l'ailleurs
philosofou
L’ailleurs. Je voulais oublier quelque chose. Mais je ne sais plus quoi. Ne sachant plus ce que je devais oublier, j’ai oublié de l’oublier. Et donc je m’en souviens toujours. Alors je n’arrive pas à l’oublier. Pour oublier ce qu’on a à oublier, il faut ne pas oublier de l’oublier, et pour cela se le rappeler, et se rappeler qu’il faut l’oublier. Donc pour oublier, il faut ne pas oublier. Je voulais partir. Alors je suis allé ailleurs. Mais ailleurs j’étais encore là, comme si je n’étais pas encore parti. Alors je suis encore parti en me disant: cette fois ça y est, je pars. Mais j’ai bien été obligé de m’arrêter à un moment donné. Et là, j’étais là, je n’étais plus parti! Alors je me suis dit: pour vraiment partir, il faut ne pas s’arrêter. Ce que je fis. Mais partout où je passais j’étais là, jamais je ne pouvais me dire: je suis ailleurs. Ailleurs c’est toujours autre part. D’autant plus qu’à force de circuler j’étais revenu à mon point de départ. J’y ai constaté que j’avais vieilli, que j’avais laissé ma jeunesse ailleurs. Depuis je suis reparti sur mes pas, pour la rechercher. Pour me rechercher. J’ai cherché un jour la femme de mes rêves. Le soir, je ne l’avais pas trouvée. Je suis quand même allé me coucher. Et je l’ai trouvée, dans mes rêves, la femme de mes rêves. Surpris, je me suis réveillé en sursaut. Bien sûr elle n’était plus là, elle était restée dans mes rêves. La nuit suivante je la retrouve et lui dit: « Vas-tu enfin sortir de mes rêves? » et elle l’a fait. Vous devinez la suite: je ne l’ai plus jamais revue dans mes rêves, alors j’en rêve éveillé, le jour. N’y tenant plus je l’ai suppliée d’apparaître, de devenir réelle. Et elle l’a fait, et j’ai été heureux. Mais maintenant je m’aperçois qu’elle n’est plus la femme de mes rêves, qu’elle ne peut plus l’être puisqu’elle n’y est plus. Alors je me remets à rêver, d’une femme de rêve… . Je me suis perdu. Je ne savais plus où j’étais. Désespéré, j’ai baissé les bras, et j’ai senti quelque chose: mes pieds. Je n’étais plus perdu, je m’étais retrouvé. Et sous mes pieds il y avait un chemin, le mien forcément puisque j’y étais. J’avais donc retrouvé mon chemin. Et sur ce chemin, un doute qui passait par là m’a assailli: Est-ce vraiment mon chemin? Est-ce vraiment moi? Puisque je m’étais perdu, j’aurais aussi bien pu retrouver quelqu’un d’autre! Justement, voyant passer quelqu'un je lui demandais: « Est-ce que je suis bien moi? -Ah non, moi, c’est moi! -Alors qui suis-je? -Toi? Eh bien c’est toi! -Alors je suis Toi? -Non, TU es TOI. -Donc, tu es toi, et moi je suis moi? -C’est l’inverse: tu es toi et je suis moi! -Mais c’est-ce que je viens de dire! Nous ne savions plus où nous en étions, nous étions perdus. Alors piteusement nous avons baissé la tête, et nous avons vu nos pieds, sur un chemin. Et nous sommes tombés d’accord: nous sommes nous, et c’est notre voie. Depuis nous parcourons le monde en clamant: « Nous sommes nous! » et chacun nous répond « nous aussi! » et notre nombre grandit sans cesse. Mais il reste encore des milliards de moi qui ne savent pas qu’ils sont nous. Ça viendra. Nous allons leur montrer qui nous sommes!
d'ailleurs c'est d'ailleurs - que l'articulation argumentaire vient souligner votre commentaire ...d'ailleurs tout vient d'ailleurs, vous n'étiez pas au courant - d'ici, c'est pas courant de le savoir...alors allons ailleurs
· Il y a presque 14 ans ·gun-giant
Vous avez noté généreusement ce texte, et je vous en remercie. Mais je n'ai lu aucun commentaire, ce qui me permettrait de progresser. Je préfère des critiques (circonstanciées et constructives) qu'une simple note scolaire. Merci m'envoyer votre avis, quel qu'il soit. Comme je le fais parfois avec vous, ce qui est parfois bien pris, parfois non.
· Il y a presque 14 ans ·Tant pis.
philosofou