon cœur ? Tu crois que ça y est, il va enfin te dire : je t’aime ! Peut-être qu’il va te demander ta main ? Oui, Mon amour, jusqu’à ce que la mort nous sépare, Ah ! Ah ! Ah ».

Les rires furent faux. Il y avait comme un léger mal-être, une sensation étrange.

Sa voix était bizarre, et puis, il m’appelle mon cœur et…

Juliette se sentit mal. Elle aurait dû être aux anges, et pourtant, elle avait envie de vomir.

Et puis elle eut un flash, une de ces images horribles que l’on balaie de son esprit.

Mais çà y est, son corps savait, soudain. Se voyant mourir étranglée de ses mains. Regardée dans sa mort par son homme.

« Non !! » Elle cria.

Et ses collègues la regardèrent, horrifiés par ce hurlement sourd.

« J’éteins mon ordinateur, j’enfile ma veste et sors. Il faut que je lui parle. »

La chasse a commencé.

Il est 17 heures, en ce mois de janvier, et le jour s’éteindra bientôt.

Ça y est, il sait comment, et avec quel outil. La mise en scène est désormais actée. Elle sera pendue.

« Et je tuerai encore » s’est-il dit. « Je créerai. La mort deviendra belle. Je la filmerai, je montrerai au monde sa laideur. Ils verront mon sacrifice, ils auront peur de moi ».

Il fait nuit, et il ne répond toujours pas.

Elle rentre plus tôt que d'habitude.

Elle tourne la clé doucement et pénètre dans l’appartement. Tout est calme, à sa place.

Elle fait le tour des pièces, pour être sure qu’il n’est pas là.

Dans la cuisine, elle a pris un long couteau, qu’elle tient en tremblant.

Et puis soudain elle le voit.

Il est là, dans son bain.

Il ne l’a pas entendu. 

Juliette hésite un court instant, et puis un frisson inconnu parcourt l’étendue de son corps. Ses yeux semblent sortir de leurs orbites. Son souffle change. Elle ne tremble plus. Et un sourire surprend son visage. Son regard est lucide.

Désormais, le monde est clair comme une cible immobile.

Il fait jour depuis quelques heures déjà. L’appartement est silencieux. Toutes les pièces semblent vides. Une lumière pourtant est encore allumée.

L’eau du bain est froide.

Et le corps d’une femme danse au dessus de la baignoire.

« Tu crois que ça y est, il va enfin te dire : je t’aime ! Oui, Mon amour, jusqu’à ce que la mort nous sépare ». Ah ! Ah ! Ah.

Qui ?

Qui lui avait ordonné de tuer ?

Et comment avait-elle su ?

Etait-ce lui ?

Qui ?

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